Lignes directrices pour renforcer les banques face aux crises, en consultation cet automne

AWP/ATS

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Les mesures relèvent de trois axes prioritaires: renforcement du dispositif de prévention, renforcement du dispositif de liquidité et élargissement du dispositif de lutte contre les crises.

Le Conseil fédéral a indiqué vendredi qu’il mettra en consultation en automne et l’année prochaine deux projets pour renforcer la loi sur les banques. Il a déjà fixé des lignes directrices à prendre en compte dans l’élaboration de ces révisions législatives.

Les lignes directrices doivent concrétiser les mesures proposées par le gouvernement dans un rapport en avril 2024 ainsi que d’autres que la commission d’enquête parlementaire (CEP) sur Credit Suisse a recommandées en décembre dernier.

Les mesures, résumées ci-dessous de manière non exhaustive, relèvent de trois axes prioritaires: renforcement du dispositif de prévention, renforcement du dispositif de liquidité et élargissement du dispositif de lutte contre les crises.

Renforcement du dispositif de prévention

FONDS PROPRES: La capitalisation des banques mères doit être renforcée afin d’améliorer leur résilience. Il s’agit pour cela de modifier les exigences en matière de fonds propres destinés à couvrir les participations étrangères dans un groupe financier.

ATTRIBUTION DES RESPONSABILITES: Un régime garantissant une attribution plus claire des responsabilités doit empêcher efficacement et suffisamment tôt les comportements fautifs des décideurs, et améliorer ainsi la gouvernance d’entreprise et la culture du risque à titre préventif. Ces responsabilités doivent mieux être définies et de manière proportionnelle aux échelons hiérarchiques les plus élevés des banques d’importance systémique (conseil d’administration, direction et éventuellement d’autres échelons).

REMUNERATIONS: Le Conseil fédéral veut aussi revoir les exigences liées aux systèmes de rémunérations dans le milieu bancaire. Il a en particulier dans le viseur les rémunérations variables (bonus), les clauses de restitution et les délais de blocage.

COMPETENCES DE LA FINMA: Le Conseil fédéral veut clarifier les compétences du conseil d’administration de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) pour les affaires de grande portée. Il faut préciser dans la loi sur quelles affaires il appartient au conseil d’administration de statuer, afin d’éviter les insécurités juridiques et de faciliter la gouvernance de la FINMA.

INTERVENTION DE LA FINMA: La FINMA doit justement pouvoir être plus assertive et intervenir de manière plus précoce. Les mesures, les possibilités d’application, l’efficacité juridique et le moment de l’intervention doivent être inscrits dans la loi. Cela doit permettre d’empêcher, dans la mesure du possible, toute crise en raison d’anomalies ou de manquements propres à une banque. Il s’agit aussi d’examiner la possibilité pour la FINMA d’imposer des sanctions administratives ou pécuniaires.

SURVEILLANCE: La FINMA doit aussi voir sa surveillance renforcée, par le biais d’une accélération des procédures. Par exemple, ses décisions doivent pouvoir entrer en force immédiatement. Il convient donc de limiter les voies de droit et de raccourcir de manière substantielle la procédure de recours contre les décisions de la FINMA. L’effet suspensif des recours doit pouvoir être retiré de manière ciblée. Toujours en matière de surveillance, l’indépendance des sociétés d’audits doit être renforcée, en réduisant les risques et les conflits d’intérêts.

IRREPROCHABILITE: Il doit aussi être inscrit dans la loi que les banques sont obligées de garantir une activité irréprochable. Il s’agit notamment de renforcer les dispositions relatives aux mutations au sein des organes, en rendant plus difficile l’obtention d’une autorisation par la FINMA pour procéder à des changements.

COMMUNICATION: Le travail de collecte des informations de la FINMA doit être facilité en étendant l’obligation de renseigner et d’annoncer à davantage de personnes du milieu bancaire. De son côté, il doit être prévu que la FINMA mette en place une information étendue au public sur les procédures qu’elle mène. Il s’agit d’accroître la transparence afin de renforcer la crédibilité de la place financière suisse.

Renforcement du dispositif de liquidité

PUBLIC LIQUIDITY BACKSTOP: Ce mécanisme public de garantie de liquidités, utilisé en urgence pour Credit Suisse, intervient lorsqu’une banque ne dispose plus de liquidités propres suffisantes pour remplir ses obligations financières, ou si l’établissement ne peut plus bénéficier de prêts d’aide extraordinaires octroyés par la Banque nationale suisse (BNS), faute de sûretés suffisantes. Ce mécanisme doit être inscrit dans le droit ordinaire pour les banques d’importance systémique. Le Conseil fédéral a transmis un message en ce sens au Parlement en septembre 2023. Les commissions compétentes des Chambres fédérales ont toutefois suspendu ce projet en attendant la révision de la réglementation «too big to fail», présentée ce jour.

BANQUE NATIONALE SUISSE: Le «public liquidity backstop» (PLB) est la troisième ligne de défense en cas de problème de liquidités. Alors que les sources de liquidités propres à la banque relèvent du premier ressort, on trouve en deuxième position des mesures liées au prêteur ultime, soit la BNS. Concernant ce deuxième ressort, il convient d’étendre les possibilités d’octroi de liquidités dont dispose la BNS en cas de crise. Des conditions-cadres claires doivent être fixées. Les banques doivent être tenues de préparer des sûretés pour obtenir des liquidités de la BNS.

DIVERSIFICATION: Le Conseil fédéral veut examiner la possibilité de simplifier la diversification des sources de financement des banques dans une loi sur les titres de créance couverts. Il faudra tenir compte des incidences possibles sur le rôle de prêteur ultime et sur le PLB.

INFORMATION: Le gouvernement entend également renforcer les exigences relatives aux informations sur l’état des liquidités à fournir à l’autorité de surveillance. Il convient de clarifier quelles données les banques doivent communiquer rapidement à la FINMA afin que les autorités disposent des informations nécessaires pour évaluer une situation de crise.

Elargissement du dispositif de lutte contre les crises

PLANIFICATION: Les banques d’importance systémique doivent être davantage capables d’assurer leur stabilisation par leurs propres moyens grâce à des exigences accrues. Afin d’éviter les risques d’insolvabilité, elles doivent prévoir des plans de stabilisation, notamment en matière de déclenchement, d’étendue et d’applicabilité des mesures.

RESOLUTION: Les banques doivent aussi élaborer des plans de résolution pour la banque mère. Ces plans doivent permettre non seulement de poursuivre les fonctions d’importance systémique en Suisse mais aussi de réduire les risques menaçant la stabilité financière nationale et internationale. Différentes possibilités d’action dans divers scénarios de crise doivent être élaborées.

BAIL-IN: Le Conseil fédéral veut renforcer la sécurité juridique du «bail-in». Ce mécanisme, destiné à limiter l’usage des fonds publics, implique une contribution des créanciers de l’institution en difficulté pour sa recapitalisation. Des modifications doivent permettre notamment de simplifier l’octroi d’une compensation aux actionnaires en cas de mesures de capitalisation. Cette simplification permettrait de s’aligner sur les dispositions d’autres juridictions, comme l’UE.

COLLABORATION: Le gouvernement souhaite également examiner comment optimiser les responsabilités, les compétences et la collaboration des autorités en période de crise. Il s’agit de définir plus clairement les modalités de la collaboration et de l’échange d’informations.

Autres demandes

La CEP a encore formulé d’autres demandes. Le Conseil fédéral ne les a pas encore incluses dans les mesures présentées ce jour.

Il s’agit entre autres d’inclure les dépendances internationales dans les objectifs ou d’examiner la possibilité de limiter l’octroi aux banques d’importance systémique d’allégements par rapport aux prescriptions applicables en matière de fonds propres et de liquidités.

Le gouvernement cite encore la possibilité d’une convention de coopération plus contraignante entre la FINMA et l’Autorité fédérale de surveillance en matière de révision (ASR) ainsi qu’un examen de la répartition des compétences entre la Commission de la concurrence (COMCO) et la FINMA lors de l’évaluation des concentrations de banques.

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