Fuite vers la qualité

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

L’Europe souffle le chaud et le froid

Si vous voulez voir le verre à moitié plein, alors il suffira de vous pencher sur les dernières statistiques d’inflation et sur les gros titres des journaux à propos de la Grèce. Si vous avez tendance à voir le verre à moitié vide, vous focaliserez votre attention sur la croissance et sur l’Italie. En effet, l’inflation semble de retour dans la zone euro, avec un CPI atteignant 2,1%, sachant que le taux core se situe toujours à 1,1%. Par exemple, la France se situe dans le peloton de tête des pays à «forte» inflation avec 2,6%, de quoi raviver les craintes inflationnistes synonymes de revendications salariales et de demandes de relèvement du taux du fameux livret A! 

La Grèce, quant à elle, s’est enfin débarrassée de sa mise sous tutelle. Elle est donc officiellement sortie de la crise qui lui avait fait perdre 25% de son Produit Intérieur Brut depuis 2008. Si vous êtes (sans être Cassandre) plutôt prudent, vous aurez noté que la croissance européenne donne des signes d’essoufflement et pour rester dans l’exemple français, le gouvernement a dû revoir sa copie dans l’urgence. Officiellement, les experts de Bercy estiment désormais la croissance française à 1,7% contre 1,9% initialement. 

Il sera intéressant d’analyser la tonalité du discours de Mario Draghi le 13 septembre, date de la prochaine réunion de la BCE. Dans le même temps, l’Italie reste prisonnière d’une tragédie politico-économique et le verdict des marchés est sans appel: le 10 ans BTP culminait hier à 3,23%, soit 292 points de base au-dessus du Bund. La correction est également sévère sur la partie courte de la courbe avec un 2 ans BTP s’affichant à presque 1,5% soit environ 210 bp au-dessus du 2 ans allemand. Ce spread de 210 est certes inférieur aux presque 300 à 10 ans mais il est significatif de la défiance des marchés envers l’Italie, y compris sur la partie courte. Dans ce contexte, il apparaît difficile de croire que la BCE prônera une stratégie de sortie abrupte de son programme d’assouplissement quantitatif. Bref: une inflation en trompe-l’œil, une croissance qui s’effrite et une Italie en potentiel danger, voilà le menu qui attend nos amis de Francfort à la rentrée.

Les émergents sous pression, mais pas trop! 

Les marchés émergents ne sont plus en vogue après les soubresauts affectant l’Argentine et la Turquie. Mais la panique n’est pas à l’ordre du jour. Certes, le marché est volatil mais, comme nous l’indiquions la semaine dernière, nous sommes encore en risque idiosyncrasique et pas systémique. De nombreux pays émergents ne souffrent pas des mêmes maux que les Turcs et Argentins. Le dollar est fort, les taux US vont monter (Fed Funds) mais les taux obligataires sont stables voire baissiers, avec poursuite de l’aplatissement de la courbe. Ces paramètres qui étaient par le passé synonymes de sell-off sur les marchés émergents obligataires ont beaucoup moins d’influence aujourd’hui. 

Des opportunités d’investissement
apparaissent dans des corporates exportateurs.

Certaines devises autres que le peso et la lire ont souffert mais des opportunités d’investissement apparaissent dans des corporates exportateurs dont la majorité des coûts est en devise locale tandis que la majorité des revenus est en dollars. Comme dans d’autres marchés obligataires «à risque», comme le high yield par exemple, l’analyse des flux est primordiale. Les ETF dominent actuellement ces marchés et tout mouvement de ventes massives pourrait engendrer un passage en mode systémique. Dans ce cas-là, il s’agirait de tirer profit de toute contagion vers les pays émergents de grande qualité. Conclusion: comme dans d’autres marchés obligataires, le plus grand risque est désormais lié aux flux sur les ETF!  

Bunds et Treasuries à l’abri du sell-off 

Finalement, alors que les marchés actions US volent de record en record, les emprunts du Trésor US restent une valeur prisée par les investisseurs tandis que le Bund allemand, malgré un rendement faible, fait office de valeur refuge lorsque les périphériques sous-performent. Le 30 ans américain se négocie toujours aux alentours de 3% et le spread 2-10 ans (nous lui préférons toujours le spread 5-30) fluctue autour de 20 points de base. Il y a toujours un appétit pour la grande qualité et ces taux gouvernementaux à 10 ans que la majorité d’entre nous voyait en hausse font finalement preuve d’une belle stabilité, malgré un programme d’adjudications du Trésor US doublé par rapport à 2017 et malgré tous les signaux envoyés par les marchés actions, favorables aux prises de risques rendant l’assurance qualité inintéressante voire inutile. 

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