Suisse - UE: les partis font pression sur le Conseil fédéral

AWP

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La rencontre de Berlin est de haut niveau, mais il ne faut pas s’attendre à des miracles. Un futur accord Suisse-UE sera en effet négocié avec la Commission européenne, qui attend rapidement une nouvelle proposition du Conseil fédéral. En Suisse aussi, la pression croît.

Ignazio Cassis se rend jeudi à Berlin pour rencontrer le chancelier Olaf Scholz, le président Frank-Walter Steinmeier et la cheffe de la diplomatie Annalena Baerbock. Les relations Suisse-UE seront au menu. Au plan intérieur, la pression monte pour que soit enfin présenté un plan sur les futures relations entre Berne et Bruxelles.

La rencontre de Berlin est de haut niveau, mais il ne faut pas s’attendre à des miracles. Un futur accord Suisse-UE sera en effet négocié avec la Commission européenne, qui attend rapidement une nouvelle proposition du Conseil fédéral. En Suisse aussi, la pression croît.

Les partis du Centre et des Verts se sont exprimés le week-end dernier sur la politique européenne de la Suisse. Le PS et le PLR avaient présenté leurs idées l’année dernière déjà.

Michael Hermann, du centre de recherche Sotomo, explique ces nombreuses propositions par le fait que le Conseil fédéral «n’a pas montré jusqu’ici de direction dans le dossier européen». De plus, depuis la rupture des négociations avec l’UE sur l’accord-cadre institutionnel, le risque d’érosion des accords bilatéraux s’est renforcé. «C’est aussi pour cela que la discussion a pris de l’ampleur».

Stratégies et concepts

Les idées les plus diverses circulent actuellement: tant le parti du Centre que le PLR veulent régler les questions institutionnelles dans le cadre des différents accords. Les libéraux-radicaux favorisent toutefois - contrairement au Centre - une solution globale avec de nouveaux accords.

Le Parti socialiste propose lui un calendrier en deux phases: il faudrait d’abord négocier un accord de stabilisation limité dans le temps, «car nous ne pensons pas qu’une solution sera trouvée rapidement», explique le chef du groupe parlementaire Roger Nordmann. Un accord de coopération et un accord économique devraient suivre dans un second temps.

L’UDC est le seul parti à vouloir maintenir le statu quo: c’est-à-dire ne pas renforcer les liens institutionnels avec l’UE. «Malgré les tentatives de chantage de l’UE», nous n’avons pas de problème dans les domaines les plus importants, comme l’accord de libre-échange, a affirmé le chef du groupe UDC Thomas Aeschi. «En outre, le secteur de la technique médicale, qui était sous pression, a trouvé une solution».

L’Union syndicale suisse (USS) n’a pas publié de concept. Son économiste en chef, Daniel Lampart, estime toutefois que dans un nouvel accord, «la sécurité de l’approvisionnement en électricité et pour l’informatique en nuage» devraient être au menu.

Pour l’organisation faîtière de l’économie economiesuisse, l’objectif premier est de «garantir la voie bilatérale», déclare son président Christoph Mäder. Le marché intérieur de l’UE est en effet le principal débouché des entreprises suisses. «Et il le restera jusqu’à nouvel ordre».

Libre circulation, sujet brûlant

La libre circulation des personnes reste un sujet brûlant. Le PLR demande ainsi des exceptions à la reprise dynamique du droit. Pour le président du parti Thierry Burkart, c’est surtout la directive sur les citoyens de l’Union qui pose problème, tout comme pour le Centre.

Ce dernier ne veut toutefois pas d’une reprise dynamique du droit et d’un règlement des litiges par la Cour de justice de l’UE. En cas d’urgence, on pourrait toutefois discuter de la reprise du droit européen en combinaison avec des clauses de sauvegarde, a déclaré le chef du groupe parlementaire du centre, Philipp Matthias Bregy.

Pour le PS et l’USS, la protection des salaires reste centrale et n’est pas négociable, a déclaré M. Lampart. Et pour economiesuisse, qui remarque que l’accord sur la libre circulation des personnes a été adapté en permanence au cours des 20 dernières années, «il faudrait continuer à le faire à l’avenir, car le marché du travail est en constante évolution», a déclaré M. Mäder.

Klaus Armingeon, politologue à l’université de Zurich, ne voit «pas d’idées nouvelles impressionnantes» parmi toutes ces propositions. Les questions de principes resteraient en effet inchangées. Mais au final, les partis qui voient la nécessité d’une réglementation-cadre devraient trouver un consensus. «Or, je n’ai pas encore vu un tel consensus».

La Fédération de l’industrie allemande demande une solution
Un jour avant la rencontre au sommet d’Ignazio Cassis à Berlin, la Fédération de l’industrie allemande demande la «reprise rapide de discussions constructives» entre la Suisse et l’UE. Au vu des tensions géopolitiques actuelles, un conflit prolongé avec la Suisse est superflu, considère-t-elle dans un communiqué publié mercredi.
Pour s’affirmer face à ses rivaux économiques, l’Europe a intérêt à avoir une Suisse forte et compétitive comme partenaire, estime la fédération.
«L’objectif de l’UE devrait être de renforcer le partenariat avec la Suisse par un cadre contractuel». Une intégration plus étroite serait un élément important pour renforcer la compétitivité de l’Europe, par exemple en matière d’innovation et de transformation verte, écrit encore la fédération allemande.
Un partenariat stable avec la Suisse exige toutefois un rapport adéquat entre droits et obligations, notamment des conditions de concurrence équitables, un mécanisme contraignant de règlement des différends et une interprétation uniforme du droit du marché intérieur par la Cour de justice de l’UE, précise-t-elle.
Lors de sa rencontre jeudi avec le président allemand Frank-Walter Steinmeier, le chancelier Olaf Scholz ainsi que la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock, le président de la Confédération abordera aussi, outre les rapports Suisse-UE, le thème des «relations bilatérales et transfrontalières étroites».
 

 

Suisse - UE: la Suisse ressent la «politique des coups de griffes» de l’UE

En décembre 2018, la Commission européenne avait annoncé qu’elle ne mettrait à jour et ne négocierait des accords avec la Suisse que dans les domaines dans lesquels les Etats de l’UE ont un intérêt prépondérant. A ce jour, plusieurs domaines en Suisse sont touchés par cette politique. Un aperçu:

La bourse suisse SIX a été la première à ressentir les effets de l’annonce de Bruxelles: mi-2019, elle a perdu sa reconnaissance d’équivalence en raison de l’absence de progrès dans l’accord-cadre institutionnel. Les négociants en actions de l’UE auraient alors été coupés du marché suisse des actions si le Conseil fédéral n’avait pas pris des mesures compensatoires. Les banques helvétiques attendent elles aussi en vain à ce jour différentes décisions d’équivalence de la part de l’UE.

Les chercheurs et les étudiants de Suisse ont également ressenti la dureté de Bruxelles: depuis 2021, la Suisse n’est plus associée à l’accord de recherche de l’UE «Horizon Europe». Une association n’est pas non plus possible avec le programme de mobilité de l’UE «Erasmus Plus», auquel la Suisse aimerait se rattacher. Dans les deux cas, l’UE invoque l’absence d’accord-cadre institutionnel.

Le secteur de la technologie médicale a également dû faire face à des conséquences négatives. En mai 2021, il a perdu son accès privilégié au marché intérieur de l’UE parce que celle-ci ne voulait pas mettre à jour l’accord sur les obstacles techniques au commerce. En conséquence, la charge bureaucratique a augmenté.

La Commission européenne a aussi lié les mises à jour à venir de l’accord agricole dans les domaines de la santé des plantes, des aliments pour animaux et des semences à une solution sur l’accord-cadre. Il en va de même pour une mise à jour dans le domaine vétérinaire, où il s’agit de lutter contre certaines maladies animales.

Les CFF ont également été «victimes» du conflit entre la Suisse et l’UE: leur participation au programme d’innovation de l’UE «Europe’s Rail Joint Undertaking» a été gelée par la Commission européenne. Cette dernière a invoqué l’absence d’association de la Suisse à «Horizon Europe».

L’UE lie également la collaboration de la Suisse avec l’Agence de l’UE pour les chemins de fer (ERA) aux questions institutionnelles. Cette collaboration a certes été prolongée d’un an fin 2021, mais l’adhésion à l’ERA n’est pas possible pour l’instant. Elle nécessiterait en effet une adaptation de l’accord agricole Suisse-UE, ce que la Commission européenne refuse actuellement.

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