Effets économiques de la pandémie: constats et leçons pour le futur

Communiqué, CCIG

5 minutes de lecture

La 14e Etude économique publiée par la CCIG et la BCGE, en collaboration avec l’OCSTAT, a pour objectif d’évaluer l’impact de la crise sanitaire sur l’économie genevoise

Sous le titre «Genève est-elle prête pour la prochaine crise?», la 14e Etude économique publiée par la CCIG et la BCGE, en collaboration avec l’OCSTAT, a pour objectif d’évaluer l’impact de la crise sanitaire sur l’économie genevoise et de formuler des éléments de réflexion permettant d’en tirer des enseignements. Cette étude, dont la rédaction a été confiée à Giovanni Ferro Luzzi et Sylvain Weber de l’Ireg (Institut de recherche appliquée en économie et gestion), constitue la première compilation de données – suisses et genevoises – portant sur plusieurs aspects de l’économie, tout en les plaçant dans une perspective historique.

Crise en «V» et contraction modérée du PIB

En Suisse, la contraction, en 2020, de 2,3% du PIB en lien avec la crise du Covid-19, apparaît relativement modérée, notamment par rapport au premier choc pétrolier (plus de 6%), et d’un niveau équivalent à celle induite par la crise des subprimes en 2008. Toutefois, l’affaissement de 6% du PIB au deuxième trimestre 2020 est le plus fort jamais enregistré sur un seul trimestre. La disparité entre ces deux données montre que la crise a déployé ses effets extrêmement rapidement mas que l’économie a également rebondi de manière rapide, selon un schéma dit en «V».

Au plan cantonal, en comparant Genève avec des cantons aux caractéristiques similaires, on constate que les PIB de Zurich et Vaud ont évolué de manière semblable à celui de Genève. A Bâle-Ville, toutefois, la chute du PIB a été nettement moins forte, avec un repli de 3,8% «seulement» au deuxième trimestre de 2020, tandis qu’aux premier et deuxième trimestres 2021, le taux de croissance est à nouveau nettement supérieur à ce qu’on observe pour les autres cantons.

Genève sauvée par son commerce extérieur

Au mois d’avril 2020, le commerce extérieur s’est très nettement contracté, les valeurs des importations et des exportations étant divisées par trois. Deux mois plus tard, les exportations avaient déjà rebondi jusqu’au niveau d’avant la crise. Cette reprise rapide s’explique en grande partie par la structure économique du commerce extérieur. L’industrie pharmaceutique et les activités financières, par exemple, ont fait preuve d’une grande résilience face à la crise, dans la mesure où la demande pour leurs produits est restée forte. C’est donc en partie grâce au commerce extérieur que le PIB de Genève a pu rebondir rapidement.

Croissance abrupte du taux de chômage

Se produisant après 10 ans de stabilité économique, la crise a provoqué l’augmentation du taux de chômage la plus abrupte jamais observée en l’espace de trois mois: entre février et mai 2020, celui-ci a augmenté de 3,9% à 5,2%, soit une hausse de plus de 33% du nombre de chômeurs. A titre de comparaison, l’éclatement de la bulle immobilière des années 1990 s’était néanmoins révélée beaucoup plus visible: le taux de chômage avait alors augmenté sur une période plus longue, jusqu’à un maximum de près de 6% en Suisse et de 8% à Genève, des niveaux qui constituent aujourd’hui encore les plus hauts historiques; dans le même temps, la chute du PIB était cependant restée relativement modeste.

Dans la présente crise, on constate que les taux de chômage des quatre cantons évoluent de manière globalement semblable, mais avec des différences de niveaux importantes. Les écarts entre Genève, Bâle-Ville et Zurich sont relativement stables, tandis que l’écart entre Genève et Vaud augmente nettement en phase d’expansion et diminue en phase de récession.

Repli sur le transport motorisé individuel

La crise sanitaire a causé des changements exceptionnels en matière de mobilité. Le trafic de l’Aéroport de Genève s’est pratiquement arrêté du jour au lendemain: de 1,5 million de passagers en février 2020, ce nombre a chuté à 6000 en avril de la même année. A fin 2021, il est d’environ 1 million par mois, soit d’un tiers inférieur à ce qu’il était avant la crise.

Dans le domaine des transports publics routiers, les nombres de passagers et de kilomètres parcourus sont, aujourd’hui encore, environ 30% inférieurs à ce qu’ils étaient avant la crise et semblent se stabiliser. Les comptages relatifs aux véhicules motorisés individuels montrent une réduction significative mais moins importante que celle constatée pour les transports aériens ou les TPG et s’observe essentiellement aux frontières. Ces données semblent accréditer la thèse d’un transfert modal du transport public vers le transport privé.

La RHT: rempart partiel contre le chômage

Les autorités ont rapidement agi sur les modalités régissant la réduction de l’horaire de travail (RHT). Historiquement, la seule période pendant laquelle un nombre relativement important de travailleurs s’y étaient trouvés soumis est la crise des subprimes. Au plus fort de cette crise, en 2009, un peu moins de 3000 personnes y étaient soumises à Genève (et 100'000 sur l’ensemble de la Suisse). La crise du Covid-19 a, quant à elle, engendré une véritable explosion. Au mois d’avril 2020, plus de 100'000 travailleurs dans le seul canton de Genève étaient en situation de RHT; un peu plus du quart de tous les emplois du canton étaient concernés. Au plan national, ils étaient près de 1,4 million de travailleurs en RHT.

Durant la deuxième moitié de l’année 2020, les RHT diminuent rapidement – sauf dans le secteur de la restauration où il augmente à nouveau fortement, du fait de la nouvelle fermeture des établissements publics. Alors même que les RHT diminuent globalement, le chômage continue d’augmenter et son taux s’établit au final à un niveau plus élevé qu’avant le début de la crise dans l’ensemble des secteurs économiques. Il apparaît en outre que les secteurs dans lesquels le chômage est élevé sont également ceux dans lesquels les RHT sont le plus utilisées.

Crédits pour les entreprises fragiles ou «confinées»

Au plan cantonal, les secteurs ayant le plus largement bénéficié du soutien de la Fondation d’aide aux entreprises (FAE) sont l’hébergement et la restauration (pour un montant total de près de 5,5 millions de francs), suivis du commerce (3,3 millions de francs) et de la construction (2,3 millions de francs). Ce sont donc les secteurs qui étaient les plus touchés par les mesures de distanciation sociale qui ont reçu le plus de crédits. On notera qu’il n’existe pas de corrélation entre les crédits reçus et les contributions sectorielles au PIB genevois.

S’agissant des prêts de la Confédération, les entreprises genevoises ont obtenu un montant total proche de 1,4 milliard de francs, ce qui représente 8% du total des crédits garantis par la Confédération (17 milliards de francs). Il est trop tôt pour tirer un bilan définitif de cette mesure de soutien, mais des analyses déjà effectuées montrent que les entreprises précédemment endettées ont plus recouru aux crédits que celles qui n’avaient pas de dettes avant l’apparition de la crise. En outre, son coût par poste de travail est élevé (environ 50'000 francs).

Diversification et soutien public: clés de la résilience

Genève semble avoir relativement bien résisté à la crise, vraisemblablement grâce à un tissu économique diversifié, avec plusieurs secteurs relativement forts (banque et finance, négoce de matières premières, industrie pharmaceutique, notamment).

Les conditions-cadres de l’économie genevoise ont sans doute également aidé, par exemple les lois relatives à l’équilibre des comptes et le frein à l’endettement, qui permettent de supporter l’économie privée en cas de besoin.

Enfin, l’extension des mesures de RHT et des aides financières aux entreprises a contribué à contenir les effets de la crise.

L’économie genevoise résiliente, mais pas immunisée au COVID
Face à une crise conjoncturelle d’ampleur historique, l’économie genevoise a su résister, notamment grâce aux mesures étatiques, prêts COVID et réduction des horaires de travail (RHT) en tête. Impossible cependant d’anticiper l’impact de nouvelles restrictions des activités sur des secteurs fragilisés, selon une étude publiée mardi.
«La crise sanitaire a été un stress test (...) pour vérifier la solidité de l’écosystème genevois. Je crois que nous avons des raisons d’être optimistes, même s’il faut rester vigilants», a expliqué mardi Vincent Subilia, directeur général de la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève (CCIG) en conférence de presse. La CCIG présentait avec son partenaire, la Banque cantonale de Genève (BCGE) la 14e édition de son étude économique.
Conduite par l’Institut de recherche appliquée en économie et gestion de la HEG Genève, l’étude a tenté de répondre à la question «Genève est-elle prête pour la prochaine crise?». Pour M. Subilia, si un scénario catastrophe ne peut être exclu - au regard des récents développements de la crise et la propagation du variant Omicron - les fondamentaux de l’économie sont bons. Les entrepreneurs «ont fait preuve d’une agilité et d’une résilience sans précédent», selon lui.
La bonne diversification sectorielle constituerait un atout pour Genève, la banque, la finance, la pharma et le négoce de matières première ayant permis - entre autres - au canton de résister face à la pandémie.
«Un nouveau confinement pourrait clairement mettre à mal de nombreuses entreprises, en particulier dans l’hôtellerie et la restauration. Ces entreprises ont réussi à passer le cap. Si on passe à un système dans lequel on ouvre et on ferme l’économie de manière épisodique et régulière, cela risque effectivement de fragiliser ces secteurs», a cependant averti Giovanni Ferro Luzzi, co-auteur de l’étude.
Pour arriver à leurs conclusions, les chercheurs ont passé au crible l’évolution trimestrielle du PIB, du marché du travail, du commerce extérieur et des transports durant la crise et analysé les chiffres relatifs aux prêts attribués aux entreprises ainsi que le recours aux RHT.
Des statistiques en montagnes russes
Les chutes essuyées l’année dernière à Genève et en Suisse globalement ont été les plus «brutales» en comparaison à toutes les crises connues depuis le choc pétrolier des années 1970, a souligné Sylvain Weber, co-auteur de l’étude. «Suite à cela, nous avons assisté à une récupération tout aussi violente du PIB, puisque l’augmentation a atteint 6% au troisième trimestre», a-t-il indiqué, évoquant une crise en forme de «V».
M. Ferro Luzzi a expliqué que la mise en «coma économique» a affecté durement les entreprises, qui ont pu toutefois se remettre rapidement une fois sorties de cet état. «Si vous regardez la crise des subprimes ou les précédentes, (...) la reprise était parfois anémique.»
Un constat similaire peut être fait pour le taux de chômage, qui a pris l’ascenseur avant de redescendre de manière aussi rapide. A cet égard, l’accès facilité aux RHT décidé par la Confédération a empêché une envolée durable des statistiques, selon les conclusions de l’étude.
Les aides financières ont également permis aux entreprises genevoises de passer l’épaule. Ces dernières ont touché 1,36 milliard de francs en crédits COVID, 31 millions de la Fondation d’aide aux entreprises (FAE) mais également 425 millions pour les cas de rigueur, soit de l’argent versé à fonds perdus pour des entreprises très fragilisées par les restrictions étatiques.
L’Aéroport de Genève a subi de plein fouet les restrictions de voyage et les fermetures imposées par les autorités, un coup dur dont il peine à se remettre. Les Transports publics genevois (TPG) n’ont également pas retrouvé les niveaux de fréquentation d’avant-crise. Les auteurs de l’étude soupçonnent le recours à la visioconférence, au télétravail et à la voiture personnelle d’être à l’origine de ces baisses potentiellement «structurelles». – (awp)

A lire aussi...