Le débat en France sur la taxation des non-résidents en fonction de leur nationalité fait figure de «serpent de mer» tant il apparait, puis disparait périodiquement, au gré des campagnes électorales et des alternances politiques.
Deux récents exemples peuvent être cités, qui sonnent comme des tentatives inabouties mais nullement abandonnées de maintenir la pression fiscale sur les contribuables, y compris après leur départ de France. Et il ne fait pas de doute que les débats musclés qui s’annoncent autour de la prochaine Loi de finances pour 2026 remettront cette initiative au cœur de l’actualité.
En octobre 2024, lors des débats houleux autour du projet de Loi de finances pour 2025, un amendement parlementaire avait tenté de faire adopter le principe d’un «impôt universel ciblé» visant les personnes de nationalité française ayant résidé en France au moins trois ans au cours des dix dernières années avant qu’elles ne quittent le pays. Ce nouvel impôt aurait concerné les expatriations vers des pays à fiscalité attractive (inférieure de 50% aux impôts français), quel que soit le type d’impôt (impôt sur les revenus, la fortune, les donations ou les successions).
Dans cette configuration, un candidat à l’expatriation vers l’un des nombreux pays ayant une fiscalité inférieure de 50% à la fiscalité française resterait imposable en France pendant les huit années suivant son départ. Nous pensons naturellement à la Suisse pour les gains sur la fortune privée, les donations et les successions en ligne directe (si les donataires ou les héritiers ne sont pas en France), à l’Italie, également pour les donations et les successions (y compris cette fois-ci avec des donataires ou des héritiers en France), sans parler de Maurice ou de Dubaï!
La volonté d’étendre les impositions françaises après le départ d’un contribuable est également présente dans la proposition de loi visant à instaurer «un impôt plancher de 2% sur le patrimoine des ultrariches». Cette mesure, inspirée de l’économiste français Gabriel Zucman, vient d’être rejetée le 12 juin dernier par le Sénat. Afin d’éviter les risques «d’exil fiscal qui pourraient découler de l’entrée en vigueur de cette imposition», un amendement a pris le soin de préciser que demeurent soumises à l’impôt plancher sur la fortune, sur leurs biens situés en France ou hors de France, les personnes physiques qui ont été domiciliées en France pendant plus de dix ans et pendant au moins l’une des cinq dernières années.
Concrètement, une personne domiciliée en France pendant plus de dix ans resterait redevable de cette imposition sur une période de cinq ans suivant son départ de France.
Aucune de ces deux tentatives de taxation extraterritoriale n’a finalement abouti, mais il est absolument certain que de nouvelles propositions similaires seront débattues prochainement.
En effet, depuis la publication du volumineux et très instructif rapport d’information parlementaire du 17 septembre 2019 relatif à «l’impôt universel», cette notion revient régulièrement dans le débat fiscal français.
Plutôt que de recommander une taxation fondée sur la nationalité – mesure démagogique et pratiquement inapplicable à moyen terme en raison des contraintes du droit européen, de la nécessité de renégocier plus de 120 conventions fiscales, sans parler de la complexité à mettre en place un FATCA à la française (et ne sont pas les Etats-Unis qui veut!) – le Rapport propose onze mesures alternatives destinées à combattre l’exil fiscal.
Au titre des propositions les plus crédibles, la proposition n°3 du rapport vise à «adopter en France un mécanisme d’obligation fiscale étendue pour les nationaux partant dans des pays à fiscalité privilégiée, pour une durée à définir par le législateur, qui pourrait se situer entre 5 et 10 ans».
Le principe dit de «fiscalité limitée étendue» permet de prolonger les obligations fiscales du citoyen d’un Etat lorsque celui-ci décide de changer de résidence fiscale, en prenant notamment domicile dans un pays à fiscalité privilégiée (cette notion devant alors être clairement définie, un seuil de 50% semblant ressortir des conclusions du rapport).
Plusieurs pays ayant déjà instauré cette «fiscalité limitée étendue» ont servi de source d’inspiration aux parlementaires français. On peut ainsi citer l’Allemagne, la Finlande, la Suède, ou encore l’Espagne et l’Italie, qui ont chacun, avec leurs spécificités, mis en place un droit de suite fiscal à l’égard de leurs citoyens.
Il s’agit donc d’une mesure qui semble avoir fait ses preuves à l’étranger, y compris à l’égard des dispositions communautaires, et qui serait surtout relativement aisée à mettre en œuvre.
Il ne serait dès lors pas étonnant de retrouver prochainement, au détour d’une loi de finances (dès la loi de finances pour 2026 possiblement), une disposition instaurant dans le code général des impôts français le concept d’impôt universel.