10 ans US: le niveau-clé de 1,41% a été atteint!

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Covid-19, amplificateur du ralentissement

Depuis le début du feuilleton coronavirus il y a un peu plus d’un mois, nous avons insisté sur le risque de confusion entre risque sanitaire et risque économique. En effet, il ne s’agit pas de tenir une comptabilisation macabre du nombre de décès mais d’évaluer le nombre de fermetures d’usines, de chute de fréquentation dans les aéroports, d’annulations de conférences, de profit warnings de grands groupes…etc… afin d’évaluer l’impact de ce black swan sur l’évolution de la croissance mondiale (top-down) et sur certains résultats d’entreprises (bottom-up). Après un mois, les plus optimistes commencent à déchanter et envisagent désormais un impact significatif sur la croissance chinoise et mondiale avec, pour conséquence, des banques centrales prêtes à ouvrir de nouveau à fond le robinet de l’assouplissement monétaire. 

Si la PBoC (banque centrale chinoise) a dû intervenir logiquement, les marchés de taux attendent une réaction de la Réserve Fédérale américaine (la Fed), pour l’instant droite dans ses bottes. Les principaux membres de la Fed ont en effet répété que la politique monétaire des Etats-Unis devrait rester inchangée tout au long de cette année 2020.  Malgré ces affirmations qui se voulaient péremptoires, une partie de la courbe des taux US s’est inversée de nouveau (taux monétaire SOFR à 1,6% et 10 ans à 1,4%) et les marchés obligataires ont cassé les niveaux d’août 2019 lorsque les craintes de récession américaine étaient élevées. Le niveau-clé de 1,41% dont nous avions fait notre premier objectif pour 2020 a donc été atteint et la question se pose désormais: et après? 

Nous pourrions descendre beaucoup plus bas, dans des territoires
inconnus par les Treasuries mais déjà visités par le Bund.

Deux facteurs peuvent nous aider à envisager un scénario pour les prochains jours: le facteur économique et le facteur humain. Du point de vue macroéconomique, nous voyons ce coronavirus comme un accélérateur et un amplificateur de notre scénario macro 2020-2021: récession en Asie, récession en Europe et des Etats-Unis qui se croient pour l’instant immunisés contre tout risque de ralentissement grâce à une économie domestique robuste (ce qui est, pour l’instant, tout à fait exact). Le facteur humain va être le plus difficile à cerner: va-t-on entrer dans une phase de panique? Les marchés actions vont-ils finalement dévisser? Nous pouvons donc très bien poursuivre ce mouvement baissier taux/haussier prix avec un 10 ans US qui irait tester les prochains objectifs techniques à 1,32% puis 1,25%. Ensuite, selon la tournure des événements (et la capitulation des banques centrales), nous pourrions descendre beaucoup plus bas, dans des territoires inconnus par les Treasuries mais déjà visités par le Bund.

Obligations et actions: des visions différentes voire opposées?

A priori, la réponse est oui. Lors de l’épisode de SRAS fin 2002-début 2003, les indices Dow Jones et S&P 500 avaient corrigé de -17%. Alors pourquoi les marchés obligataires envisageraient-ils un scénario catastrophe et les actions un simple aléa temporaire? L’un des deux aurait-il raison et l’autre tort? Nous estimons que ces deux marchés sont dans le vrai car ils nous délivrent en réalité le même message : les banques centrales vont, en cas de besoin, appliquer des politiques monétaires ultra-accommodantes, raison pour laquelle les taux longs baissent et les actions entament certes une correction, mais bien loin du krach du printemps 2003. Il y a dix-sept ans, personne n’aurait imaginé des taux directeurs à zéro, a fortiori négatifs et des politiques de Quantitative Easing avec des tailles de bilan des banques centrales augmentant de manière incroyable. Les marchés actions ont dégringolé en 2003 parce qu’ils ne connaissaient pas encore les Bernanke, Yellen, Draghi et Lagarde. 

Nous envisageons d’augmenter nos investissements
en TIPS au détriment des obligations classiques.
Quelles stratégies de taux adopter?

Fin 2019, nous envisagions un retour du 10 ans US entre 1,3% et 1,4% (voire plus bas en cas de crise aigüe). Nous y sommes ! Les semaines qui viennent vont être cruciales car elles vont vraisemblablement nous indiquer que les marchés de taux vont craindre cette fameuse crise aigüe. Il y a donc une chance pour que les taux longs poursuivent leur rally, guidés par la peur mais également par l’envie d’entamer un bras de fer avec la Fed pour la pousser à baisser ses taux en juin. Nous allons rester prudents et pragmatiques en jetant un œil sur les anticipations d’inflation à long terme. Si celles-ci venaient à diminuer, nous envisageons d’augmenter nos investissements en TIPS (titres du trésor US indexés inflation) au détriment des obligations classiques. Bien entendu dans un tel environnement, nous évitons toute stratégie de gestion crédit trop agressive pour nous concentrer sur la duration. L’année 2020 n’a que deux mois et nous sommes déjà enclins à modifier notre sentiment sur les marchés obligataires pour ce millésime. Nous avions déclaré fin 2019 que si 2019 avait été l’année des taux nominaux, 2020 sera celle des taux réels. Finalement, ce sera sans doute celle des deux en même temps!

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