Pourquoi investir dans la révolution alimentaire

Salima Barragan

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Danone, Nestlé et Unilever doivent s’allier avec des acteurs innovants afin de ne pas manquer le virage. Avec Luca Carrozzo, CIO de la banque CIC.

Une mini-révolution est en route. De nouveaux acteurs entendent optimiser la production alimentaire. Avec un poids de 10% du PIB mondial, l’agriculture consomme près de 70% des ressources en eau douce. L’industrie est également responsable de 30% des émissions de gaz à effet de serre. Les géants de l’agroalimentaire doivent s’allier avec de plus petites entreprises innovantes afin de ne pas manquer le virage, d’autant plus que les habitudes alimentaires sont, elles aussi, en plein bouleversement. Entretien avec Luca Carrozzo, CIO de la banque CIC.

Que recouvrent les investissements du thème de la révolution alimentaire?

La production de notre système agroalimentaire actuel se résume à une utilisation inefficace des ressources. Pour l’améliorer, de nouvelles technologies comme l’agriculture de précision, l’automatisation et la robotique sont nécessaires. Nous l’avons identifié en tant que thème de croissance, dont l’horizon de temps se situe entre 3 à 5 ans.

Les géants agroalimentaires pourraient-ils manquer le virage?

Les grandes entreprises ont encore un grand potentiel de rattrapage. Pour simplifier, on peut dire que l'innovation a lieu dans les petites entreprises - dont font partie les start-ups, mais aussi certaines petites et moyennes capitalisations - et que les grands groupes sont responsables du développement et de la mise à l'échelle de ces innovations. Par conséquent, les deux parties sont nécessaires pour le changement structurel de l'industrie alimentaire. Ce n'est pas un hasard si les grandes entreprises alimentaires concluent souvent des coopérations avec des entreprises plus petites ou prennent des participations dans celles-ci. On a pu observer le même schéma pendant des années dans l'industrie pharmaceutique. Il s'agissait de petites entreprises de biotechnologie innovantes au sein desquelles l'innovation avait lieu. Mais lorsqu'il s'agit de développer et de mettre à l'échelle un produit, les grandes entrent en jeu. C'est aussi à ce stade que l'on observe la plus grande activité de fusions et d'acquisitions.

Quels sont les résultats semestriels des nouveaux acteurs de cette thématique?

Les augmentations des taux d’intérêt ont pénalisé ces titres de croissance. Malgré des bilans solides, ces entreprises ont des investissements élevés: l’endettement est ainsi devenu un fardeau. Cependant, nous nous attendons à une croissance en-dessus de la moyenne dans les années à venir. Ces titres, pour l’instant risqués, deviendront une niche dans le futur si l’on se fie aux statistiques de la production alimentaire.

Les prix des vitamines sont extrêmement bas en raison des surcapacités de production, ce qui rend le secteur moins intéressant.
En comparaison, quels sont vos commentaires sur les résultats des géants de l’agro-alimentaire?

Ils ont globalement tous augmenté leur chiffre d’affaires. A regarder de plus près, cette embellie provient uniquement des hausses des prix sur lesquelles ces sociétés tirent parti. La croissance organique de Nestlé s’élève à 8%, mais son volume est en recul de 1,1%. Il en va de même pour ses concurrents Danone ou Unilever: ces sociétés n’ont pas écoulé davantage de marchandises. En conclusion, leurs p/e demeurent chers.

Ces groupes ont-ils succombé à la «greedflation», la tentation d’augmenter des prix pour profiter du renchérissement?

Oui, ils ont en profité. Ils ont aussi exploité la «shrinkflation», lorsque le prix demeure le même, mais la quantité est revue à la baisse. Ce procédé augmente mécaniquement les marges de profits. La bouteille de Coca-Cola reste un exemple célèbre.

Les habitudes alimentaires sont également en train de changer. Comment les jeunes se nourrissent-ils vis-à-vis de leurs parents?

Ils sont plus sensibles à la qualité de leur alimentation et à son influence sur la santé. Ils sont plus conscients de l’importance de maintenir une vie saine. Pour la première fois en Europe, l’apport calorique supplémentaire est négatif pour l’espérance de vie. 

Effectivement, Nestlé vend beaucoup de chocolats…Les compléments et les substituts alimentaires profitent de la vague du «manger sain». Vous intéressez-vous à ces «superfood»?

Les prix des vitamines sont extrêmement bas en raison des surcapacités de production, ce qui rend le secteur moins intéressant. Nous aimons cependant la société hollandaise DSM, leader dans l’industrie. Son intégration à Firmenich prendra encore une peu du temps. Sa valeur reste pour l’instant un peu élevée, mais ce titre constitue une idée d’achat pour le futur.

En s’attaquant à l’obésité, les sociétés pharmaceutiques promeuvent aussi la santé. Novo Nordisk a sorti un médicament permettant de réduire l’absorption de sucre, ce qui pourrait amener ces consommateurs à repenser leur mode de vie.

Comment l’industrie des emballages se réinvente, afin de s’adapter aux nouveaux modes de consommation et devenir moins polluante?

Le concept de l’emballage à usage unique sera bientôt démodé. Certains produits à base de déchet végétaux ont fait leur entrée en Europe. SIG, active dans le domaine, garantit des aliments frais tout en restant écologique. Son concurrent, Tetra Pack profite aussi de la tendance des emballages durables.

Comment jouez-vous la thématique de la révolution alimentaire?

Nous investissons dans cette mégatendance en plus de nos positions de base dans les portefeuilles. Pour les investisseurs qui souhaitent également profiter de cette tendance, il existe différentes possibilités. Investir directement dans des entreprises comme SIG, DSM ou Carbios sur forme de titres individuels, acheter des ETF comme le RIZE ETF qui sont bon marché, mais sans sélection. La dernière possibilité est de confier la sélection à des professionnels et souscrire à un fonds géré activement, comme par exemple celui de Picard Angst «The Food Revolution». Cependant, vous ne trouverez aucun Danone, Nestlé ou Unilever dans ces produits.

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