Une piste plus réelle pour la finance d’impact

Salima Barragan

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Deux Genevois financent des sociétés régénératives en Amérique latine par la dette privée. Avec Benjamin Firmenich d’Impact Finance.

Benjamin Firmenich et Cédric Lombard ont lancé Impact Finance en 2010. Le premier est scientifique de l’environnement et le second avait co-fondé Blue Orchard et Symbiotics, deux acteurs majeurs du microcrédit. Nourrie par l’ambition d’aller plus loin que ses prédécesseurs, la jeune société finance des entreprises régénératives en Amérique latine par la dette privée. «Les enjeux environnementaux et sociaux sont liés: le monde brûle», estime Benjamin Firmenich. Entretien.

Pour quelle raison avez-vous lancé Impact Finance en 2010, en continuation de Symbiotics et Blue Orchard?

Symbiotics et Blue Orchard sont des acteurs de la microfinance. De retour d'une année passée au Mexique pour y fonder le premier bureau de Symbiotics, Cédric Lombard a eu l’idée d’aller plus près de l'économie réelle et financer directement les entreprises de taille moyenne alors que la microfinance se focalisait sur une économie informelle et focalisée sur la survie. Il a ainsi décidé de fonder Impact Finance qui repose sur un modèle de fonds ouvert de type SICAV. La société ne prête pas à des institutions financières, mais finance directement 30 entreprises de taille moyenne avec de la dette privée; des prêts de plus de 1 million de dollars US pour une durée entre 6 mois et 5 ans.

Nous représentons la nouvelle vague de gestionnaires indépendants, et nous travaillons avec les Family Offices ne souhaitant pas collaborer avec de grandes structures.

En tant que scientifique de l’environnement, vous connaissez bien les questions climatiques. Comment abordez-vous les investissements d’impact?

La finance durable est un univers dans lequel l’impact va très loin. Il finance des activités à retombées positives. Nous avons défini nos thématiques d’investissement, dont la production responsable accompagnée d’une génération d’emploi de qualité, notamment auprès des populations rurales. L’adéquation entre l’entreprise et la nature est un aspect fondamental de ma vision.

Dans notre rapport d’impact, nous dévoilons la portion de l’impact sur les sociétés que nous finançons. Notre fonds représente un accélérateur de croissance pour ces entreprises avec qui nous travaillerons plusieurs années. Ensuite, elles auront accès à des financements meilleurs marchés ou leurs propres capitaux les suffiront.

Quelles sont vos stratégies afin de répondre aux urgences planétaires?

Nous avons trois principaux défis: la surexploitation des ressources naturelles, l’augmentation des inégalités et le changement climatique. Nos initiatives cherchent à restaurer des écosystèmes, en conserver d’autres - notamment face à la destruction des forêts -, et soutenir les entreprises qui offrent des emplois de qualité.

Les entreprises d’agroalimentaire régénératif en Amérique latine constituent le cœur de votre portefeuille. De quoi s’agit-il?

L’agriculture de régénération est apparue il y a 10 ou 15 ans. Elle implique une plus grande conscience de la santé des sols. Nous travaillons dans des filières des petits producteurs et avec des entreprises extrêmement efficaces pour produire avec le minimum de terres, d'eau et d'intrants. Environnementalement et économiquement viable, ce procédé requière cependant un certain savoir-faire agronomique.

La majeure partie de votre équipe est établie à Cali, en Colombie. Comment votre société est-elle structurée?

Notre activité d’investissement se concentre effectivement en Amérique latine où Cédric Lombard s’est installé en 2013: il faut être proche du terrain et avoir une équipe locale. Nous disposons sur place de professionnels qualifiés formés à nos principes. Nous avons 4 personnes à Genève, contre 11 à Cali. En termes d’efficacité et de coût, une telle structure semble indispensable.

Selon quel processus sélectionnez-vous les sociétés de votre portefeuille?

Dans un premier temps, notre processus prend en compte les risques financiers. Notre système applique un filtre sur les ratios de profitabilité et de liquidité de nos prospects. Ces derniers seront considérés comme des idées d’investissement du moment qu’ils atteignent une certaine note globale. Nous effectuons notre due diligence dans un deuxième temps. En termes de critères d’impact, nous nous concentrons sur des acteurs liés aux thématiques que nous avons à cœur.

Notre fonds en base dollar US détient uniquement des sociétés exportatrices dont les revenus sont libellés en dollar, dans le but de couvrir le risque devises.

Pourquoi dites-vous que la finance d’impact a sa place dans l’écosystème financier genevois?

Genève est une terre de trading de matière première et la Suisse héberge parmi les plus grands traders et transformateur de matière première. Genève c'est aussi et surtout la banque privée et un écosystème dynamique où souffle cette très protestante idée que la finance à un rôle «humaniste» à jouer. Notre réseau est ancré en Suisse, ce qui constitue un avantage pour les sociétés que nous finançons. Nous pouvons, par exemple, les mettre en contact avec des clients et des partenaires.

Quelle est la rentabilité de votre portefeuille?

Un produit avec une liquidité mensuelle, sous 3 mois de préavis, doit être à même d’offrir une rentabilité justifiant de bloquer la trésorerie. Nous cherchons aujourd'hui à offrir entre 5 et 6%. Cependant, l’augmentation des taux joue en notre faveur. Les sociétés ont des besoins accrus en financement au moment où les banques deviennent de plus en plus frileuses à débloquer des crédits.

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