L’ABC des obligations municipales américaines

Jeffrey Burger, Insight Investment (BNY Investments)

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Le taux de défaut historiquement bas confère aux «munis» un attrait particulier pour les investisseurs frileux et des vertus de diversification au sein d’un portefeuille d’obligations d’entreprises.

©Keystone

 

Les obligations municipales américaines, également appelées obligations munis ou simplement «munis», sont des obligations émises par des agences et instances d’Etats, villes ou organismes gouvernementaux locaux des Etats-Unis. Elles peuvent prendre la forme d’obligations générales financées par les recettes fiscales ou d’obligations à revenus garanties par un flux de revenus générés par un actif d’infrastructure local spécifique. Ainsi, le taux de défaut de ces titres est historiquement bas, ce qui confère aux «munis» un attrait particulier pour les investisseurs frileux et des vertus de diversification au sein d’un portefeuille d’obligations d’entreprises. Le marché américain des obligations municipales, en raison de sa nature fragmentée, regorge selon nous d’opportunités potentielles pour les gérants actifs. Ces caractéristiques exigent toutefois une analyse de crédit détaillée menée par une équipe spécialisée, qui permettra d’appréhender pleinement chaque émission obligataire. Pour les obligations à revenus, cela implique de procéder à une analyse minutieuse afin d’évaluer les risques et les caractéristiques propres aux actifs d’infrastructure sous-jacents à chaque instrument.

Étude de cas: Administration Municipal Water Finance Authority de New York City

L’administration Municipal Water Finance Authority de New York City (NYW) est responsable du financement des capitaux alloués à l’entretien du système d’eau et d’égouttage de la Ville de New York, grâce à l’émission d’obligations, de billets de trésorerie et d’autres instruments de dette. L’administration vise à assurer la qualité et la fourniture de plus de 4,5 milliards de litres d’eau potable à New York City chaque jour. L’émetteur affecte les capitaux levés grâce à l’émission d’obligations au financement de l’entretien des bassins versants de New York City, qui se composent de plus de 19 réservoirs et de trois lacs contrôlés, répartis sur plus de 5000 km2. Ce faisant, NYW s’assure que l’approvisionnement en eau de New York City répond aux normes de qualité de l’eau aux niveaux fédéral et de l’Etat.

Exemple de projet financé

La liaison Kensico-Eastview est un aqueduc de 3,2 kilomètres de long actuellement en construction dans l’Etat de New York. Il relie le réservoir de Kensico, situé à 24 km au nord de New York City et qui approvisionne la ville en eau, à la station de désinfection à ultraviolet de Catskill/Delaware (CDUV), la plus grande usine de traitement à ultraviolet au monde. Le projet a débuté en juillet 2024; ses différentes phases de construction devraient s’étendre sur une période de 10 ans, après quoi il sera pleinement opérationnel (en 2035).

La fonction première de la station CDUV est de traiter l’eau contre les cryptosporidies et la giardia, des microorganismes naturels pouvant être présents dans les eaux de surface et susceptibles de causer des troubles gastro-intestinaux. L’aqueduc acheminera l’eau vers les 57 unités à UV de la station, qui neutralisent ces microbes.

Une fois terminé, le tunnel aura un diamètre d’environ 8 mètres et sera installé entre 120 et 150 mètres sous terre. Il permettra d’acheminer près de 10 milliards de litres d’eau par jour entre le réservoir et la station CDUV.

L’émetteur assure le service de sa dette grâce aux revenus générés par la redevance sur l’eau et les commissions, loyers et autres charges liés à l’approvisionnement, au traitement et à la distribution de l’eau ainsi qu’à la collecte, au traitement et à l’élimination des déchets pour les résidents de New York City.

Financer les infrastructures au lendemain de la crise financière

Les obligations Build America (Build America Bonds, ou BAB) sont des obligations municipales émises entre 2009 et 2010 afin d’encourager les investissements dans les Etats, les municipalités et les pays dans le sillage de la crise financière. Le programme BAB a levé plus de 180 milliards de dollars d’obligations municipales imposables destinées à financer des projets d’infrastructure sur tout le territoire américain.

Dans le cadre du programme BAB, les gouvernements des Etats et locaux ont émis des obligations imposables à rendement plus élevé en lieu et place des obligations usuelles exonérées d’impôts. En échange de taux d’intérêt plus élevés, les émetteurs devaient recevoir des «subventions BAB» de la part du gouvernement fédéral se montant à 35% des paiements d’intérêts sur les obligations.

En 2012, le Congrès a promulgué une loi qui exigeait des réductions de certaines dépenses gouvernementales, ce qui a entraîné une diminution des versements des subventions BAB d’un montant annuel variable jusqu’à 2031.

Par ailleurs, la plupart des BAB intègrent une «clause de rachat extraordinaire» (Extraordinary Redemption Provision, ou ERP) optionnelle en vertu de laquelle les obligations peuvent être rachetées par l’émetteur dans des circonstances exceptionnelles, définies à des degrés divers au cas par cas. Selon Barclays, jusqu’à 110 milliards de dollars de BAB en circulation (sur un total de quelque 180 milliards de dollars) intègrent une ERP.

Les risques qui se sont concrétisés en 2024 ont engendré une sous-performance des obligations Build America

En raison de la réduction des subventions et de l’option ERP, Insight a estimé que les risques liés à un investissement dans les BAB étaient trop élevés, et nous n’avons jamais investi dans de telles émissions. Insight Investment estime que cette décision lui a permis de protéger ses clients. Jusqu’à 2024, il était en effet très rare que l’option ERP soit exercée, mais sur la seule année 2024, l’équivalent de 14,9 milliards de dollars de BAB ont été rachetées, tandis qu’un montant supplémentaire de 938 millions de livres sterling doivent encore être rachetées.

En conséquence, de nombreuses BAB se négocient actuellement à des niveaux proches du prix d’exercice de leur ERP, et les spreads par rapport aux obligations municipales imposables hors BAB se sont fortement creusés.

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