MiFID: bon pour les ETF

Sihem Labbas, ETF Securities

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La réglementation semble être le seul remède à un marché verrouillé par les banques et l’absence de transparence. L’enjeu est énorme pour la gestion passive.

MiFIDII est entré en vigueur au Royaume-Uni il y a quelques semaines et il a d’ores et déjà modifié à jamais le paysage des entreprises qui fournissent des services financiers. De nombreuses institutions financières considèrent MIFIDII comme un casse-tête inutile, qui entraîne des changements bureaucratiques indésirables. Au Royaume-Uni, l'euroscepticisme a alimenté l'animosité envers la directive. Mais pour les fournisseurs d’ETF, il s'agit d'un arbitre réglementaire qui fait basculer les règles du jeu en leur faveur. En effet, MIFIDII interdit aux conseillers financiers d'accepter des incitations à privilégier un fonds plutôt qu'un autre. Cela profite aux modèles d'affaires sans commission des ETF.

Un marché vérouillé

A l'heure actuelle, la prédominance générale des banques, les services de conseil discriminatoires «payants» dans des pays comme la Suisse et les réseaux d'agents liés dans des pays comme la France, l'Italie et l'Espagne ont empêché les ETF de gagner du terrain. Aux États-Unis, par comparaison, le modèle open source à bas prix a créé un cercle vertueux: attirer avec succès les investisseurs, créer des économies d'échelle, réduire encore plus les frais, attirer davantage d'investisseurs, etc.

La RDR, retour vers le futur?

Nous pensons que des réformes réglementaires telles que la MiFIDII apporteront un soutien à long terme aux ETF, mais l'expérience de la Retail Distribution Review (RDR) au Royaume-Uni montre qu'elles ne donnent pas un coup de pouce immédiat. La RDR est entré en vigueur en décembre 2012 et a rompu le lien entre les produits et les redevances, de la même manière qu'une facette de MIFIDII est destinée à le faire. Mais lorsque la RDR a été mis en œuvre, beaucoup s'attendaient à une augmentation du jour au lendemain des flux vers les produits passifs, et ont été surpris de voir que les gérants indépendants ne s’étaient pas massivement rués sur les ETP. Aucun changement n'est intervenu le 1er janvier 2013, ni les jours suivants: pas d’afflux massif dans les trackers et les produits smart beta, et les ETF ne se sont pas retrouvés dans toutes les discussions des gérants indépendants avec leurs clients.

En fait, les problèmes d'accès aux plates-formes et les rétrocessions ainsi que les rabais persistants ont continué d’entraver l'adoption des ETP. Ce n'est qu'au cours des trois dernières années, alors que les gérants indépendants ont externalisé de plus en plus les décisions d'allocation d'actifs aux gestionnaires discrétionnaires, en se concentrant davantage sur la réduction des coûts, qu’a été reconnu le rôle des ETP en tant que réponse aux préoccupations de transparence et d'optimisation des ressources. Pour les gérants indépendants, les ETF sont dès lors devenus une partie de la solution, et non du problème.

Au Royaume-Uni, les plateformes de fonds évoluent et les obstacles à l'utilisation des ETP ont été surmontés. Et les ETP sont maintenant acceptés comme moyen de constituer un portefeuille de base avec une allocation active par satellite ou vice versa.

De l’interdiction des commissions à la transparence salutaire

Au fil des ans, l'interdiction des commissions a apporté trois avantages: elle a fourni aux investisseurs des informations accessibles et transparentes sur les produits d'investissement; elle a augmenté le niveau d'information sur les coûts et les frais facturés aux clients et a éliminé les incitations qui peuvent être considérées comme du «sponsoring» de distribution de produits. Il se peut que la nature plus normative de MIFIDII accélère ce changement salutaire, mais cela prendra certainement du temps.

Premièrement, l'inertie que nous avons observée au Royaume-Uni pourrait bien s'appliquer en Europe, et il faudra du temps pour que l'industrie s'adapte. Deuxièmement, le marché européen des ETF fait pâle figure face au marché américain, qui se situe à un niveau confortable à près de 3 trillions de dollars.

Un enjeu de taille

L’enjeu est énorme: l'Union européenne a une proportion significativement plus élevée de personnes à hauts revenus que l'Asie ou les États-Unis, mais la plus faible proportion de personnes détenant des fonds investissables. Environ 44% des ménages américains disposent d'une forme ou d'une autre de placements boursiers: en Europe, ce chiffre est de 11%.

MiFIDII essaie de changer les choses. L'idée maîtresse de ce bouleversement drastique est de rendre les investissements en actions plus transparents, ce qui, en fin de compte, sera bénéfique à la fois pour les investisseurs et pour les marchés des capitaux européens dominés par les banques. Il est fascinant de constater que ce déclic pourrait avoir lieu prochainement, amené par un nouveau régime réglementaire, à savoir MiFIDII.

Mais cela ne se fera pas du jour au lendemain.