AVS et fiscalité: une solution équilibrée à deux problèmes urgents

AWP

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Ueli Maurer et Alain Berset ont défendu le «bon compromis» trouvé par le Parlement. La votation aura lieu le 19 mai.

Le projet qui lie fiscalité des entreprises et AVS est une solution équilibrée à deux problèmes urgents. Ueli Maurer et Alain Berset sont venus défendre lundi devant les médias le «bon compromis» trouvé par le Parlement. La votation aura lieu le 19 mai.

La loi sur la réforme fiscale et le financement de l’AVS est combattue par une partie de la gauche, qui dénonce un cadeau fait aux grandes entreprises, et une partie de la droite, qui refuse de lier imposition et 1er pilier.

Les ministres des finances et des assurances sociales ont mis en garde contre les conséquences d’un «non» en votation populaire. La communauté internationale attend de la Suisse qu’elle supprime les statuts fiscaux spéciaux qu’elle accorde aux multinationales.

Si Berne ne franchit pas le pas, l’insécurité juridique prévaudra et il faudra s’attendre à des mesures de rétorsion qui nuiraient à l’économie helvétique.

Côté AVS, sans les deux milliards de francs promis, les problèmes financiers s’aggraveraient rapidement et devraient être résolus entièrement dans le cadre de la réforme que le Conseil fédéral doit remettre cette année encore au Parlement.

Projet remanié après l’échec de 2017

Le grand argentier Ueli Maurer a déjà dû affronter un échec sur la fiscalité des entreprises avec la défunte RIE III, rejetée en février 2017 par le peuple. Les leçons ont été été tirées, selon lui.

Une compensation sociale est prévue avec les moyens qui seront affectés à l’AVS: chaque franc perdu par la Confédération, les cantons ou les communes via l’imposition des entreprises devrait être «compensé» par un franc au profit du 1er pilier.

Les exigences des villes et des communes ont été prises en considération. Les cantons devront leur octroyer une compensation «appropriée» des conséquences de la réforme.

Un meilleur équilibre entre charges et allégements a été trouvé. La charge fiscale des actionnaires sera augmentée. Les règles applicables à l’imposition des dividendes et au remboursement de capital seront plus strictes.

La réforme fiscale présente en outre des avantages pour l’économie. Elle sera plus équitable: les multinationales paieront un peu plus d’impôts alors que la charge fiscale baissera globalement pour les autres entreprises. Certains allégements, comme la «patent box» – soit l’imposition préférentielle des revenus issus de la propriété intellectuelle – profiteront au pôle scientifique suisse.

Au final, la Suisse continuera de figurer parmi les pays les plus attrayants pour les entreprises innovantes et des emplois pourront être préservés. A long terme, on pourrait même compter avec des recettes fiscales plus élevées qu’en cas de rejet du projet.

La réduction de l’impôt sur les bénéfices des entreprises dépendra des cantons. La Confédération indemnisera une partie de leur perte en relevant leur part aux recettes de l’impôt fédéral direct de 17 % à 21,2 %.

Financement bienvenu

En accordant quelque 2 milliards de francs de plus par an à l’AVS dès 2020, on verse à l’assurance des moyens dont elle urgemment besoin pour garantir les rentes, selon le Conseil fédéral.

La situation financière du 1er pilier se dégrade à vue d’œil. Les recettes courantes ne suffisent plus à couvrir les dépenses. Et cela ira en s’aggravant avec le départ à la retraite des baby-boomers et avec l’augmentation de l’espérance de vie.

Projet fiscal: Aperçu du compromis soumis au vote
La réforme de l’imposition des entreprises a été couplée à un volet consacré à l’AVS. Aperçu du compromis adopté par le Parlement.
L’idée de base reste la même qu’avec la défunte RIE III: tordre le cou aux statuts spéciaux avec lesquels la Suisse accorde des allégements à quelque 24’000 multinationales. Cette pratique est fortement décriée au niveau international. Plusieurs mesures sont prévues en échange pour que la Suisse garde son attrait fiscal.
La grande nouveauté est la compensation sociale prévue avec un financement de l’AVS à hauteur de quelque 2 milliards de francs. Le taux de cotisation serait augmenté de trois pour mille (+0,15% à 4,35% pour l’employeur et +0,15%, à 4,35% pour le salarié). Cette mesure rapporterait 1,2 milliard de francs en 2020.
L’intégralité du pour-cent démographique de la TVA irait à l’AVS. La Confédération ne garderait plus sa part de 17%. Le fonds de compensation pourrait ainsi compter avec 520 millions de plus dans deux ans.
Enfin, la Confédération relèverait progressivement sa contribution à l’AVS en fonction des répercussions de la réforme. Sa participation passerait ainsi en 2020 de 19,55 à 20,20%, soit une hausse des recettes de 300 millions.

Concessions
Une concession a été faite à la droite et à l’économie concernant la hausse de la base d’imposition des dividendes. Le Conseil fédéral voulait 70% pour toutes les collectivités publiques. Seule la Confédération devrait afficher ce taux. Au niveau cantonal, ce ne devrait être que 50%.
Une autre concession concerne Zurich, qui n’a pas apprécié que le Conseil fédéral laisse tomber les très décriés intérêts notionnels (déduction d’intérêts fictifs). Une solution de déduction pour autofinancement taillée sur mesure pour ce canton a été préparée. Facultative, elle est destinée aux cantons à forte fiscalité.
Enfin, une concession a été faite à la gauche et porte sur le principe de l’apport sur le capital introduit en 2011 par la précédente réforme. Des milliards peuvent être distribués francs d’impôts aux actionnaires. Des limites devraient désormais être posées.

Allègements fiscaux
Rayon allègements fiscaux, l’un des plus importants concerne les cantons et n’est pas prévue formellement dans le projet: la réduction du taux d’imposition des bénéfices des entreprises. Pour faire baisser la facture des cantons, la Confédération passera à la caisse. La part cantonale aux recettes de l’impôt fédéral direct (IFD) passera de 17 à 21,2%. Les cantons toucheraient 990 millions à ce titre.
Autre mesure-phare, obligatoire pour les cantons: l’introduction d’une «patent box» (imposition privilégiée des revenus des brevets). Le dégrèvement ne pourra pas excéder 90%. Une déduction allant jusqu’à 150% des frais de recherche et de développement est en outre prévue. Elle sera limitée aux charges de personnel avec un supplément.
Le plafond général pour toutes les déductions liées à la «patent box», à la recherche et au développement ainsi qu’à l’autofinancement est fixé à 70% du bénéfice. Les amortissements découlant d’une imposition passée en qualité de société à statut fiscal spécial sont également pris en compte pour le calcul de la réduction.

Autres mesures
Les cantons auront la possibilité, dans le cadre du calcul sur l’impôt sur le capital, de prévoir des réductions sur les fonds propres liés aux participations, aux brevets et aux droits comparables, ainsi qu’aux prêts consentis à des sociétés du groupe.
Les entreprises qui transfèrent leur siège en Suisse pourront bénéficier d’amortissements supplémentaires les premières années. Les établissements stables suisses d’entreprises étrangères pourront bénéficier d’une imputation forfaitaire d’impôt, qui permet d’éviter des doubles impositions sur le plan international.
La réforme entraînera aussi des changements du côté de la péréquation financière. Une compensation de 180 millions par an est prévue pour soulager les cantons qui pourraient faire les frais du changement de système.