L’eau est un marché qui croît entre 6 et 15%

Salima Barragan

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Des acteurs hétérogènes contribuent à préserver l’eau, un univers d’investissement résilient aux baisses de marché. Avec Simon Gottelier de Thematics AM.

L’or bleu est au cœur même du développement économique. Sa demande augmente dans les marchés émergents et développés, en raison de la courbe démographique et de la croissance des entreprises. Les acteurs participant à ce marché colossal de 1000 milliards de dollars US sont hétérogènes: des fournisseurs d’eau propre, des sociétés industrielles, des valeurs technologiques et des noms de la consommation discrétionnaire, entre autres. Le point avec Simon Gottelier gérant de portefeuille senior spécialisé dans la stratégie Water chez Thematics AM.

Lorsque l’on évoque le marché de l’eau, de quoi parle-t-on exactement?

Il pèse environ 1000 milliards de dollars US. La croissance totale de ce marché est comprise entre 6 et 8%.  L’écosystème d’investissement comprend des sociétés qui fournissent des technologies permettant d’assurer un approvisionnement et une qualité de l’eau optimale. Ces sociétés bénéficient d'une opportunité de croissance visible et résiliente à long terme, et toutes se concentrent (à des degrés différents) sur la fourniture d’eau propre, dans la prévention et le contrôle de la pollution de l’eau et sur les moyens de réduire la pression exercée sur les ressources en eau existantes.

En tant que ressource naturelle et essentielle, l’eau représente des défis mondiaux. Quels sont-ils?

Le changement climatique est en tête de liste. La gestion de l’eau par les gouvernements et les entreprises peut influencer son devenir, et de nouvelles technologies comme le «smart water» ou l’utilisation des données digitales constituent des soutiens de plus en plus importants pour relever ces défis. Il y a ensuite l’accroissement démographique qui suppose une plus grande demande à l’échelle mondiale, notamment parmi les pays émergents enregistrant une croissance rapide de leur population à travers leur urbanisation accélérée. Le secteur est sous-investi dans les pays développés comme au Royaume-Uni et aux États-Unis, où les infrastructures sont mal entretenues et pour lesquelles les coûts des réparations pourraient s’élever à plusieurs trillions de dollars sur plusieurs décennies. La règlementation constitue le défi ultime, on peut aussi le voir comme une opportunité.  Le système mondial de l’eau est soumis aux règles de l’offre et de la demande, et, du côté de l’approvisionnement, la pollution chimique est toujours plus difficile à gérer. Ainsi, la réglementation relative aux substances polluantes représente une réelle opportunité à long terme pour les investisseurs, car ces polluants doivent être identifiés, traités ou extraits de l’eau.

Comment la demande évolue-t-elle?

Nous pourrions penser que la demande des pays développés reste stable, voire en déclin en raison d’une meilleure productivité, d’une meilleure prise de conscience environnementale, des progrès dans la gestion et d’une réduction des gaspillages. Mais en réalité, la demande s’accroit dans toutes les régions du monde – souvent en parallèle avec le changement climatique. L’irrigation de l’agriculture reste inefficiente dans les pays émergents. En tant que denrée précieuse (on ne peut survivre sans elle) et dans un contexte global de crise du pouvoir d’achat et de hausse des prix, l’eau est également soumise à des fluctuations de prix.

La croissance des revenus se situe dans une large fourchette comprise entre 6-15% par année, en fonction du type de marché et de la région.
Pour quelle raison la demande augmente-t-elle aussi dans nos contrées?

La demande en eau est très corrélée au PIB. Au niveau mondial, l’industrie est un très gros consommateur d’eau et un facteur clé en matière de croissance économique. Une entreprise en croissance voit automatiquement ses besoins croître, mais ses exigences en matière d’eau incluent des standards de qualité qui évoluent également et qui accordent toujours plus d’importance à l’optimisation de la consommation ainsi qu’à ce que l’entreprise rejette dans l’environnement.

Comment abordez-vous l’eau en tant que thème d’investissement?

Nous détenons une série de valeurs cycliques, orientée sur l’efficience de la gestion et du traitement de l’eau afin d’en consommer moins et de rentabiliser les activités. Ce segment comprend une poche «conso», notamment des fournisseurs de matériels de salles de bain moins gourmands en eau. Nous avons aussi des sociétés qui testent la qualité de l’eau, d’autres qui gèrent les déchets, certaines qui contrôlent la pollution de l’eau des réseaux hydrauliques urbains et destinés aux industries, des océans et des rivières, des fournisseurs d’eau réglementés jouissant d’un monopole ainsi qu’une variété de sociétés technologiques actives dans le traitement des eaux. Nous investissons aussi dans les fabricants d’infrastructures hydrauliques destinées à des projets de toutes tailles – dont certains pourraient bénéficier de financements fédéraux américains. Le portefeuille inclut également des fournisseurs de technologies pour des utilisations industrielles ou autres, par exemple pour filtrer l’eau ou la faire circuler dans une usine ou pour optimiser l’irrigation agricole. L’agriculture consomme 70% des ressources mondiales d’eau douce.

L’évolution du cadre réglementaire offre-t-elle de nouvelles opportunités spécifiques?

En plus des opportunités liées à «l'Internet des objets», aux systèmes de réseaux d'eau, à la gestion des flux et à l'automatisation, ainsi qu'aux services de conseil stimulés par les programmes gouvernementaux et les opportunités liées au changement climatique, le renforcement des réglementations régissant la qualité de l'eau représente une opportunité vraiment intéressante. Notamment si l’on pense à la future réglementation sur les PFAS - ou «forever chemicals», une famille de substances cancérigènes qui ne se dégradent pas naturellement dans l'environnement. Cette dernière devrait représenter une opportunité de marché de plusieurs milliards de dollars.

Ces différents styles d’entreprises constituent-ils un portefeuille diversifié, résilient aux baisses de marché?

Bien que le fonds comporte un biais cyclique, en raison des produits de consommation à forte valeur ajoutée, son bêta reste bien inférieur à un : il subit les aléas de marché, mais dans une moindre mesure que le marché des actions.

De quelle façon le thème reflète-t-il l’économie globale?

Ce sont des sociétés industrielles ou des fournisseurs d’eau, souvent peu connus du grand public. Il y a aussi des représentants de la santé et des matériaux. Vis-à-vis d’un indice mondial de type ACWI, le thème ne comporte aucune société actives dans l’énergie ou la finance, mais comprends certaines sociétés domiciliées dans des pays émergents.

Quels sont les rendements attendus des sous-thématiques du fonds?

La croissance des revenus se situe dans une large fourchette comprise entre 6-15% par année, en fonction du type de marché et de la région. Le taux de croissance d’une société offrant, par exemple, des systèmes domestiques de traitement et de purification de l’eau sera relativement mature aux États-Unis, mais en pleine croissance en Chine.

L'eau est un élément clé du développement économique durable.  Quel est son rôle?

En lui attribuant une valeur économique, on se concentre sur son utilisation, sa protection et sa répartition lorsqu'elle est rare. Le développement économique durable vise à améliorer le bien-être humain et à réduire les inégalités à long terme, tout en n'exposant pas les générations futures à des risques environnementaux importants et à des pénuries écologiques. Il est donc évident que la protection des ressources en eau, la limitation de la perte de biodiversité et la possibilité d'une activité économique et d'une prospérité basée sur l'eau sont les deux faces d'une même médaille. Si l'eau est essentielle à la croissance et à la production industrielles, il est vital d'avoir une compréhension globale de l'importance socio-économique de l'eau et de sa disponibilité pour faciliter l'agriculture, l'assainissement et l'activité économique - et les technologies et les services fournis par les entreprises dans lesquelles nous investissons jouent un rôle essentiel à cet égard.

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