Le smart beta devient de moins en moins smart

Cyril Gomez

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Scientific Beta prévient des dangers que suscitent la quête de facteurs fallacieux de la part des providers d’indices et de fonds smart beta.

D’après les données Morningstar, les investisseurs ont injecté près de 90 milliards de dollars dans les produits indiciels cotés (ETP) smart beta en 2018. Portant le total des encours gérés par ces produits à un peu moins de 800 milliards de dollars. Mais sous l’effet d’une concurrence exacerbée et d’une baisse subséquente des coûts facturés aux investisseurs, les gains de part de marché et les marges commencent à se resserrer. Poussant les acteurs à innover, mais pas toujours dans l’intérêt des investisseurs.

Le provider d’indices factoriels Scientific Beta (SB), né de l’EDHEC Finance Institute, estime qu’un nombre important d’investisseurs serait exposé à des facteurs de risque fallacieux, indésirables et non rémunérés. Dans sa récente étude intitulée The Risks of Deviating from Academically Validated Factors, SB signale le fait que les providers et les asset managers «se sont embarqués» dans un dangereux processus de recherche de nouveaux facteurs. Il en existe désormais une centaine de facteurs, alors que seulement six, tout au plus, reposent sur des preuves empiriques. Un «zoo de facteurs» purement commerciaux ou marketing s’est créé, à l’aide, notamment, du minage de données.

Plus la flexibilité est grande,
plus le biais de sélection est élevé.

«Les facteurs commerciaux sont basés sur des définitions composites complexes offrant un maximum de flexibilité», regrettent les experts de SB. «Les providers utilisent cette flexibilité pour chercher les facteurs affichant les performances les plus élevées au sein d’un ensemble de données spécifique.» Ce qui donne lieu à l’émergence de facteurs fonctionnant bien dans un jeu limité de données, mais qui s’avèrent «inutiles» dans la pratique. «Par conséquent, il y a de fortes chances que de nombreux facteurs contenus dans des produits d’investissement populaires et apparaissant dans les outils d’analyse soient de faux facteurs», prévient le Noël Amenc, CEO de SB.

«Plus la flexibilité est grande, plus le biais de sélection est élevé», poursuit Noël Amenc. Qui, dans une autre étude publiée fin mars, Inconsistent Factor Indices: What are the Risks of Index Changes?, souligne également les risques non rémunérés résultant de modifications fréquentes des méthodologies de construction des indices. Il y dénonce une forme abusive d’introduction de systèmes de notations ou scores régionaux et/ou sectoriels, la transformation de la distribution des scores factoriels (tantôt logarithmique, tantôt normale) ou encore l’agrégation de scores composites utilisant des pondérations arbitraires.

Au-delà de l’enjeu purement pratique, il existe également une raison fondamentale qui rend ces modifications problématiques. En effet, des moteurs de performance systématiques sur le long terme, tels que les facteurs Value ou Momentum, sont reconnus comme étant persistants et robustes et reposent sur une validation académique. Le problème, explique SB, est que les modifications et mises à jour continuelles des facteurs, à intervalles de temps restreints, suggèrent que ces derniers n’en sont pas. Sinon pourquoi vouloir les améliorer? Agir de la sorte revient en quelque sorte à remettre en cause les fondements scientifiques des facteurs les plus robustes.

L’étude met en lumière des cas concrets d’incohérence que provoquent cette chasse aux nouveaux facteurs dans les offres de produits indiciels. Un des exemples cités est celui de la série d’indices multifactoriels du provider MSCI. En 2013, ce denier lance la série d’indices MSCI Quality Mix Indices offrant une exposition équilibrée aux facteurs Value, Low Vol, Taille et Qualité (durabilité des taux de croissance des revenus et/ou des bénéfices, avantage compétitif, cash-flows…).

Cependant, en 2015, MSCI décide de retirer le facteur Low Vol de la nouvelle série d’indices phares Diversified Multiple-Factor Series (DMF), ne conservant plus que les facteurs Value, Qualité, Taille et Momentum. MSCI justifie son choix en expliquant que la nouvelle offre souhaite offrir une plus forte sensibilité par rapport au marché, sur la base d’un ratio d’information moyen de 1,14, alors qu’il aurait été de 0,86 en incluant le facteur Low Vol sur une période backtestée s’étalant sur 16 ans. Selon MSCI, l’inclusion du facteur de faible volatilité génère en effet une hausse significative de l’erreur de suivi (tracking error) sans que celle-ci soit compensée.

Mais pour les experts de SB, sélectionner des facteurs rémunérés sur la base de leurs performances s’étalant sur une période backtestée revient à adopter une approche «rétrograde» et peut s’avérer contre-productif en termes de prédictibilité ou de prévisions hors-échantillon. Les incohérences ne se limitent pas aux indices mais se retrouvent également dans les études de recherche ad hoc sur lesquelles reposent explicitement les produits des promoteurs.

De tels exemples montrent que ce qu’un provider considère comme étant
un facteur robuste change de façon dynamique avec le temps.

Aussi, en 2017, lors du lancement des indices multifactoriels RAFI Multi-Factor par le provider Research Affiliates (RAFI), celui-ci soutint que la série avait été conçue afin d’offrir «une combinaison de stratégies factorielles individuelles s’avérant théoriquement fiables et empiriquement robustes, à savoir les facteurs Value, Low Vol, Qualité, Momentum et Taille» (Arnott, Beck et Kalesniki, 2016).

Pourtant, un an plus tôt environ, une étude antérieure (Beck et al), qui sert d’élément critique du cadre théorique de construction des indices RAFI, arrivait à la conclusion que les facteurs Qualité et Taille n’étaient pas robustes. En 2014, dans un article publié par RAFI, les auteurs Jason Hsu et Vitali Kalesnik, aujourd’hui CIO et Directeur de la recherche de Betashares, respectivement, observent eux aussi que le facteur Taille n’est plus efficace sur le marché américain depuis le début des années 80. Et qu’il est pratiquement insignifiant sur les marchés internationaux.

«En fin de compte, de tels exemples montrent que ce qu’un provider considère comme étant un facteur robuste change de façon dynamique avec le temps, parfois sur de très courtes périodes», concluent les experts de SB. Qui insiste sur le fait que les exemples précités sont fréquents et concernent bien d’autres providers réputés. «Notre analyse suggère que piocher les variables les plus performantes pour en faire des définitions de facteurs ou sélectionner les combinaisons de facteurs les plus performantes en échantillon peut mener à une dégradation significative de la performance hors-échantillon.»

Indices Scientific Beta: mieux contrôler les risques cachés du smart beta
Inspiré de la gestion active, le smart beta découle de l’observation de sources de rendement systématiques sur le long terme autres que le simple beta du marché dans sa totalité. Les méthodologies de sélection, de pondération et de rééquilibrage des titres contenus dans les indices smart beta reposent ainsi sur ces sources de rendement systématiques appelées facteurs. Et non sur la capitalisation boursière (comme c’est le cas pour des indices traditionnels tels que le S&P 500).
L’offre de Scientific Beta se distingue par sa gamme d’indices multifactoriels Diversified Multi-Strategy, qui a pour objectif de réduire la quantité de facteurs de risques financiers et idiosyncratiques non rémunérés. L’approche combine cinq systèmes de pondération (Déconcentration Maximale, Diversified Risk Weighted, Décorrélation Maximale, Volatilité Minimale Efficiente et Ratio de Sharpe Maximal Efficient), chacun en proportions égales, résultant en une amélioration de 43% du ratio de Sharpe sur la période partant du 31 décembre 1974 au 31 décembre 2014, soit 40 ans.
Les premiers indices multifactoriels offerts par SB furent les Scientific Beta Multi-Beta Multi-Strategy Four-Factor EW indices, enregistrant une surperformance annualisée de 1,49% par rapport à leurs benchmarks construits selon la capitalisation boursière, ainsi qu’un ratio de Sharpe additionnel de 52,36%. SB reconnaît à ce jour six facteurs reposant sur des preuves empiriques, à savoir les facteurs Valeur, Momentum, Faible Volatilité, Rentabilité, Faible Investissement et Taille. L’an dernier, les actifs gérés par des produits financiers répliquant les indices factoriels Scientific Beta ont augmenté de 72% à 43 milliards de dollars.

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