Passe d’armes entre Trump et Draghi sur les taux de changes

AWP

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Le président américain accuse la BCE de vouloir donner un «avantage injuste» à l’UE. Accusation rejetées par le président de la Banque centrale européenne.

Le président de la Banque centrale européenne a rejeté mardi des accusations portées à son encontre par Donald Trump d’une manipulation des taux de change au profit de la zone euro.

«Nous n’avons pas d’objectif de taux de change», a déclaré Mario Draghi lors d’un séminaire de l’institut monétaire organisé au Portugal, en réaction à une question sur les critiques du président américain.

«Nous avons notre mission. Nous avons notre mandat, (...) la stabilité des prix», a-t-il ajouté, soulignant qu’il s’agissait de son seul mandat.

Dans la matinée, l’homme fort de l’euro avait déclaré que la Banque centrale européenne pourrait recommencer à baisser ses taux d’intérêt après plus trois ans de stagnation.

Même s’il avait déjà évoqué cette possibilité début juin, les propos ont cette fois fait bondir Donald Trump, qui y a vu une manoeuvre de la zone euro pour faire baisser le taux de change de sa monnaie face au dollar et ainsi doper ses exportations.

«Injuste»

M. Draghi «vient d’annoncer que de nouvelles mesures pourraient venir stimuler l’économie, ce qui a immédiatement fait chuter l’euro par rapport au dollar, leur donnant un avantage injuste pour concurrencer les Etats-Unis», a dénoncé sur Twitter le bouillant président américain, engagé depuis des mois dans un bras de fer avec l’Europe en matière commerciale.

Les Européens «le font impunément depuis des années, avec la Chine et d’autres», a ajouté M. Trump.

Mario Draghi s’est lui borné à expliquer que son institution pourrait enclencher une panoplie de mesures «en l’absence d’amélioration» sur le front de l’inflation, qui reste trop faible aux yeux de la BCE, en raison d’une conjoncture économique toujours poussive.

Parmi ces outils, «de nouvelles réductions des taux directeurs et des mesures d’atténuation visant à en limiter les effets secondaires», a-t-il précisé.

Des propos qui ont eu une forte résonance dans un contexte où, après avoir semblé engagés dans un processus de relèvement progressif des taux, les Etats-Unis comme la zone euro semblent changer leur fusil d’épaule face aux difficultés économiques pour envisager un mouvement inverse.

La deuxième évocation d’une piste de baisse des taux, en l’espace de quelques semaines, a fait spectaculairement bondir les places boursières, tout en ramenant l’euro autour de 1,12 dollar, et détendu le marché obligataire.

Le taux d’emprunt à dix ans de la France est passé pour la première fois en territoire négatif mardi, y rejoignant le taux d’emprunt allemand de même échéance.

«C’est l’indication la plus claire, jusqu’à présent, que la Banque centrale va réduire les taux d’intérêt et relancer son programme d’achats d’actifs dans les prochains mois» si l’inflation ne redécolle pas, estime Andrew Kenningham, de Capital Economics.

Nouveau coup de pouce

La Réserve fédérale américaine se réunit mercredi et les investisseurs attendent «des indications qu’une baisse des taux est désormais dans les tuyaux», relève Tangi Le Liboux, stratégiste du courtier Aurel BGC.

La dégradation de la conjoncture mondiale, combinée aux tensions commerciales entre les Etats-Unis et ses principaux partenaires, est à l’origine de ce retournement.

Pour la zone euro, après les propos de M. Draghi, la cause semble entendue: selon Capital Economics, la BCE pourrait réduire «en décembre prochain» son «taux de dépôt», à -0,50%, tandis que le principal taux commandant les conditions de crédit restera à zéro.

Le taux de dépôt est déjà à -0,40% depuis mars 2016, ce qui oblige les banques à rémunérer la BCE en lui confiant leurs liquidités en surplus.

Et ce n’est pas tout, puisque M. Draghi a estimé que l’institut disposait encore «d’une marge importante» pour relancer son programme de rachats nets d’actifs, baptisé «assouplissement quantitatif» ou «QE», mené pour 2’600 milliards d’euros entre 2015 et fin 2018.

La BCE pourrait par exemple «se libérer des marges de manoeuvre pour deux ans environ» en modifiant les conditions techniques de ce programme, par exemple en relevant de 33% à 50% la limite de détention d’une même émission de dette, ajoute Frederik Ducrozet.

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