Depuis plusieurs années, nous observons l’émergence de forces majeures telles que la fragmentation géopolitique, redessiner l’environnement macroéconomique mondial. La politique commerciale des États-Unis s’inscrit pleinement dans cette dynamique de transformation structurelle, qui dépasse largement le cadre d’un simple cycle économique. Cette mutation soulève des interrogations fondamentales quant aux trajectoires futures des marchés internationaux, et rend les anticipations à long terme plus sensibles aux événements conjoncturels.
L’un des enjeux centraux concerne l’évolution du rôle des obligations souveraines américaines dans les portefeuilles d’investissement, à la lumière de deux mégatendances convergentes: la recomposition géopolitique et la transition du système financier mondial. Les États-Unis présentent des déficits budgétaires structurels et une dette publique élevée, dont près d’un quart est détenu par des investisseurs étrangers, selon les données du département du Commerce américain. Ce contexte met en évidence une contrainte macroéconomique classique: la réduction du déficit courant implique nécessairement une baisse parallèle du financement externe. Autrement dit, si les États-Unis cherchent à réduire leur déficit commercial de manière significative, ils s’exposent à des tensions de financement accrues, d’autant plus si l’incertitude liée aux politiques douanières pèse sur la confiance des investisseurs étrangers.
La reconfiguration des chaînes d’approvisionnement mondiales ne peut s’opérer rapidement sans créer de perturbations majeures.
Ce scénario est susceptible d’entraîner une remontée durable des rendements obligataires et une hausse du coût du service de la dette, ce qui complexifie davantage l’équation budgétaire américaine. Par ailleurs, la reconfiguration des chaînes d’approvisionnement mondiales ne peut s’opérer rapidement sans créer de perturbations majeures. Les mesures tarifaires génèrent une pression haussière sur les coûts, limitent l’accès à certaines ressources stratégiques, et peuvent même engendrer des ruptures de production. Le risque d’un épisode de stagflation, semblable à celui observé durant la pandémie, ne peut être exclu.
Dans ce contexte, nous maintenons une sous-pondération sur les obligations souveraines américaines à long terme, anticipant une inflation persistante exacerbée par la politique douanière, ainsi qu’un creusement prolongé des déficits publics en l’absence d’une consolidation budgétaire crédible. Nous privilégions une exposition à l’or, en tant qu’actif de diversification dans un environnement d’incertitude géopolitique et de tensions inflationnistes.
La correction généralisée des marchés actions a ouvert des points d’entrée sélectifs dans certains secteurs. Nous restons positifs sur les valeurs technologiques américaines, qui bénéficient du déploiement de l’intelligence artificielle. En Europe, nous identifions des opportunités ciblées dans les secteurs bancaires et de la défense. Par ailleurs, nous exprimons une préférence pour les obligations européennes (souveraines et crédit) par rapport à leurs équivalents américains, considérant les perspectives de valorisation et les dynamiques macroéconomiques différenciées. L’aptitude de l’Europe à adapter ses structures économiques à la nouvelle donne géopolitique sera un facteur déterminant dans la suite du cycle.