USA: la Fed a déjà fait beaucoup sur les taux, selon James Bullard

AWP

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Le président de la Fed de Saint Louis estime que la Fed ne peut pas «de façon réaliste, faire évoluer sa politique monétaire du tac-au-tac après chaque menace» sur le front commercial.

James Bullard, un des membres clés du Comité monétaire de la Fed, juge que les taux d’intérêt se situent «dans la bonne fourchette» dans un nouveau message d’indépendance vis-à-vis de l’administration Trump qui réclame toujours davantage de soutien monétaire.

La Banque centrale américaine a déjà «fait beaucoup» pour soutenir la croissance, a indiqué James Bullard, président de la Fed de Saint Louis (Missouri) dans un entretien à l’AFP mardi.

Il a été un des premiers membres du Comité monétaire à plaider en faveur de la baisse des taux intervenue le 31 juillet, vu la faiblesse de l’inflation et les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis notamment.

Mais M. Bullard estime que la Fed ne peut pas «de façon réaliste, faire évoluer sa politique monétaire du tac-au-tac après chaque menace d’un côté ou de l’autre».

Après la baisse d’un quart de point pourcentage (0,25%) des taux au jour le jour intervenue la semaine dernière --la première en 11 ans--, les marchés financiers misent encore sur au moins deux baisses de taux d’ici la fin de l’année, alors que la guerre commerciale s’est envenimée avec la chute la monnaie chinoise et les accusations américaines de manipulation du yuan.

Le conseiller pour le Commerce du président Donald Trump, Peter Navarro, a réitéré les demandes de l’administration mardi insistant sur la nécessité de la Fed de baisser encore les taux d’intérêt de façon significative.

Il a réclamé une baisse «d’au moins 75 points de base ou 100 points» (soit trois quarts de point ou un point entier de pourcentage), estimant que les taux américains sont trop éloignés de ceux du reste du monde et que cela handicape les exportations américaines en renforçant le dollar et affaiblissant les autres devises.

L’incertitude déjà prise en compte

Mais pour James Bullard, la Fed a déjà bien «pris en compte une grande part d’incertitude liée au commerce».

«Des menaces viendront des deux bords, certaines seront suivies d’effets, d’autres pas» a-t-il déclaré ajoutant qu’avant de décider une nouvelle réduction de taux, il voulait «prendre la mesure de l’évolution de l’économie».

Celui qui voulait abaisser le coût du crédit dès le mois de juin (il était le seul à voter contre la décision de les laisser en l’état lors de la réunion du 19 juin) est apparu mardi plus circonspect sur la nécessité de poursuivre sur la voie de davantage d’assouplissement monétaire.

Il a souligné que la Fed avait déjà nettement «changé de direction» ces six derniers mois. «Faire davantage ou pas» en terme d’assouplissement monétaire «dépendra des données économiques», a-t-il répété. Avant tout prochain ajustement, «nous voulons voir quel a été l’impact de l’assouplissement que nous avons décidé». La prochaine réunion monétaire est prévue le 18 septembre.

M. Bullard a aussi assuré que l’économie américaine «se portait très bien».

Interrogé sur l’indépendance de la Banque centrale qui fait l’objet d’une pression constante de la part de Donald Trump pour baisser les taux, M. Bullard a assuré que la Fed «rendait ses décisions comme elle l’avait toujours fait».

«Il y a toujours des pressions politiques», a-t-il déclaré minimisant l’impact des tweets rageurs de Donald Trump.

Mardi, quatre anciens présidents de la Banque centrale ont publiquement appelé le président Trump, sans le nommer, à respecter l’indépendance de l’institution.

L’article dans le Wall Street Journal, signé par Paul Volcker, 91 ans, Alan Greenspan, 93 ans, Ben Bernanke, 65 ans et Janet Yellen, 72 ans, plaide «pour que la Fed et son président puissent agir indépendamment libérés de pressions politiques à courte vue et en particulier de la menace de limoger les dirigeants de la Fed pour des motifs politiques».

«C’était une très belle lettre», a réagi M. Bullard face à cette rare tribune au ton solennel écrite par tous les anciens dirigeants de la Fed, démocrates comme républicains.

«C’est toujours bien de rappeler au peuple pourquoi la société en est venue à décider de mener la politique monétaire de cette façon», à travers une institution indépendante, a affirmé le patron de la Fed de Saint Louis.

L’abaissement des taux de la Fed ne risque pas dans l’immédiat de mettre en danger la stabilité financière, selon lui, en poussant les investisseurs à prendre des risques pour obtenir toujours plus de rendements.

«Je suis sensible à cette question mais ne crois pas qu’il soit nécessaire de s’y attarder trop. Je ne décèle pas de bulle relevant de l’ampleur de de la bulle internet ou de la bulle immobilière», deux épisodes financiers qui ont mené aux dernières récessions de 2001 et 2009.

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