Les organisations et quatre partis politiques exposent leur volonté commune de combattre une initiative qui conduirait selon eux à une perte d’attractivité considérable du canton de Genève en matière fiscale.
Unis pour combattre une nouvelle proposition de hausse d'impôt, les milieux économiques ainsi que quatre partis représentant la majorité au Grand Conseil genevois ont présenté leurs arguments en vue de la votation populaire du 12 mars 2023 sur l'initiative 179 Contre le virus des inégalités… Résistons! Supprimons les privilèges fiscaux des gros actionnaires. Cette conférence de presse illustre la volonté commune des organisations et des partis politiques représentés de combattre une initiative qui conduirait à une perte d’attractivité considérable du canton de Genève en matière fiscale.
En préambule, il convient de rappeler que l'imposition réduite des dividendes telle que Genève, la Suisse et tous les pays de l'OCDE la connaissent, a été voulue pour éviter de pénaliser les entreprises, en particulier les PME, des effets d'une double imposition économique trop élevée. Selon Stéphane Tanner, expert fiscal et membre du Comité directeur de la FER Genève «la double imposition économique du bénéfice de l'entreprise vient ainsi s'ajouter à l'imposition de la fortune, de sorte que la suppression de l'imposition privilégiée des dividendes viendrait augmenter par trop la charge fiscale des PME genevoises.»
L’initiative 179 doit d’autant plus être combattue que le canton de Genève est le champion toutes catégories confondues dans le domaine fiscal selon l'Administration fédérale des finances: «c'est le canton qui épuise et qui exploite le plus son potentiel fiscal. Genève fait malheureusement honneur à sa réputation de canton le plus "vorace" de Suisse et ponctionne près de 34% de son potentiel de ressources» rappelle Alexandre de Senarclens, député PLR.
En outre, l’initiative se trompe de cible en visant prétendument les gros actionnaires. «La rhétorique des initiants laisse penser que ce texte vise de grands actionnaires de sociétés cotées comme Nestlé, Novartis ou UBS, alors que ce sont les entrepreneurs, propriétaires de PME, qui créent par leur activité des emplois dans le canton qui sont la cible privilégiée de cette initiative», estime Philippe Morel, député MCG. En effet, le système helvétique permet l'atténuation de la double imposition économique à partir d'un seuil de détention de 10%. Or, il est peu probable qu'une personne détienne à elle seule 10% d'une entreprise cotée. Ce sont donc les entrepreneurs qui détiennent des sociétés familiales, et qui y sont actifs, qui subiront les effets néfastes de ce texte.
En acceptant cette initiative, le peuple genevois prend donc le risque que ces entrepreneurs qui verront leur charge fiscale augmenter soient incités à partir pour d'autres cantons plus attractifs. Selon Michael Andersen, fiscaliste et membre de l'UDC, «cette initiative est une "Genferei" de plus. Si dans tous les autres cantons suisses des dispositifs pour limiter la double imposition économique existent, pourquoi un propriétaire de PME resterait-il dans le canton de Genève?»
L'imposition immobilière est particulièrement lourde à Genève, notamment en raison d'un impôt sur la fortune très élevé. Une acceptation de cette initiative creuserait l'écart déjà existant entre les propriétaires immobiliers détenant directement leurs immeubles et ceux qui les détiennent par le biais de parts dans une société immobilière. Selon Anne Hiltpold, secrétaire générale adjointe de la Chambre genevoise immobilière, «l'acceptation de ce texte pousserait les propriétaires qui n'habitent pas les immeubles qu'ils détiennent à s'établir hors du canton de Genève.»
Delphine Bachmann, députée, le Centre Genève, résume en affirmant que «cette initiative attaque frontalement les PME genevoises et leurs emplois ce qui porterait préjudice à l’attractivité de Genève et risquerait de diminuer les recettes fiscales du canton». En raison de sa voracité, le Canton de Genève ne dispose plus d’aucune marge de manœuvre pour augmenter sa fiscalité. Il faut bien plutôt travailler sur le train de vie dispendieux de l’Etat et la baisse des impôts des personnes physiques.
«Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’en tant qu’entrepreneur, ce qui nous caractérise, c’est de vouloir développer notre entreprise, d’investir dans son outil de production, d’aller décrocher des nouveaux marchés, d'augmenter le nombre de collaborateurs», explique Isabelle Harsch, CEO, Henri Harsch HH SA. Si Isabelle Harsch est actionnaire de son entreprise, elle est aussi salariée de cette dernière. Elle paie donc, en plus d'un impôt sur la fortune élevé, également un impôt sur le revenu. Toutefois, cette fortune, n’est pas disponible en «cash». Ce sont des actifs immobilisés dans l’entreprise. L'acceptation de l'initiative rendrait par conséquent l'impôt confiscatoire pour l'entrepreneur.
Selon l'administration fiscale genevoise, plus de 30'000 taxations sur les dividendes sont imposées à 100%, et dans quelque 1'500 autres dossiers - et il s'agit effectivement de participations qualifiées, soit plus de 10% -, le taux est réduit. Ainsi, l'immense majorité des personnes qui reçoivent des dividendes sont déjà imposées à 100%. Ces chiffres illustrent concrètement que cette initiative touche bien et quasi-exclusivement les PME. Vincent Subilia, directeur général de la Chambre de commerce, d'industrie et des services de Genève, conclut que «les initiants n’ont pas d’autres souhaits que de démanteler le tissu économique de notre canton pourtant pourvoyeur d’emplois. Le signal que nous devons donner à nos entrepreneurs doit être : restez ici, investissez ici et créez de l’emploi. C’est la formule gagnante pour financer les prestations à la population.»