Les nuages s’amoncellent

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Confirmation(s) à Sintra 

Une semaine à peine après les réunions de la Fed et de la BCE, Sintra était l’occasion idéale pour écouter les banquiers centraux confirmer leurs propos ou rectifier le tir en cas de besoin. Jerome Powell a enfoncé le clou en qualifiant de «sérieuses» les raisons qui poussent la Fed à adopter sa politique de normalisation. Il va donc falloir s’attendre à deux hausses de taux supplémentaires au second semestre. 

De son côté, Mario Draghi s’est employé à insister de nouveau sur le caractère conditionnel des mesures annoncées à Riga. Autrement dit, toute statistique d’inflation décevante remettra en cause les bonnes résolutions de la BCE et les points de suspension perçus en filigrane dans les propos de Super Mario pourraient se transformer rapidement en points d’interrogation. 

Le Bund a donc passé une semaine tranquille, commençant la semaine dernière à 0,40% et la terminant à 0,32%. Il est vrai qu’entre-temps, nos amis italiens ont fait parler d’eux, une fois de plus. Alberto Bagnai va présider la commission des finances du Sénat et Claudio Borghi celle du budget à l’Assemblée. Ainsi, deux figures de proue de l’euroscepticisme de la ligue du nord se retrouvent à des postes-clés. Le résultat ne s’est pas fait attendre: le BTP 10 ans qui s’était stabilisé autour de 2,55% est parti dans le décor pour atteindre 2,80% et, encore plus révélateur du stress qui s’empare des marchés, le 2 ans italien est passé de 0,55% à 1% soit une progression de 45 points de base (contre 25 «seulement» pour le 10 ans). C’est l’exemple parfait de bearish flattening observé lors de toutes les crises de dette. En termes de spread, le BTP-Bund 10 ans s’élève à 247 points de base et le 2 ans atteint déjà 166 bp.

Les gesticulations du président américain
sont largement intégrées dans les niveaux de taux actuels.
Trump et l’OPEP: quelles répercussions?

La guerre commerciale que livre Donald Trump à la Chine et à ses partenaires (européens en tête) ne peut être à terme que préjudiciable à la croissance mondiale et américaine. L’escalade observée la semaine dernière n’est que le nième épisode d’un mauvais feuilleton dont le scénario est favorable aux valeurs refuges. Nous estimons toutefois que si ce sujet devait déclencher un rally obligataire, ce serait indirectement à travers un éventuel mouvement de panique dans les marchés actions. En effet, les gesticulations du président américain sont largement intégrées dans les niveaux de taux actuels et toute baisse supplémentaire des taux longs ne serait que le résultat d’un mouvement de fuite vers la qualité. 

Quant à la décision de l’Opep d’augmenter la production de pétrole, il faut être très prudent. Tout d’abord, le flou a été entretenu même si l’on annonce une production supplémentaire allant de 600'000 à 1 million de barils par jour, le marché ne semble pas réagir puisque le future WTI atteint 69 dollars contre 64 la semaine dernière. Attendons les conclusions des experts dans ce domaine afin d’y voir plus clair. En tout état de cause, cette annonce devrait calmer les ardeurs des partisans de l’accélération de l’inflation provoquée par les matières premières et ceci est une bonne nouvelle pour les marchés de taux. Premièrement, toute information liée à une baisse des anticipations d’inflation est favorable aux obligations gouvernementales. Deuxièmement, cette décision de l’Opep pourrait, à moyen terme, devenir l’un des facteurs-clés poussant la BCE à renoncer à son programme ambitieux de tapering. En revanche, certains pays émergents, dont une part significative de leurs revenus provient du marché pétrolier, pourraient se retrouver en difficulté si le prix du baril commençait à se retourner significativement.  

L’été de tous les risques

Protectionnisme, Italie, Europe en général (y compris Angela Merkel en difficulté), dollar, banques centrales, marchés actions, Iran, marchés émergents… Tous ces risques pris individuellement ne sont pas susceptibles de déclencher de fortes corrections. Mais comme bon nombre d’entre eux peuvent survenir simultanément, force est de constater que le ciel s’assombrit. 

S’il fallait ne retenir que deux risques majeurs, nous opterions sans hésitation pour Donald Trump, risque numéro un, facteur de tensions à la fois géopolitiques et économiques (internationales avec sa politique protectionniste et domestiques avec ses mesures de stimulation de l’économie à un moment du cycle inopportun). Le second risque, plus proche des marchés, est sans doute l’obstination de la Fed à normaliser coûte que coûte sa politique monétaire sans tenir compte des nuages qui s’amoncellent.

A lire aussi...