Un pas de plus vers l’imposition individuelle en Suisse

AWP

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Le Conseil fédéral a transmis mercredi son projet d’imposition individuelle au Parlement. La réforme ne devrait toutefois pas voir le jour avant une décennie.

Les contribuables pourraient être taxés indépendamment de leur état civil à l’avenir. Le Conseil fédéral a transmis mercredi son projet d’imposition individuelle au Parlement. La réforme ne devrait toutefois pas voir le jour avant une décennie.

Le passage de l’imposition commune des époux à l’imposition individuelle vise d’abord à abolir la «pénalisation du mariage» au niveau fiscal, a rappelé la ministre des finances Karin Keller-Sutter. Toutes les tentatives pour rétablir l’équilibre entre les couples ont échoué ces vingt dernières années.

L’imposition individuelle, un changement de système fondamental, est une demande du Parlement remontant au programme de législature 2019-2023, a rappelé la St-Galloise à plusieurs reprises lors de la conférence de presse. Le Conseil fédéral doit donc la mettre en oeuvre comme toute autre, «ce qu’il fait parfois volontiers, parfois moins volontiers.»

«La société a changé. On a intérêt à inciter davantage le travail des femmes», ce que permet l’imposition individuelle, a cependant estimé la conseillère fédérale PLR. Un point positif pour combattre le manque de main-d’oeuvre, selon certaines études, et pour favoriser l’égalité des chances entre femmes et hommes.

Le projet du Conseil fédéral est aussi une réponse à l’initiative populaire des femmes de son propre parti, «Pour une imposition individuelle indépendante de l’état civil», sous forme de contre-projet indirect. Le gouvernement recommande le rejet de l’initiative, car son contre-projet permettra d’atteindre le même objectif plus rapidement.

Déductions pour enfants

Selon les lignes directrices du projet, tous les couples mariés seront imposés comme les couples non mariés et rempliront deux déclarations d’impôt séparées. Les revenus et les valeurs patrimoniales des couples mariés seront répartis en fonction des rapports de droit civil, comme c’est déjà le cas pour les couples non mariés.

La déduction pour enfants applicable dans le cadre de l’impôt fédéral direct (IFD) sera portée de 6700 francs actuellement à 12’000 francs et répartie à parts égales entre les parents. Le barème de l’IFD sera lui aussi modifié: les taux d’imposition applicables aux bas et aux moyens revenus seront abaissés. Le montant exonéré de base sera relevé. Et le niveau de revenu à partir duquel le taux d’imposition maximal de 11,5% s’applique sera réduit.

Gagnants et perdants

Actuellement, les personnes non mariées avec enfants bénéficient d’un barème préférentiel. Avec la réforme, ce groupe aura à supporter une charge fiscale généralement plus lourde, mais cet effet sera fortement atténué par l’augmentation de la déduction pour enfants et l’ajustement du barème, et même compensé en moyenne pour les familles à revenus faibles ou moyens.

Les allégements les plus significatifs profiteront aux personnes mariées dont les revenus sont répartis plus ou moins également entre les deux époux. Cela concerne aussi de nombreux couples de rentiers mariés. Une adaptation du barème applicable apportera également un allégement pour la plupart des personnes non mariées sans enfant.

La réforme pourra entraîner une augmentation de la charge fiscale pour les couples mariés qui ne disposent que d’un revenu principal ou d’un revenu principal et d’un revenu secondaire faible. Cela concerne en particulier les couples mariés avec enfants dans les classes de revenus moyennes ou supérieures.

Cantons à convaincre

Cette réforme serait appliquée à tous les échelons de l’Etat: Confédération, cantons et communes. Les cantons devront donc adapter leurs lois. Durant la procédure de consultation, seuls cinq cantons ont répondu favorablement.

«Il faudra trouver un consensus avec les cantons, pour leur donner du temps», a reconnu Mme Keller-Sutter. Les adaptations sont très importantes et touchent aussi les assurances sociales, les subventions, les déductions. Ils ont déjà réclamé une phase de transition de dix ans en cas de succès du contre-projet, ce qui fait que la réforme n’entrerait probablement pas en vigueur «avant 2035, 2036», selon la conseillère fédérale.

Le Conseil fédéral ne peut d’ailleurs pas se prononcer quant aux conséquences financières de la réforme pour les cantons et les communes. Pour l’IFD, selon des estimations calculées pour l’année fiscale 2024, les recettes baisseraient d’un milliard de francs. La Confédération prévoit de compenser les pertes à hauteur de 800 millions, les cantons de 200 millions.

La Suisse aura entre-temps peut-être aussi voté sur un autre projet. Le Centre a lancé une initiative populaire contre la discrimination des couples mariés.

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