Nous avons plus investi dans les sociétés immobilières

Emmanuel Garessus

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Carla Bänziger, de Vontobel Asset Management, présente ses dernières convictions et cite des sociétés suisses capables de relever leurs prix de vente.

Le début d’année a été marqué dans les actions suisses par une stabilité des cours et une grande volatilité selon les résultats d’entreprises. Carla Bänziger, portfolio manager des actions suisses auprès de Vontobel Asset Management, répond aux questions d’Allnews sur les perspectives du marché suisse:

Quels premiers enseignements pouvez-vous tirer sur les actions suisses, après ce premier mois?

Nous pensons que le marché devrait rester volatile au premier semestre. Quelques actions ont très bien débuté l’année, comme Roche, avant de corriger à l’annonce du résultat annuel. Le climat de nervosité, au sein des investisseurs, se traduit par des ventes significatives dès qu’un aspect négatif est mis en lumière. Dans le cas de Roche, la surprise négative est venue de l’effet monétaire. Les perspectives présentées pour 2024 étaient meilleures que prévu, mais les attentes des analystes ont dû être révisées à la baisse pour prendre en compte les effets de change.

Novartis, Roche et Nestlé semblent à la peine. Est-ce que les actions suisses ont un avenir sans ce trio?

Certainement, il ne faut pas noircir le tableau. De nombreuses sociétés prennent le relai, parviennent à croître et à maintenir leurs marges dans un contexte de stagnation. Notre travail consiste précisément à trouver les sociétés qui éviteront les mauvaises surprises. 

Dans votre fonds Vontobel Sustainable Swiss Equity, pour quelle raison les 3 premières positions sont toujours occupées par Novartis, Roche et Nestlé?

La raison tient à l’indice de référence, en l’occurrence l’indice SPI, au sein duquel ces trois valeurs ont la plus forte pondération et représentent plus de la moitié de l’indice. Nous essayons avant tout de surperformer l’indice à l’aide de sociétés à petite capitalisation. Au cours des dix dernières années, les grandes capitalisations ont sous-performé les petites et moyennes capitalisations.

Nous pensons que le marché devrait rester volatile au premier semestre.

Les sociétés de taille moyenne n’ont pas été assez épargnées par des résultats inférieurs aux attentes, ces dernières semaines, de Logitech à Interroll en passant par LEM. Est-ce uniquement la faute du franc ou est-ce structurel?

Les raisons diffèrent d’un groupe à l’autre. Logitech avait fortement profité de la phase Covid et du boom numérique. Mais malgré un résultat solide, l'entreprise a donné des perspectives prudentes pour l'année à venir, ce qui a inquiété les investisseurs. Mais nous pensons que la société poursuivra son expansion, peut-être pas d’ici 2 mois mais sans doute d’ici 2 ans.

Quels risques acceptez-vous de prendre en ce moment? 

Notre approche est fondamentale.  Pour l'instant, nous nous concentrons sur les entreprises qui génèrent des flux de trésorerie constants et qui peuvent maintenir leurs marges bénéficiaires même dans un environnement macroéconomique difficile. Dans de nombreux cas, cela suppose que les groupes soient en mesure de maintenir des primes stables malgré la baisse des coûts des intrants et qu'ils disposent d'un bilan suffisamment solide pour ne pas être confrontés à des problèmes de refinancement dans le contexte actuel de taux d'intérêt élevés.

Avez-vous quelques exemples de sociétés qui vous ont le plus convaincu dans leur capacité à fixer les prix?

Geberit est très fort sur ce point avec une forte hausse de ses prix de vente ces 2 dernières années. La société souffre toutefois de la conjoncture très morose dans la construction en Allemagne, où elle est très présente. C’est pourquoi nous ne surpondérons pas Geberit. Lindt & Sprüngli fait aussi partie des sociétés capables de fixer les prix. Nous la surpondérons dans tous nos portefeuilles car nous pensons que le groupe présentera une forte croissance aussi à l’avenir, continuera à gagner des parts de marché sans faire de concessions sur ses marges.

Je citerais également Galenica, mais pour une autre raison. Connue pour ses pharmacies Amavita, elle est contrainte de vendre aux prix que lui imposent les autorités, mais elle a l’avantage d’une bonne visibilité sur les prix. Ces dernières années, elle a démontré qu’elle pouvait accroître ses marges même lorsque les prix des médicaments étaient diminués. La société a aussi l’avantage de ne pas risquer de mauvaise surprise sur les monnaies puisqu’elle se concentre sur la Suisse.

Quel est votre taux de rotation (ndlr. le volume de transactions par rapport à l’ensemble d’actifs) dans vos fonds en actions suisses?

Le taux de rotation atteint 30% à 40% par an. Cela signifie que nous sommes investis entre une année et demie et 2 années dans un titre. Mais nous avons également des valeurs dans lesquelles nous sommes investis depuis très longtemps, comme Lindt & Sprüngli ou Galenica.

Est-ce que vos convictions ont été modifiées ces derniers mois?

Nous avons effectué quelques modifications dans nos portefeuilles à la fin de l’année dernière. Nous avons investi davantage dans des actions immobilières, comme PSP et SPS, en partant de l’idée que la Banque nationale n’augmentera plus ses taux d’intérêt. Ces deux titres devraient profiter de la baisse des taux à venir. A l’inverse, nous avons nettement diminué nos positions dans VAT après l’avoir largement surpondéré l’an dernier. L’action a gagné plus que 60% en 2023 même si la demande ne s’était pas encore manifestée concrètement. Le titre anticipe donc une grande partie de ses excellentes perspectives. Nous sommes neutres à cet égard en ce moment. 

Au cours des dix dernières années, les grandes capitalisations ont sous-performé les petites et moyennes capitalisations.

Est-ce votre opinion pour les autres actions technologiques?

Non. Nous avons établi une position sur Comet après que l'action ait été nettement à la traîne par rapport à VAT l'année dernière. L'année dernière, la performance a souffert d'un retard dans le lancement du produit ainsi que de marges beaucoup plus faibles en raison de la baisse de la demande. Après une journée des investisseurs, en novembre dernier, qui lui a permis de présenter ses vues et sa stratégie à long terme, le marché est devenu plus positif à l’égard de Comet, et nous également.

Est-ce que les actions suisses peuvent se libérer de la stagnation de l’Europe?

L’effet de la stagnation européenne est différent d’une société à l’autre. Geberit est davantage pénalisé que des sociétés plus globales comme Straumann ou Lindt & Sprüngli. Il est effectivement à craindre qu’un groupe très présent en Europe cela se traduira par une baisse de la croissance du chiffre d'affaires.

Est-ce que le marché suisse est cher? N’assiste-t-on pas à une tendance dans laquelle le marché est certes cher mais ne cesse de monter comme le dit l’expression «escalader un mur d’inquiétude»?

Le marché se sépare en deux parties. Les grandes valeurs du SMI sont correctement évaluées en comparaison historique. Les small & midcaps sont bon marché sur cette base historique et nous pensons qu’elles surperformeront en 2024 quand les baisses des taux d’intérêt seront bien engagée, au 2e semestre. Il est donc très intéressant d’être investi en small & midcaps suisses dans une perspective à 12 mois.

Vos choix sont le fruit d’analyses fondamentales, mais comment comprendre que la performance par exemple de votre fonds Ethos Equities, Swiss Mid & Small soit très proche de l’indice SPI Extra?

A l’inverse de votre sentiment, c’est un fonds actif géré en fonction de contraintes très fortes. Il faut savoir que bien la moitié des quelque 200 actions suisses sont exclues de l’univers d’investissement parce qu’elles ne répondent pas aux stricts critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) d’Ethos.

Quel est l’état de la demande des investisseurs pour les critères ESG dans les actions suisses?

Le respect des critères ESG est une priorité absolue pour de très nombreux investisseurs institutionnels.

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