Frottements fiscaux

Aubin Robert, Avacore Family Office

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Attention aux cas de double imposition des donations et successions franco-suisses.


Les liens de proximité entre la France et la Suisse sont tels que les donations ou successions ayant un point de rattachement (biens ou personnes) dans les deux juridictions sont très nombreuses. La France et la Suisse ont pendant longtemps été liées par une convention fiscale en matière de successions (mais non de donations) signée le 31 décembre 1953. La France a dénoncé unilatéralement cette convention, qui n’est plus applicable depuis le 1er janvier 2015.

En l’absence de convention fiscale, chacun des deux Etats peut en conséquence appliquer ses règles de droit interne sans limitation. Les cas de taxation en France sont désormais plus nombreux et il en résulte des situations de double imposition.

En France, le conjoint est exonéré de droits de succession, mais pas de droits de donation. Les descendants sont imposables selon un barème progressif qui peut atteindre 45%. En Suisse, les droits de donation et de succession relèvent de la souveraineté des cantons. Le conjoint est généralement exonéré. Quant aux descendants, ils sont soit exonérés (par exemple Genève, Valais ou Neuchâtel) ou faiblement imposés (Vaud ou Genève lorsque le défunt était soumis à l’impôt sur la dépense).

La France ne donnera pas de crédit pour les impôts dus chez son voisin helvétique puisqu’il s’agit de biens français. Le canton éliminera, le cas échéant, la double imposition partiellement.

La France taxera l’intégralité des biens mobiliers ou immobiliers qu’ils soient situés d’un côté ou de l’autre de la frontière lorsque le défunt ou l’héritier (sous réserve pour ce dernier qu’il y ait été domicilié pendant au pendant au moins six années au cours des dix années précédant celle de la transmission) est domicilié dans l’hexagone. Lorsque ni le défunt, ni l’héritier ne sont domiciliés en France (ou lorsque ce dernier l’a été moins de 6 ans au cours des 10 années qui précédent), seuls les biens français y sont taxables. Il s’agit notamment des immeubles situés en France, mais aussi des biens meubles corporels ou incorporels: parts ou actions de sociétés ayant leur siège en France (dont les parts de sociétés civiles immobilières), créances contre un débiteur domicilié en France (dont un compte courant d’associé), meubles meublants, œuvres d’art situées physiquement sur le territoire français, etc. Le droit français assimile à des biens français, les parts ou actions de sociétés étrangères dites «à prépondérance immobilière» en France, c’est-à-dire dont le principal actif est un immeuble en France. Il permet, en outre, de taxer la possession indirecte de biens immobiliers par l’intermédiaire d’une ou plusieurs entités interposées. Les vieilles structures de détention qui ont impliqué une société anonyme de droit suisse sont parfaitement inefficaces. Les règles exposées ci-avant s’appliquent aussi aux donations.

Côté helvétique, en l’absence d’harmonisation en matière de droits de donation et de succession, il convient d’examiner les règles d’assujettissement dans chaque loi cantonale. On peut toutefois synthétiser les règles généralement applicables de la manière suivante: le canton du domicile du défunt ou du donateur imposera l’intégralité des biens, à l’exception des biens immobiliers français détenus en direct.

En cas de double imposition, la France permet de déduire les droits de donation ou de succession payés à l’étranger, mais uniquement sur les biens non français. En suisse, la double imposition ne peut être évitée que si la loi cantonale contient des dispositions permettant de l’éliminer. Les cantons de Vaud et du Valais autorisent par exemple de porter l’impôt étranger au passif de la succession. Il en découle néanmoins une double imposition partielle car l’impôt étranger n’est pas déductible de l’impôt lui-même, mais de la base taxable.

Les frottements fiscaux dans un contexte franco-suisse concernent les biens mobiliers français (notamment les parts de sociétés civiles immobilières) détenus par une personne domiciliée en Suisse. Ces biens seront, en effet, fiscalisés dans les deux pays (sous réserve du lien de parenté bien entendu). La France ne donnera pas de crédit pour les impôts dus chez son voisin helvétique puisqu’il s’agit de biens français. Le canton éliminera, le cas échéant, la double imposition partiellement.

En conclusion, il faut relativiser ces difficultés car la grande majorité des transmissions sont exonérées en Suisse du fait du lien de parenté (conjoint ou descendants). Dans les autres cas, il est très important d’identifier les situations problématiques en amont: en cédant les actifs français, les exportant lorsqu’il s’agit de biens meubles corporels ou en anticipant la transmission. A défaut, la facture risque d’être douloureuse.

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