Restez investis. En Suisse, la liquidité souffre des taux faibles

Nicolette de Joncaire

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La valeur réside principalement dans les produits de niche suisses, qui offrent des opportunités attrayantes. Le point de vue de Nicolas Marmagne de XO Investments.

 

Prendre du recul, diversifier à bon escient et surtout rester investi… Car pour un investisseur suisse, conserver des liquidités signifie éprouver des taux bas. En Suisse, ne pas s’exposer aux obligations classiques mais leur préférer les obligations d’entreprises et l’immobilier car la Suisse est un ilot de croissance en Europe. Les grandes entreprises telles que Nestlé, Novartis ou Roche, qui avaient connu une baisse au cours des deux dernières années, devraient retrouver leur vitalité, notamment car les investisseurs étrangers achetant du franc suisse s’y intéressent de plus en plus. Quant aux petites capitalisations, souvent en retard sur l’ensemble des marchés, leur début de mois de mai s’est montré favorable, indiquant un rebond potentiel. La valeur réside principalement dans les produits de niche suisses, qui offrent des opportunités attrayantes. Pour le reste, et en particulier les Etats-Unis, une suite d’accords commerciaux devrait se conclure sur des tarifs douaniers plus bas qu’anticipé. Si cette tendance se confirme, une baisse de l’inflation et des taux aux Etats-Unis ouvriraient de nouvelles perspectives de valorisation. En outre, les métaux précieux continueront à progresser en fonction du comportement des BRICS. Nicolas Marmagne, directeur général de XO Investments, se montre optimiste en dépit des récents soubresauts des marchés. 

Les marchés reprennent meilleure allure. Qu’en pensez-vous?

Même avant que les indices se redressent, nous étions satisfaits, notamment parce que nous avions pris des positions sur les métaux – argent, or et mines d’or – qui ont donné de bons résultats. 

Ce rebond va-t-il durer?

A mon sens oui. L’économie américaine peut supporter le ralentissement que la stratégie d’annonces-choc du président Trump lui a fait subir. Tout brutal et agressif qu’il puisse être, Donald Trump est un négociateur qui s’est engagé à livrer une économie florissante. Il saura donc trouver les accords qui résorberont les tensions. Il l’a déjà fait avec la Chine et le reste suivra. 

Il s’est montré dur avec les Canadiens et les Mexicains.

Oui et il le restera sur les produits qui peuvent être produits aux Etats-Unis. Pour ceux qui sont indispensables à la chaîne de production américaine et ne peuvent y être manufacturés, il fera les concessions nécessaires. Il est dur, voire belliqueux, dans le style de chefs d’entreprise des années 1980, mais parfaitement disposé à tout aménagement quand nécessaire. 

Il n’existe pas de gros problème sur le crédit américain mais il serait bon que les taux baissent. 

Comment va évoluer le dossier Groenland?

Le Groenland est dragué par la Chine depuis des années pour ses ressources minières qui restent encore inexploitées, tout comme l’Afrique, l’Europe se contentant d’y envoyer des spécialistes en mission de discussion. Tenant de la Realpolitik, Donald Trump lui ne discute pas, il conclut. S’il va trop loin, il revient en arrière mais son objectif est toujours d’obtenir quelque chose. «L’histoire avance à coups de boutoir» disait le Général de Gaulle et l’administration Biden n’a pas fait différemment. Pour l’instant, l’aboutissement du dossier Groenland est encore incertain mais les récentes élections législatives ont changé la donne. La gauche écologiste est en perte de vitesse et la question de l’autonomie de l’ile a supplanté les autres sujets.  

Donc le rebond des marchés se confirmerait?

Les marchés financiers jouent un rôle important dans l’agenda de Donald Trump parce qu’une partie des votes est drivé par le SP500. Donc, oui, le rebond devrait se confirmer et nous n’irons pas au-devant d’une catastrophe boursière. Une suite d’accords commerciaux devrait se conclure sur des tarifs douaniers plus bas qu’anticipé, l’inflation perdrait de la vitesse et la Fed baisserait les taux. Une double victoire pour Donald Trump.

Le dollar est-il en train de perdre sa place de devise de réserve mondiale? 

Le dollar ne fait que baisser depuis 100 ans... Les seules années où il est fort sont les années d’élection présidentielle. Sa baisse récente est positive pour les exportations américaines. De toutes façons, ne nous leurrons pas. Depuis la guerre en Ukraine, les BRICS ne veulent plus l’utiliser dans les transactions internationales et il n’y aura pas de retour en arrière. Son statut continuera à s’affaiblir mais cela n’affectera pas la stabilité de l’économie américaine. 

En augmentant les droits de douane, Trump cherche à attirer la production sur le sol américain. Quelles sont ses chances de succès?

Bonnes. Beaucoup de sociétés américaines ramènent leur production aux Etats-Unis comme Philip Morris qui y construit deux grandes usines. Ce ne sera pas possible pour toutes. Apple dépend trop de composants étrangers et d’une main d’œuvre bon marché et se tournera vers le Vietnam dont 25% de la production manufacturière part déjà aux USA. Ceci dit, et malgré ses méthodes rudes, on peut comprendre Trump : la Chine a fait du dumping depuis 40 en ne respectant aucune de nos normes en matière de protection des individus et d’assurances sociales. Elle n’a pas non plus respecté les règles de l’Organisation mondiale du commerce depuis son adhésion en 2001. Les prix qui grimpaient avant ont été forces à la baisse depuis. 

La situation actuelle pose-t-elle des problèmes de crédit?

Il n’existe pas de gros problème sur le crédit américain mais il serait bon que les taux baissent. Avec 350 milliards d’euros de prêts à renouveler, 150 milliards de déficit et 53% de la dette en main étrangère, la France a davantage de souci à se faire.

Dans quelle mesure les autres réformes de Trump (blocage de l’immigration, fermeture de l’aide aux écoles publiques) vont-elles à votre sens compromettre le développement futur des Etats-Unis?

Donald Trump s’isole. Autant sa position sur les droits de douane est compréhensible autant le reste est problématique. Contrôler l’immigration illégale est un bon test de l’efficacité de l’administration et réduire la lourdeur bureaucratique peut libérer de l’efficience (bien que les résultats de Musk ne soient guère convaincants) mais les décisions en matière de santé et d’éducation sont plus contestables. Ce n’est pas ainsi que l’on créée des pays économiquement forts. D’autant qu’avec la financiarisation de l’économie, la classe moyenne est déjà très fragilisée.

Quelle allocation conseillez-vous dans les conditions actuelles?

Il faut rester investi et éviter le cash car les économies sont solides. Surtout pour un investisseur suisse qui peut souffrir de taux bas sur les liquidités. Eviter le risque de devise, ne pas s’exposer aux obligations suisses classiques mais leur préférer les obligations d’entreprises. L’immobilier suisse devrait être porteur car la Suisse est un ilot de croissance en Europe. Les obligations internationales offrent des rendements positifs et les actions sont portées par la croissance économique. Parallèlement les métaux précieux continueront à progresser en fonction du comportement des BRICS. Les grands titres (Nestlé, Novartis, Roche) qui avaient baissé sur les deux dernières années vont reprendre car les fonds étrangers qui achètent du franc suisse s’y intéressent. Les small caps sont très en retard partout mais début en mai leur a été favorable. La valeur est à aller chercher surtout dans les produits de niche suisses davantage que dans les sociétés européennes qui dépendent de la commande publique. Le marché européen est le plus menacé car ses gouvernements ne jouent pas leur rôle historique d’apaisement. Les actions US par contre offrent de belles perspectives. Le rendement au dividende des actions américaines est supérieur aux T-Bills à 5 ans. Je serais plus prudent sur les marchés émergents qui restent la poche la plus risquée. 

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