Les sociétés devraient atteindre au moins 30% de femmes dans les conseils d’administration et 20% dans les directions, mais aucune sanction n’est prévue.
Le droit des sociétés anonymes doit être modernisé. Après le National, le Conseil des Etats a adopté mercredi par 29 voix contre 9 la réforme en confirmant un coup de pouce à la présence de femmes au sommet des grandes entreprises cotées en bourse.
Par 27 voix contre 13, la majorité a soutenu des seuils féminins pour les directions et les conseils d’administration. Les sociétés devraient atteindre au moins 30% de femmes dans les conseils d’administration et 20% dans les directions, mais aucune sanction n’est prévue.
Les quelque 250 entreprises potentiellement concernées devront simplement s’expliquer si elles n’ont pas atteint les objectifs fixés. Elles disposeront de cinq ans pour y parvenir du côté du conseil d’administration et de dix ans pour la direction.
Le National avait dit «oui» au dispositif à une voix près. La commission préparatoire du Conseil des Etats voulait transiger et biffer le seuil pour les directions. Les sénateurs ont renversé la vapeur.
Malgré l’égalité inscrite dans la constitution, l’évolution vers une représentation équitable des hommes et des femmes au sommet des grandes entreprises ne progresse que très lentement, a déploré Anne Seydoux (PDC/JU). L’autoréglementation n’ayant pas abouti à des résultats satisfaisants, il est justifié de légiférer si on ne veut pas attendre plusieurs dizaines d’années.
PLR et UDC ne voulaient pas de ce qu’ils voient comme une atteinte à la liberté économique. Andrea Caroni (PLR/AR) a même déclamé un poème évoquant sa commisération pour les femmes de quotas et a vanté le compromis trouvé par la commission. Seule une minorité du PDC était dans ce camp.
Un demi-million de femmes ont manifesté vendredi dans la rue pour être mieux prises en compte dans la société. Il faut leur montrer qu’elles ont été entendues et donner un signal aux entreprises, a rétorqué Christian Levrat (PS/FR).
Le projet du Conseil fédéral est déjà un compromis, il ne surchargera pas les entreprises et permettra de satisfaire une préoccupation sociale justifiée, a soutenu la conseillère fédérale libérale-radicale Karin Keller-Sutter. Les entreprises ne s’y opposent plus, il ne faudrait pas que le projet échoue à cause de ces dispositions modérées
La réforme doit moderniser un cadre qui date de 1991. Les sénateurs s’y étaient attaqué en décembre, mais avaient prié leur commission préparatoire de revenir avec un texte économiquement supportable. Le corset a été desserré autour des sociétés anonymes et le résultat est plus proche de la copie adoptée il y a un an par le National.
Les sénateurs ont accepté l’introduction d’une marge de fluctuation du capital. Au grand dam de la gauche, ils ont aussi décidé à deux contre un d’accorder un traitement fiscal privilégié à cette marge qui a fait bondir la gauche. Ce bricolage pourrait créer d’immenses pertes fiscales alors que la réforme devrait être fiscalement neutre, a plaidé M. Levrat. Le Conseil fédéral s’y est aussi opposé. En vain.
La réforme doit par ailleurs ancrer dans la loi les exigences de l’initiative contre les rémunérations abusives. Les sénateurs ne sont guère allés au-delà de la transcription des dispositions déjà existantes sous forme d’ordonnance. Pas question d’interdire les votes à l’avance sur les bonus. Ils ont en revanche décidé de proscrire les rémunérations versées en cas de changement de contrôle.
Le projet prévoit enfin des dispositions contre la corruption dans le secteur des matières premières. Les sociétés cotées en bourse actives dans l’extraction (de minerais, pétrole, gaz, forêts) devront établir un rapport annuel sur les paiements effectués en faveur des gouvernements. La majorité a chargé le Conseil fédéral d’envisager aussi des obligations pour les sociétés de négoce, en coordination avec les efforts internationaux.
Ces mesures sont indépendantes du contre-projet que le National tient à opposer à l’initiative populaire pour des multinationales responsables. Le Conseil des Etats, qui n’en veut pas, se repenchera ultérieurement sur ce volet traité à part.
La balle retourne dans le camp du National.