Fonds de pension et politique monétaire: entre fardeau et opportunité

Alexandra Tischendorf, WTW Suisse

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Le 19 juin 2025, la BNS a maintenu son cap: baisse des taux d'intérêt sans retour aux taux négatifs. Pour les caisses de pension, une question subsiste: comment gérer les faibles rendements en Suisse?

 

Le retour à une politique de taux d'intérêt zero

Le 19 juin 2025, la Banque nationale suisse (BNS) a abaissé son taux directeur de 0,25 point de base à 0,0%. Il s'agit de la deuxième réduction de taux cette année (la cinquième depuis juin 2024) et ceci indique que la BNS réagit à nouveau plus activement à la baisse de l'inflation et aux pressions haussières persistantes sur le franc suisse. Le président de la BNS, Martin Schlegel, a cité les perspectives d'inflation modérées - les projections actuelles pour l'année ne sont que de 0,2% - ainsi qu'un environnement mondial incertain. En même temps, la BNS a clairement indiqué que, bien qu'un nouvel assouplissement monétaire puisse être envisagé si nécessaire, elle hésite à revenir aux taux d'intérêt négatifs. Du point de vue des fonds de pension, cette prudence est compréhensible.

Comment les fonds de pension ont tiré parti de l'environnement de taux d'intérêt bas pour améliorer la professionnalisation des investissements

L'ère des taux d'intérêt négatifs entre 2015 et 2022 a sans aucun doute été un défi pour les fonds de pension suisses. Sur leurs liquidés, détenus pour répondre aux obligations à court terme, ils ont dû payer des intérêts négatifs annuels, entraînant des coûts directs estimés à environ 2,4 milliards de francs sur la période. De plus, les placements à revenu fixe, en particulier les obligations suisses, ont perdu un potentiel de rendement significatif, mettant une pression structurelle sur la planification à long terme et la stabilité du financement.

Les grands fonds de pension avec une gestion d'actifs professionnelle ont pu bénéficier de nouvelles classes d'actifs et d'opportunités de diversification internationale.

Par ailleurs, cette période a servi de catalyseur pour de nombreux fonds de pension pour repenser leurs stratégies d'investissement. Pour compenser la baisse des rendements des classes d'actifs traditionnelles, de nombreuses institutions ont élargi leur diversification et adopté des approches d'investissement plus professionnelles. Alors que la part moyenne des obligations suisses s'élevait à près de 23% en 2014, elle a reculé de plus de 5% au cours de la décennie suivante. Pendant ce temps, les allocations aux actions, à l'immobilier, aux infrastructures et aux actifs alternatifs ont été considérablement augmentées dans de nombreux cas de figure. Ce changement a non seulement permis un potentiel de rendement à long terme plus élevé, mais a également contribué à une modernisation de la stratégie d'investissement. Les grands fonds de pension avec une gestion d'actifs professionnelle ont pu bénéficier de nouvelles classes d'actifs et d'opportunités de diversification internationale. A long terme, cette transformation a renforcé non seulement les perspectives de rendement, mais aussi la résilience aux fluctuations du marché.

Les obligations suisses sous pression

Avec la dernière baisse des taux d'intérêt, une classe d'actifs essentielle pour les fonds de pension est à nouveau sous les feux de la rampe : les obligations d'Etat et d'entreprises suisses. Bien que ces instruments soient considérés comme relativement sûrs, ils n'offrent actuellement que des rendements réels très faibles, voire négatifs. De nombreux fonds de pension se demandent désormais s'ils doivent continuer à réduire leur exposition aux obligations domestiques, une tendance déjà observable ces dernières années, et dans quelle mesure.

Même si un abandon total des obligations suisses est peu probable, on s'attend à une plus grande sélectivité, en particulier pour les nouveaux investissements. La question clé est celle du coût d'opportunité par rapport aux titres à revenu fixe internationaux offrant des rendements plus élevés. L'éventail des instruments de crédit alternatifs est large et offre des opportunités d'investissement intéressantes, même si celles-ci nécessitent une analyse approfondie des risques de change et de crédit. Il est clair que les taux d'intérêt bas en Suisse obligent les fonds de pension à prendre des décisions stratégiques de plus en plus complexes lors de l'allocation de leurs portefeuilles.

Perspectives: la stabilité au centre des préoccupations

La fin de la politique de taux d'intérêt négatifs en 2022 a été largement perçue comme un soulagement pour les fonds de pension. La décision actuelle de la BNS de réduire à nouveau ses taux, sans toutefois passer en territoire négatif, devrait être interprétée comme une approche équilibrée et prudente.

Néanmoins, pour les fonds de pension, la question clé reste de savoir comment se positionner stratégiquement dans un environnement de taux d'intérêt durablement bas. Le rôle des obligations suisses, en particulier, est à nouveau remis en question. Si ces instruments ont historiquement constitué une base stable pour l'allocation des portefeuilles, ils n'offrent actuellement que peu ou pas de rendement réel, ce qui remet en cause leur fonction stabilisatrice. De nombreux fonds devront donc se demander s'ils doivent réduire davantage leurs positions en obligations domestiques, adopter une approche plus sélective ou les remplacer progressivement par des placements étrangers plus rémunérateurs. Cela nécessite toutefois une gestion prudente des risques de change, de crédit et de liquidité.

Conclusion

La politique monétaire de la BNS n'influence pas seulement les coûts de financement à court terme, mais influence également les décisions d'investissement structurelles au sein du deuxième pilier suisse. Les années à venir exigeront une approche plus différenciée du risque de taux d'intérêt, des rendements réels et des exigences réglementaires, ce qui demandera un haut niveau de professionnalisme et une grande agilité stratégique de la part des institutions de prévoyance.

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