Conserver une vue d’ensemble sans céder à la panique

Mario Geniale, Bank CIC (Schweiz)

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La résilience est le thème principal qui dominera l’économie de demain. C’est également dans cet esprit que tout portefeuille doit être géré.

Les fluctuations sur les marchés financiers ayant considérablement augmenté, il est plus important que jamais pour les investisseurs d’agir avec circonspection. Pour ceux d’entre eux qui ont une stratégie à long terme, les périodes de crise recèlent de nombreuses opportunités – si l’on tient toutefois compte de quelques détails.

Le coronavirus a pris le contrôle non seulement de notre société, mais aussi de l’économie et donc de la Bourse. Suite au coup d’arrêt économique ordonné par les États, on observe les premiers signes d’érosion des résultats d’entreprises. Les pertes de chiffres d’affaires impactent les bilans des entreprises et les factures impayées ont des répercussions sur leurs partenaires commerciaux par effet boule de neige.

Sur le marché du pétrole, les conséquences de la crise actuelle sont des plus singulières: la baisse de la demande étant très largement supérieure aux capacités de stockage, les cours ont partiellement basculé dans le négatif. Craignant une livraison de barils de pétrole, certains spéculateurs se sont vus contraints de vendre leurs positions à des prix en dessous de zéro. En outre, les comptes rendus des médias exacerbent les émotions. Dans une telle situation, les investisseurs feraient bien de surveiller attentivement le marché.

 L’endettement en hausse limite la croissance
de la production et la flexibilité.
Le moment pour mettre de l’ordre dans le portefeuille

Même si les investisseurs ont de bonnes raisons de s’affoler face à l’état de leur portefeuille, c’est actuellement le bon moment pour mettre de l’ordre dans leurs placements sans céder à la panique. Pour tous ceux qui sont intéressés par les actions ou qui investissent déjà dans ce domaine, la question est de savoir quelles décisions prendre afin de faire fructifier leur patrimoine à long terme. Les taux d’intérêt nuls sur les livrets d’épargne, d’un côté, et un rendement à long terme intéressant sur le marché des actions de l’ordre de 6-8 %, de l’autre, font clairement pencher la balance en faveur des actions.

Par exemple: Apple et Google

Si l’on apprécie les produits pour lesquels on a opté en tant que consommateur, pourquoi ne pas participer à la réussite de l’entreprise qui les propose en achetant ses actions? Je pense en particulier à Apple et Google, dont les services sont largement utilisés. Le premier vend des téléphones à plus de 1000 francs et le second exploite des données clients considérables à des fins publicitaires.

La dégradation de la conjoncture appelle à des décisions claires

Il ne se passe pas une semaine sans que des gouvernements ou des banques centrales adoptent des plans d’aide parfois obscurs destinés à assurer la survie des acteurs du marché. Et ce sont précisément les engagements des États en matière de politique fiscale qui pèseront sur les générations futures. L’endettement en hausse limite la croissance de la production et la flexibilité. S’ajoute à cela une autre mauvaise nouvelle: selon les prévisions du Secrétariat d’État à l’économie (SECO), le produit intérieur brut accusera cette année une baisse de -6,7 %. Ces prévisions s’appuient sur des enquêtes menées auprès des directeurs d’achat, à qui l’on a demandé leur opinion quant à l’évolution future de la situation. Après être dernièrement tombé à des valeurs aussi basses qu’au temps de la crise financière, l’indice des directeurs d’achat s’est replié à 20, sachant que 50 marque la limite entre contraction et expansion. Entreprises et consommateurs vont devoir se préparer à des conséquences inévitables. Pour réagir à la faible demande et à la productivité réduite, on procède à des baisses de la production. À cela vient s’ajouter le haut niveau d’endettement des entreprises, qui réduit la marge de manœuvre des entreprises les plus vieillissantes. Si l’on considère tous ces facteurs dans leur ensemble, la dégradation de la conjoncture appelle à des décisions claires.

La crise du coronavirus entraîne d’importantes
modifications structurelles pour la société et l’économie.
Eviter les secteurs cycliques

Les investisseurs doivent impérativement remettre en question d’un œil critique leurs positions actuelles en actions. Pour les entreprises de niche ayant très peu de clients, une baisse de la demande peut avoir des conséquences dévastatrices sur le chiffre d’affaires et, partant, sur le cash-flow. Par ailleurs, les sous-traitants travaillant pour les secteurs cycliques (automobile, matières premières), notamment, doivent être évités. Tout comme les entreprises du tourisme, les entreprises œuvrant dans la branche porteuse d’avenir qu’est la mobilité sont soumises actuellement aux décisions des États en matière de restriction de la mobilité, et doivent par conséquent être sous-pondérées.

Santé, agro-alimentaire et télécommunication avec du potentiel

Au vu de la tension qui règne au sein de l’économie réelle, il convient de privilégier les entreprises de secteurs solides tels que la santé, l’agro-alimentaire et les télécommunications. Ces dernières résistent bien mieux aux aléas économiques, étant donné que la demande de leurs produits est plus ou moins indépendante de la conjoncture. Les investisseurs qui souhaitent toutefois se lancer également dans les secteurs cycliques devraient aussi envisager d’investir dans des entreprises répondant aux critères suivants: chiffre d’affaires en hausse constante, faible endettement et force d’innovation suffisante. Ces trois facteurs sont déterminants pour la réussite future d’une entreprise sur son marché et sont synonymes de valeur ajoutée.

Profiter des modifications structurelles

La crise du coronavirus entraîne d’importantes modifications structurelles pour la société et l’économie. Les entreprises axent leur production sur des concepts résistants à la crise qui visent la résilience, autrement dit la stabilité, plutôt que l’optimisation des processus. Cela requiert l’intervention de sociétés de conseil qui préparent de manière exhaustive les entreprises à ces bouleversements.

Un profond changement des habitudes de consommation contraint par ailleurs les entreprises concernées à faire des investissements. Les chaînes de restaurants renforcent leur offre à emporter, répondant ainsi à une exigence nouvelle des consommateurs: bénéficier d’une grande flexibilité dans le choix des produits. Tous ces changements se produisent dans un contexte marqué par les tentatives des États, mais aussi de l’économie privée, d’accroître le contrôle sur les données personnelles (Corona-App).

La crise actuelle offre aux États une occasion d’intervenir davantage sur la liberté individuelle des consommateurs. L’attaque du World Trade Center en septembre 2001 avait déjà créé des conditions favorables à une acceptation par la société d’une augmentation des ressources «contre le terrorisme». Les entreprises qui en tirent parti sont celles spécialisées dans la collecte et l’analyse de données, mais aussi les acteurs des secteurs bénéficiant des marchés publics, autrement dit des secteurs de la santé, des technologies et de la logistique.

La résilience est par conséquent le thème principal qui dominera l’économie de demain. C’est également dans cet esprit que tout portefeuille doit être géré. Le maître-mot est donc le suivant: faire des investissements résistants à la crise à une époque marquée par les impondérables.