Dette, hausses de taux et entreprises zombies

Salima Barragan

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Les défauts de paiement augmenteront au cours des prochains trimestres, estime Brian Payne de BCA Research.

Après une décennie d’argent facile, l'endettement est devenu la norme. À l’échelle mondiale, il a atteint à fin mars un niveau record: 305 billions de dollars US, selon une étude de l’Association mondiale des grandes banques (IIF). Incitées par des conditions de crédit avantageuses, certaines sociétés se sont endettées au-delà de leurs capacités. Maintenant que le régime de taux n’est plus aussi conciliant pour les affaires, verra-t-on une invasion d’entreprises «zombies»; dont les profits ne couvrent pas les charges financières? On les retrouve notamment dans les secteurs opérant avec un effet de levier, comme la technologie. Le point avec Brian Payne, stratège en chef PMA de BCA Research.

Comment l’endettement mondial a-t-il évolué ces dernières années et quelles sont les conséquences pour le marché du crédit?

Suite aux 10 à 15 dernières années d'argent et de crédit faciles, l'endettement est devenu la norme. Afin d’atteindre les niveaux de croissance souhaités, les sociétés se sont endettées de plus en plus; et ce n'est pas sans conséquences. Nous sommes ensuite entrés dans un environnement très différent avec des taux d'escompte tels qu'ils sont devenus. Le temps et les taux élevés finiront par entraîner un cycle de défaillance, en particulier si les banques centrales n’arrivent pas à poursuivre des politiques accommodantes. Nous nous attendons à ce que les défauts de paiement augmentent au cours des prochains trimestres, voire dans les années à venir.

Les taux sont plus proches de leurs sommets, ce qui rend les structures à taux fixe attrayantes. Le contexte de croissance difficile, avec inflation, constitue un soutien supplémentaire pour les revenus fixes.
Dans quels secteurs vous attendez-vous à une invasion d’entreprises en difficultés financières?  

Il s’agit de marchés opérant avec des effets de leviers sur les faibles taux d'intérêt. C’est-à-dire les actions de croissance, le capital-risque et d'autres secteurs similaires des marchés actions. Plus concrètement, nous constatons une augmentation des défauts de paiement dans les secteurs de la radiodiffusion et des médias, de la technologie et de certains produits de consommation. Cette tendance va persévérer.

Quelles sont les implications pour le marché du crédit?

Nous voyons un ensemble d'opportunités intéressantes dans le domaine de la dette en détresse, mais aussi dans le crédit privé. Si nous constatons une augmentation des défaillances, cela se traduit souvent par un point d'entrée opportun pour le prochain dollar de capital alloué aux actifs de crédit de longue durée. Les rendements se situent également à des points de départ bien meilleurs.

Les spreads de crédit vont-ils augmenter?

L'essentiel de l'augmentation des rendements provient de la hausse des taux de référence LIBOR et SOFR. Cependant, les spreads sont restés relativement stables dans l'ensemble. Nous pensons qu’ils augmenteront à l'avenir, offrant une compensation supplémentaire pour les prêteurs.

Quelles sont vos vues sur le crédit?

Nous sommes positifs à l'égard des obligations et des actifs à duration en général. Les taux sont plus proches de leurs sommets, ce qui rend les structures à taux fixe attrayantes. Le contexte de croissance difficile, avec inflation, constitue un soutien supplémentaire pour les revenus fixes.

Quel segment favorisez-vous?

Compte tenu de l'augmentation significative des rendements, combinée à nos perspectives de croissance et d'inflation, nous privilégions le crédit privé. La capacité à structurer les transactions, en particulier en ce qui concerne la dette subordonnée, conduira à des rendements asymétriques favorables. La position de négociation des prêteurs offre un potentiel de hausse supplémentaire. Dans la phase actuelle du cycle économique, le crédit semble également plus favorable que les actions. Bien qu'il comporte des risques, l'équilibre risque/rendement n'a pas été aussi convaincant depuis longtemps.