Etats fiscalement non coopératifs: la France muscle sa liste

Alain Moreau, FBT Avocats

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Douze nouvelles juridictions rejoignent le Panama, entraînant des conséquences fiscales préjudiciables pour les investisseurs.

Par un arrêté du 6 janvier 2020, la France a mis à jour sa liste des Etats ou territoires non coopératifs (ci-après «ETNC») qui comprend désormais douze nouveaux pays (seul le Panama figurait déjà sur la précédente liste datant de 2016).   

La nouvelle liste compte aujourd’hui les treize juridictions suivantes: Anguilla, Bahamas, Iles Vierges Britanniques (BVI), Panama, Seychelles, Vanuatu, Fidji, Guam, Iles Vierges américaines, Oman, Samoa américaines, Samoa, Trinité et Tobago. 

D’un point de pratique, ce n’est que le 1er avril 2020 que ces Etats seront considérés comme officiellement inscrits sur la liste des ETNC.

Quelles conséquences cela emporte-t-il pour les investisseurs étrangers ayant dans leurs portefeuilles des actions du CAC 40 (LVMH, l’Oréal, Total, Air Liquide, etc.)?

Il est courant que les investisseurs détiennent leur patrimoine financier
au travers de sociétés désormais inscrites sur la liste des ETNC.

Il est en effet courant que, pour des raisons de structuration financière ou patrimoniale propres à leur pays de résidence, les investisseurs détiennent leur patrimoine financier au travers de sociétés désormais inscrites sur la liste des ETNC (BVI ou Bahamas par exemple).

En cas d’investissement dans des sociétés françaises, le code général des impôts français prévoit une retenue à la source de 75% sur les dividendes et les plus-values payés à des sociétés domiciliées dans un ETNC. Une distinction doit cependant être opérée entre ces différents revenus:

  • Pour les dividendes: la retenue à la source de 75% ne trouve à s’appliquer qu’en cas de paiement des dividendes directement vers l’ETNC. Ainsi, dès lors que le paiement des dividendes dûs à une société domiciliée dans un ETNC (BVI par exemple) est réalisé sur un compte bancaire de cette dernière, mais hors de l’ETNC (en Suisse, au Liechtenstein, au Luxembourg ou au Royaume-Uni par exemple), la retenue à la source de 75% n’est pas applicable.
  • Pour les plus-values: la retenue à la source de 75% s’applique sur le gain réalisé par une entité établie dans un ETNC, sans tenir compte d’un seuil de détention et, surtout, sans tenir compte du flux financier lié à la cession. En effet, le deuxième paragraphe de l’article 244 bis B du CGI indique: «Par dérogation, les gains mentionnés au premier alinéa sont imposés au taux forfaitaire de 75% quel que soit le pourcentage de droits détenus dans les bénéfices de la société concernée, lorsqu’ils sont réalisés par des personnes ou organismes domiciliés, établis ou constitués hors de France dans un Etat ou territoire non coopératifs au sens de l’article 238-O A (…), sauf s’ils apportent la preuve que les opérations auxquelles correspondent ces profits ont principalement un objet et un effet autres que de permettre leur localisation dans un Etat ou territoire non coopératif».
Il conviendra de chiffrer le risque fiscal encouru
en cas de cession de titres après le 1er avril 2020.

Ainsi, si une société domiciliée dans un ETNC cède des actions de sociétés françaises après le 1er avril 2020, la retenue de 75% trouvera donc à s’appliquer, quel que soit le pays vers lequel le prix de vente sera versé.

Il conviendra donc d’évaluer, pour chaque investisseur dont le patrimoine est structuré au travers d’une société désormais domiciliée dans un ETNC, s’il est investi en titres français et chiffrer le risque fiscal encouru en cas de cession de ces titres après le 1er avril 2020.

Enfin, et indépendamment de cette problématique ETNC, rappelons qu’en matière de droits de donation ou de succession, un investisseur étranger peut courir le risque d’une imposition en France à raison des actions françaises investies dans son portefeuille financier, à des taux d’imposition allant jusqu’à 45% en ligne directe, voire 60% en l’absence de lien de parenté.

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