Imposition minimale: la Suisse devrait s’aligner sur la donne internationale

AWP

2 minutes de lecture

La Suisse mettra en œuvre l’imposition minimale au moyen d’un impôt complémentaire. Ce dernier couvrira la différence entre la charge fiscale actuelle, en dessous de 15% dans une majorité des cantons, et l’impôt minimal.

L’imposition minimale des entreprises selon l’OCDE va devenir la norme internationale, et la Suisse ne veut pas rater le coche. La réforme en votation le 18 juin, qui devrait profiter aux cantons et à la Confédération, ratisse large. Mais la gauche et les ONG critiquent un projet dépeint comme inégalitaire.

Ces dernières années, associée aux syndicats, la gauche est sortie à plusieurs reprises vainqueure lors de votations sur la fiscalité des entreprises: le peuple a refusé l’abolition du droit de timbre d’émission et la suppression de l’impôt anticipé sur les obligations en 2022, ainsi que la 3e réforme de l’imposition des entreprises en 2017. A chaque fois, elle a fait mouche en critiquant des cadeaux fiscaux.

Mais la votation sur l’imposition minimale se présente dans un tout autre contexte. La réforme portée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le G20 prévoit un taux d’imposition d’au moins 15% au niveau mondial. Il sera appliqué sur le bénéfice des groupes dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions d’euros. La population doit se prononcer, car la réforme nécessite une modification de la Constitution.

En Suisse, quelques centaines d’entreprises helvétiques et quelques milliers de filiales de groupes étrangers sont concernées, mais pas les 600’000 PME. Plus de 140 pays ont prévu de se soumettre à la norme de manière volontaire. Les Etats membres de l’UE devraient le faire dès janvier 2024.

Des milliards en jeu?

Concrètement, la Suisse mettra en œuvre l’imposition minimale au moyen d’un impôt complémentaire. Ce dernier couvrira la différence entre la charge fiscale actuelle, en dessous de 15% dans une majorité des cantons, et l’impôt minimal.

Si un Etat ne joue pas le jeu, des impôts supplémentaires pourront être exigés dans un autre pays qui abrite le siège de l’entreprise concernée. La Suisse a donc tout intérêt à reprendre la révision pour éviter de voir filer de l’argent à l’étranger, a plaidé la ministre des finances Karin Keller-Sutter.

La manne supplémentaire pourrait s’élever entre 1 et 2,5 milliards de francs la première année. En période délicate pour les finances publiques, cet argent est bon à prendre, a fait valoir le Conseil fédéral.

Nouvel ordre fiscal

Du côté des cantons, la grande majorité a accueilli la réforme avec bienveillance. Pour leurs représentants, il est difficile d’imaginer que le peuple refuse une augmentation d’impôts des entreprises, et donc des recettes fiscales supplémentaires qui bénéficieront à tout le monde.

Les entreprises concernées n’appelaient pas cette révision de leurs voeux à la base. Mais pour elles, la prévisibilité et la sécurité juridique sont fondamentales. Elles entendent avoir un seul et même interlocuteur fiscal. La Suisse ne doit pas être en dehors de ce «nouvel ordre fiscal international» qui se met en place, ont-elles assuré.

Répartition en question

Au Parlement, le principe même n’a pas fait débat. Mais les élus ont croisé le fer sur la répartition des recettes supplémentaires. Le Conseil fédéral a proposé d’accorder 75% de l’enveloppe aux cantons et 25% à la Confédération.

Le Conseil des Etats l’a suivi, jugeant que les cantons doivent disposer de suffisamment de moyens pour maintenir leur attractivité, à l’heure où les entreprises verront leur facture d’impôt augmenter. Le National a été plus hésitant, préférant dans un premier temps, sous l’impulsion de la gauche et des Vert’libéraux, une répartition 50-50. Mais il a changé d’avis.

ONG et gauche au combat

Au grand dam du PS, qui a depuis appelé à refuser la réforme. Si la direction du parti entendait préconiser la liberté de vote, comme l’ont fait les Vert-e-s, la base n’a pas suivi.

La gauche critique une fleur faite aux cantons qui abritent beaucoup de multinationales, Bâle-Ville et Zoug en tête, qui seront les grands gagnants de l’imposition minimale. Ces derniers en profiteront pour faire de nouveaux cadeaux fiscaux aux entreprises par des moyens détournés.

Le PS n’est pas seul dans sa lutte. L’Union syndicale suisse et Alliance Sud, coalition d’ONG, ont fustigé de «nouveaux privilèges fiscaux», alors que la réforme ne propose aucune mesure permettant de rendre aux pays du Sud une partie des richesses qu’ils contribuent à produire.

Sondages favorables

Malgré ces critiques, le camp du «oui» semble bien parti pour passer l’épaule le 18 juin. Outre une large alliance, les premiers sondages lui donnent une avance confortable. Même les électeurs de gauche ne semblent pas déterminés à voter contre l’imposition minimale.

A lire aussi...