«L’IA ne remplacera pas le conseiller»

Emmanuel Garessus

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L’intelligence artificielle est une opportunité pour VZ, selon Giulio Vitarelli, CEO, qui prévoit une hausse nette des effectifs de 100 personnes en 2023.

Le groupe VZ poursuit son expansion. Au premier semestre, il a augmenté ses revenus de 9,4% et son bénéfice net de 12,1% tandis que les actifs sous gestion se sont accrus de 8,9% (à 42,6 milliards de francs) par rapport au début de l’année. La prévoyance reste une préoccupation majeure de la population et VZ tente d’y répondre par ses services de conseil. Se effectifs augmentent de 51,9 (EPT) au premier semestre à 1299. L’entreprise est cotée en bourse (+22% depuis le début de l’année), mais elle dispose d’un actionnaire de référence en la personne de Matthias Reinhart, fondateur de VZ, qui détient environ 60 pour cent des actions. Giulio Vitarelli, président de la direction générale, répond aux questions d’Allnews sur sa stratégie et les défis du système de prévoyance.

Quel est secteur dans lequel vous enregistrez la plus forte demande actuellement?

La demande s’accroît surtout au sein des plus de 55 ans. Elle naît de la complexité croissante des lois fiscales, successorales et des changements intervenant dans la prévoyance vieillesse. Il en résulte une incertitude renforcée en ce moment par la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt. Les clients ont besoin de conseils pour réduire cette incertitude.

Ce conseil a un prix. Est-ce qu’avec l’inflation vous allez augmenter le prix de vos conseils?

Non. Pour nos prestations de conseil, nous facturons nos heures comme le font les fiduciaires ou les avocats. Une augmentation de prix n’est pas à l’ordre du jour pour le moment. Le prix du conseil dépend de la complexité de la situation des clients.

«Chaque ménage pourrait économiser 6000 à 8000 francs par an sur les coûts financiers.»
Votre marge nette se situe à 38%. Est-ce qu’il faut l’interpréter comme le signe d’un faible degré de concurrence?

L’expertise et l’accompagnement du client dans la prévoyance est effectivement unique chez VZ. Notre ADN est celui de la planification de la retraite. Il existe certes des concurrents dans des segments particuliers, mais pas sur l’ensemble du marché et de sa complexité.

Allez-vous accroître la diversification de vos services?

Ce n’est pas une priorité pour le moment, car elle est déjà très vaste. Notre objectif est de permettre à tous de partir à la retraite mieux préparés. Outre la prévoyance, donc, nous offrons déjà des solutions d’assurance, des conseils aux entrepreneurs (jusqu’à leur succession) et aux PME, des hypothèques et des conseils de revente de leur maison.

Pouvez-vous accroître la digitalisation de votre activité de conseil en prévoyance?

Le 2e pilier forme l’essentiel de la fortune des Suisses. La question consiste à savoir s’ils emploient une solution digitale pour gérer leur épargne ou s’ils font appel à un conseiller physique. Nous observons une préférence marquée pour le conseil personnalisé. Nos experts développent des concepts permettant d’optimiser les revenus, le patrimoine et les impôts. Ils utilisent souvent des instruments numériques pour mieux présenter les choix d’investissement possibles. Les deux canaux vont de pair. Je suis convaincu que le caractère humain joue un rôle décisif dans les questions complexes qui portent sur un domaine qui porte sur toute une vie de travail.

Qu’attendez-vous de l’intelligence artificielle dans votre domaine?

L’intelligence artificielle (IA) est une opportunité. Nous la testons aussi afin d’améliorer nos processus et notre gestion des données. Le but est de permettre aux conseillers de disposer de davantage de temps pour leurs clients et de répondre plus vite à leurs demandes. L’IA ne remplacera pas le conseiller.

Vous augmentez vos effectifs d’une centaine d’employés par an. Est-ce que ce rythme va se poursuivre?

Oui, nous prévoyons une croissance de cet ordre pour accompagner l’augmentation de la demande. La demande va augmenter avec l’évolution démographique. Le sommet de la croissance due aux baby boomers devrait survenir en 2031.

VZ est réputé pour une préférence au retrait en capital plutôt qu’à la rente et à l’utilisation des ETF plutôt que des fonds actifs. Avec le changement structurel des marchés et la hausse durable des taux d’intérêt, allez-vous modifier vos principes d’investissement?

Attention, il faut bien faire la différence. VZ adapte son conseil à la situation de chaque ménage et ne préfère pas systématiquement le capital à la rente. Le client doit aussi prendre en compte d’autres facteurs tels que le moment de sa retraite, l’utilisation de son capital, l’investissement issu du pilier 3a, les facteurs fiscaux, le budget annuel futur, les recettes et les charges à la retraite. Il s’agit d’établir un concept pour les années de retraite en discussion avec les clients. Nous présentons toujours différentes variantes. Par exemple, le choix du capital, de la rente ou une version mixte. Le but est la sécurité financière pour le reste de la vie.

«Une augmentation de prix n’est pas à l’ordre du jour pour le moment.»

L’expérience révèle que la plupart se décident pour une solution mixte. Nos conseillers ne reçoivent aucune incitation à choisir le versement sous forme de capital. Dans une 2e étape, le client doit réfléchir à la mise en œuvre du concept, soit à travers VZ soit lui-même, soit auprès d’une banque. S’il préfère VZ, nous sommes convaincus que nous devrions l’investir comme des investisseurs institutionnels, c’est-à-dire comme une caisse de pension. Cela signifie d’investir dans des instruments bon marché, comme les ETF, parce que nous voulons que les coûts supportés par les clients soient bas et que nous ne voulons pas tenter d’inutiles expériences. Le rendement net doit être très proche de celui du marché.

Et l’effet de la hausse des taux?

Les taux ont grimpé, mais le rendement réel ne s’est guère modifié car l’inflation a augmenté. Nos recommandations sont donc inchangées. Il ne faut pas prendre des décisions d’investissement en fonction du court terme mais garder le cap sur le long terme. Le concept pour la retraite porte sur 20 à 25 ans. Les émotions ne manquent pas en ce temps d’inflation et crises géopolitiques, mais c’est encore plus important d’adopter le comportement du professionnel. Pour un ménage comme pour une caisse de pension, il faut calculer les revenus et les coûts avant de présenter une stratégie de placement. Dans ce contexte, les placements bon marché et transparents comme les ETF ou fonds indiciels jouent un rôle décisif.

Quel est l’aspect le plus souvent sous-estimé par les clients?

La plus grande erreur, très humaine, est de se concentrer sur l’«ici et le maintenant», en l’occurrence sur l’année en cours. La sous-estimation des effets de l’inflation fait sans aucun doute partie des erreurs les plus fréquentes. Mais je citerais en premier lieu le niveau des frais bancaires et d’assurance. Comme pour un plein d’essence, il faut comparer les prix. Les clients ne comparent pas assez les frais des banques et des assurances. Il s’agit souvent de petits montants mais l’impact total est énorme. Chaque ménage pourrait économiser 6000 à 8000 francs par an sur les coûts financiers.

L’année prochaine, est-ce que vous prévoyez 3 fois non aux votations sur la prévoyance en mars et en juin (initiative pour une 13e rente AVS, initiative des jeunes PLR pour la flexibilité de l’âge de la retraite, réforme du 2e pilier)?

Le fait que nous devions nous exprimer sur 3 projets souligne un réel besoin de réforme de la prévoyance vieillesse. Il y a une marge à utiliser du fait de l’allongement de l’espérance de vie et de la réduction de la part des actifs par rapport à celle des retraités. Je ne sais pas ce qu’il adviendra, mais le projet de réforme du 2e pilier a bénéficié d’un large soutien. Sinon, elle ne se serait pas matérialisée au parlement. Cette réforme aidera à résoudre une partie des problèmes liés au temps partiel, aux bas salaires et à l’augmentation de l’espérance de vie (taux de conversion plus bas). De telles améliorations sont bienvenues. Nous nous engageons à informer les clients sur ce qui les attend et avons publié une étude à ce sujet. Elle permet à chacun de savoir dans quelle mesure il sera touché. Il n’est pas possible de dire s’il y aura davantage de gagnants que de perdants. C’est pourquoi chacun devrait calculer qu’en est-il de sa rente.

A votre avis, quels sont les plus grands défis du système de prévoyance ? Davantage de solidarité ou de responsabilité individuelle?

Nous devons faire preuve à la fois d’une plus grande solidarité et d’une plus forte responsabilité individuelle. Notre système est basé sur un contrat entre les générations. Mais il a été mis en place à une autre époque. Il faut l’ajuster. Nous avons un système formidable si on le compare aux pays voisins. Il doit faire face aux nouveaux défis sans être changé en profondeur. Il faut prendre en compte la nécessité de verser des rentes plus longtemps, de répondre à la réduction relative de la part des actifs, de mieux intégrer les emplois à temps partiel. La baisse du taux de conversion réagit à l’augmentation de l’espérance de vie. La réforme du 2e pilier réagit aussi à la redistribution des jeunes aux seniors. Fondamentalement, les Suisses font preuve de responsabilité et il convient de la renforcer parce qu’elle a conduit au niveau de prospérité dont nous disposons.

La réforme du 2e pilier s’adresse en partie aux femmes. Est-ce que vos propres conseils tentent de réduire ce que l’on appelle le Gender Investment Gap?

En règle générale, peu importe le genre, le questionnement est identique: Comment se préparer à la retraite et comment organiser mes finances après celle-ci ? Notre expertise est la même et elle répond aux besoins d’un ménage, peu importe sa composition.

Vous voulez augmenter vos effectifs de 100 personnes (net) par an. Comment espérez-vous y parvenir au vu de la pénurie de main-d’œuvre?

Il est important de savoir que nous formons nous-mêmes nos experts durant deux ans en moyenne au sein de notre académie. Chacun est ainsi persuadé d’être accompagné et formé avant de conseiller un client. Nous ne cherchons donc pas des consultants mais des jeunes et des personnes en reconversion. Les autres aspects sont usuels si ce n’est qu’en venant chez VZ ils savent qu’ils seront conseillers et non pas vendeurs de produits financiers. Notre effectif de conseillers croît de 8% par an.

Est-ce que vous engagez aussi des banquiers, par exemple issu de Credit Suisse?

Très rarement parce qu’un banquier doit être prêt à investir son temps dans notre système de formation, dans notre académie.

Il existe encore quelques lacunes sur la carte de vos représentations en Suisse. Quelles seront les prochaines étapes?

Nous avons ouvert 3 nouvelles succursales cette année : Nyon, Wil et Bellinzone. Nous sommes aujourd’hui présents dans 35 localités en Suisse. L’optimum devrait se situer entre 35 et 45, mais nous avons aussi des projets d’agrandissement dans 3 à 4 succursales chaque année où nous doublons notre surface.

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