Paradis fiscaux: la justice européenne freine la transparence

AWP

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La Cour de justice de l’UE a invalidé une disposition d’une directive européenne antiblanchiment qui rendait accessible au grand public les informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés basées dans les Etats membres.

Une décision de la justice européenne limitant la transparence des données financières, au nom du respect de la vie privée, a provoqué mercredi de vives critiques des ONG qui dénoncent un coup porté à la lutte contre les paradis fiscaux.

La Cour de justice de l’UE a invalidé mardi une disposition d’une directive européenne antiblanchiment qui rendait accessible au grand public les informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés basées dans les Etats membres.

Cette disposition a conduit des pays comme le Luxembourg à adapter sa législation et à mettre en ligne un registre permettant à chacun de trouver l’identité des personnes se cachant derrière des montages économiques opaques.

Selon l’arrêt de la CJUE, basée à Luxembourg, «l’accès du grand public aux informations sur les bénéficiaires effectifs constitue une ingérence grave dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée». De plus, cette mesure «n’est ni limitée au strict nécessaire ni proportionnée à l’objectif poursuivi», celui de prévenir le blanchiment de capitaux.

«Alors qu’il n’y a jamais eu autant d’argent sale en circulation, cette décision porte un coup à l’une des mesures de transparence financière les plus importantes des vingt dernières années», a estimé Patrick Lefas, président de Transparency International France.

«Il est impossible de lutter contre ce qu’on ne voit pas. La décision de la CJUE risque de nous replonger dans le noir et l’ignorance», a-t-il expliqué dans un communiqué.

«Un recul»

«C’est un recul, un coup porté à la lutte contre la corruption et les paradis fiscaux», a déclaré à l’AFP Quentin Parrinello, un porte-parole d’Oxfam sur les sujets de fiscalité. «De nombreuses enquêtes ont été réalisées grâce à ces informations publiques», a-t-il rappelé.

L’ouverture de registres nationaux a notamment permis l’enquête OpenLux, menée par un groupe de médias internationaux dont les quotidiens Le Monde et Le Soir, qui a mis au jour l’an dernier des pratiques d’évasion fiscale de grandes fortunes et de multinationales au Luxembourg.

Aussitôt connue la décision de la CJUE, le gouvernement luxembourgeois a annoncé la suspension de l’accès par internet au «registre des bénéficiaires effectifs». Les Pays-Bas, également critiqués pour leurs pratiques fiscales, ont pris une mesure similaire.

M. Parrinello espère désormais que la Commission européenne pourra retravailler le texte de la directive afin de justifier l’accès des données au grand public.

«La Commission analysera en profondeur les implications de l’arrêt afin d’évaluer les modifications qu’il convient d’apporter au cadre de l’UE», a déclaré un responsable de l’exécutif européen. La Commission est prête à mener un travail avec le Parlement européen et les États membres «pour assurer la pleine conformité (de la directive) avec l’arrêt», a-t-il ajouté.

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