Pour entamer la seconde moitié de l’année...

Chris Iggo, AXA IM Core Investments

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Il semble que l’optimisme des investisseurs, ainsi que la résilience des consommateurs et des entreprises, aient eu raison de l’impact des guerres commerciales et des guerres tout court.

Les marchés ont produit des rendements élevés au cours du premier semestre de l’année 2025. Il semble que l’optimisme des investisseurs, ainsi que la résilience des consommateurs et des entreprises, aient eu raison de l’impact des guerres commerciales et des guerres tout court. Les ventes d’actifs à risque ont été rapidement contrecarrées. Même les mesures de volatilité implicite ont été réduites. Les traders tablent désormais plus fortement sur de multiples abaissements des taux d’intérêt aux Etats-Unis. Les diatribes peuvent être plus brutales que la réalité, et cela peut amener les investisseurs assistant à des conférences de presse chaotiques à penser qu’il ne se passera finalement pas grand-chose portant à conséquence. Ont-ils raison? Plus que jamais, les données économiques concrètes indiqueront la voie à suivre aux marchés durant le second semestre, mais ne soyez pas surpris si la croissance s’avère plus faible et l’inflation plus forte.

En recul - La croissance mondiale ralentit. Si l’on en croit les données historiques sur le PIB, et les prévisions formulées dans les perspectives sur l’économie mondiale, publiées par le Fonds monétaire international, sur les 18 plus grandes économies de la planète, en 2025, seules l’Inde et l’Espagne présenteront un taux de croissance supérieur à leur moyenne annuelle sur 45 ans. Le taux composé de la croissance, comparé à sa tendance sur le long terme, donne à penser qu’en 2024, la croissance mondiale est passée au-dessous de sa trajectoire historique et que cette année, ce phénomène sera encore plus prononcé. Cela ne signifie pas pour autant qu’une récession nous guette. Mais cela traduit un risque croissant pour un tel événement. Dans un aperçu historique, le «National Bureau of Economic Research» des Etats-Unis a daté les récessions américaines des périodes durant lesquelles la croissance mondiale avait connu un ralentissement marqué, c’est-à-dire atteignant un niveau inférieur à la moyenne en la matière. Nous nous trouvons peut-être à l’un de ces points d’inflexion, et ceci a clairement des implications en termes d’allocation d’actifs et de positionnement des investisseurs sur les marchés des titres à revenu fixe. Le ralentissement de la croissance devrait prolonger le cycle d’assouplissement monétaire. Par ailleurs, les perspectives de nouvelles baisses de taux sont nettement plus évidentes aux Etats-Unis et au Royaume-Uni qu’en Europe.

Le boulet des nouveaux droits de douane - Toutefois, les marchés ne sont pas orientés en fonction d’une récession, et une grande partie de l’analyse donne à penser que l’économie mondiale se montre résistante et capable de supporter l’imposition de tarifs douaniers américains d’une ampleur modérée. Cependant, nous ne savons pas à quel niveau final se situeront les nouveaux droits de douane. Selon une étude de la banque d’investissement que j’ai lue cette semaine, le résultat le plus probable annoncé le 9 juillet sera un droit de douane général de 10%. Les Etats-Unis s’efforceront ensuite de conclure des accords individuels avec divers pays et conserveront une «position de négociation», en menaçant d’imposer des tarifs majorés si aucun accord n’est conclu. À la fin de la semaine, le sentiment du marché semblait refléter l’impression que les Etats-Unis et la Chine progressaient sur la voie d’un accord commercial. Tout ça est un peu laborieux, à vrai dire. Pourquoi ne pas avoir des échanges commerciaux entièrement exempts de droits de douane? Jamais encore l’on aura pris le risque de causer un tel dommage économique pour obtenir un gain réel aussi mince.

En veille - On perçoit quelque optimisme quant à la perspective que la Réserve fédérale américaine (Fed) pourrait se rapprocher d’un abaissement de ses taux. La prise en compte anticipée dans les prix du marché laisse entrevoir la possibilité d’un abaissement des taux le 30 juillet - et une chance raisonnable d’obtenir encore deux baisses supplémentaires d’ici la fin de l’année. Pour ma part, je n’en suis pas certain. Vu les pressions constantes exercées par la Maison Blanche sur la Fed pour qu’elle abaisse ses taux, il faut que les données économiques concrètes justifient une telle décision. Nous ne traversons pas une période normale et, bien qu’une baisse des taux fondée sur des prévisions de croissance plus faible puisse se justifier, la crédibilité de la Fed est en jeu. Or, il est peut-être déjà trop tard, car le président Donald Trump a fait savoir qu’il avait quatre candidats potentiels en tête pour remplacer le président de la Fed, Jerome Powell. À l’heure actuelle, les taux ne présentent cependant qu’une faible volatilité, et les marchés obligataires jouent leur rôle «d’abri sûr».

Ralentissement (de la croissances) mais hausse (des valeurs technologiques) - Que disent les chiffres, au fait? Les chiffres définitifs sur la croissance du PIB américain du premier trimestre ont été publiés cette semaine et révèlent une contraction de 0,5%. Il ne faut pas chercher à en tirer des conclusions de trop grande portée, compte tenu des importations réalisées pour devancer les droits de douanes annoncés et d’un certain ralentissement des dépenses de consommation faisant suite à un très bon quatrième trimestre de 2024. Mais la tendance est au ralentissement de la croissance pour la plupart des composantes du PIB. En glissement annuel, l’économie a en effet progressé de 2,0%, contre 2,9% au cours du même trimestre de l’année précédente. Les chiffres du trimestre qui vient de s’achever seront intéressants, compte tenu de la volatilité des échanges commerciaux, de la baisse des dépenses des entreprises et des consommateurs, ainsi que de l’impact effectif des droits de douane sur les revenus des consommateurs et les marges des entreprises. Une croissance en berne augmente clairement le risque de voir l’économie entrer en récession. La question est de savoir si cela suffira à ébranler l’optimisme d’un marché boursier qui est encore une fois alimenté par la hausse des actions technologiques. À l’heure où tout le monde renforce ses dépenses en matière d’intelligence artificielle, le cours de l’action Nvidia pourrait continuer à atteindre de nouveaux sommets, comme cela a été le cas cette semaine.

Signes avant-coureurs - Les rapports mensuels de l’Institute for Supply Management sont toujours suivis de près par les marchés. Dans son enquête sur l’industrie manufacturière, cet organisme constate une nette diminution de l’indice des importations et une augmentation marquée de l’indice des prix payés - comme on pouvait s’y attendre à la suite de l’introduction d’une taxe sur les produits importés. Les demandes hebdomadaires d’allocations de chômage ont également suivi une tendance à la hausse, avec une moyenne sur quatre semaines s’établissant à 245’000 pour la semaine se terminant le 20 juin, contre 223’000 à la fin du premier trimestre. Rien de bien dramatique, mais suffisant pour donner à penser que les États-Unis sont sur une trajectoire de croissance plus faible. Insuffisant toutefois pour inciter la Fed à intervenir. Du moins, pas pour le faire dans l’immédiat.

Le crédit est solide comme un roc - Un ralentissement de la croissance, mais en absence de récession, est généralement un contexte favorable à une allocation largement axée sur les titres à revenu fixe. La tendance est à la baisse des taux d’intérêt - c’est ce que je continue à prévoir. Même en Europe, où l’euro a repris de la vigueur, la Banque centrale européenne pourrait estimer que l’inflation se rapproche d’un niveau trop bas et se voir par conséquent obligée de suivre la voie empruntée par la Banque nationale suisse, en aboutissant à des taux proches de zéro. Même sans une intervention aussi extrême, l’environnement des taux d’intérêt devrait être favorable aux entreprises et aux investisseurs qui souhaitent maximiser les revenus de leur portefeuille obligataire. Des discussions que nous avons eues cette semaine avec des gestionnaires de portefeuilles obligataires, il ressort que la demande de crédit reste très forte et que les problèmes de crédit des entreprises, de même que les défaillances sur le marché des obligations à haut rendement, restent des phénomènes rares. Les écarts sont serrés, mais les rendements sont attrayants (5 % pour les titres américains de première qualité et plus de 7% pour les titres à haut rendement).

Emportez les gains? - Au premier semestre, les rendements du marché ont été bien meilleurs que ce que l’on pouvait prévoir compte tenu de la guerre commerciale et de la participation directe des Etats-Unis à l’action militaire menée contre l’Iran. Les rendements de certains groupes d’actions sont spectaculaires. Le principal indice boursier coréen a enregistré une progression totale de 29%, selon Bloomberg. Les rendements obligataires sont modestes, mais ils correspondent aux niveaux de rendement du début de l’année. Le marché américain du haut rendement a dégagé un résultat total de 4,3% en dollars américains, et son indice de rendement total ne cesse d’atteindre des sommets historiques. Un gain de 7 à 8% sur l’ensemble de l’année semble une chose probable.

Le second semestre part sur une base caractérisée par des marchés chers et des risques persistants. Si j’étais placé devant le choix soit de sécuriser les gains, soit de rechercher des rendements plus élevés, je crois savoir ce que je ferais. Il est en effet inutile de faire comme si le gouvernement en place à Washington allait soudainement devenir plus prévisible et agir de façon plus orthodoxe, ou que les risques géopolitiques avaient disparu. L’indice VIX est à 16, et l’indice ICE des obligations d’entreprises à un an ou cinq ans offre un rendement de 4,5%.
 

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