Wall Street oscille entre croissance et inflation

William De Vijlder, BNP Paribas

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La récente tension sur plusieurs devises émergentes rappelle que la politique monétaire américaine a des conséquences internationales.

 

La publication la semaine dernière, aux Etats-Unis, du chiffre – important – des créations d’emplois et d’une accélération de la hausse des salaires au mois de mai a été accueillie avec soulagement par les marchés financiers. Quelle différence avec le début du mois février lorsque des chiffres de l’inflation et des salaires, supérieurs aux attentes, avaient provoqué un sursaut de volatilité! Logiquement, le réconfort qu’apportent des statistiques montrant une croissance soutenue reflète l’inquiétude des investisseurs d’un essoufflement de la croissance américaine. Une combinaison de facteurs peut expliquer cette inquiétude.

La récente tension sur plusieurs devises émergentes rappelle que la politique monétaire américaine a des conséquences internationales qui peuvent, par effet de ricochet, affecter les Etats-Unis via une hausse du dollar ou une baisse des exportations. La menace protectionniste constitue un autre facteur. Des surtaxes à l’importation donnent, certes, un avantage aux producteurs américains mais elles devraient également augmenter l’inflation, avec un effet négatif sur les bénéfices de beaucoup d’entreprises et sur le pouvoir d’achat des ménages. En outre, elles augmentent l’incertitude (quels secteurs seront visés par des mesures de rétorsion?), et donc freiner les investissements. Finalement, l’incertitude politique en Italie et la volatilité des marchés qui en a découlé, jusqu’à faire baisser les taux longs US dans un mouvement de fuite vers les valeurs refuges, ont également pu peser sur le moral outre-Atlantique.

L'inquiétude concernant la croissance étonne car les facteurs influençant
les dépenses des ménages restent bien orientés.

Dans une certaine mesure, cette inquiétude concernant la croissance étonne car les facteurs influençant les dépenses des ménages (croissance des revenus, taux d’intérêt, confiance, évolution du patrimoine) restent bien orientés. Même conclusion pour les investissements des entreprises (croissance des bénéficies, taux d’intérêt, accès au financement), sans oublier la baisse d’impôts qui donnera une impulsion supplémentaire aux ménages et aux entreprises. En outre, les dirigeants de la Réserve fédérale ont réitéré leur confiance. Ainsi, Lael Brainard, membre du Conseil des gouverneurs, a déclaré récemment qu’au cours des prochains mois l’utilisation des facteurs de production augmentera parce que les mesures fiscales allaient renforcer la croissance qui dépasse déjà son potentiel. En conséquence, la politique monétaire, modérément accommodante aujourd’hui, devrait à terme devenir modérément restrictive.

Dès lors, un nouveau facteur de nervosité parmi les investisseurs fait son apparition: l’attitude de la Réserve fédérale en réaction à l’évolution de l’inflation. Un double dépassement, à savoir une inflation qui dépasse l’objectif de la banque centrale et les attentes des analystes, alimenterait la crainte d’une réaction plus agressive de la Fed. Ce risque existe bel et bien. Le taux de chômage est déjà très bas et la croissance soutenue mettra encore plus de pression sur le marché de travail. La politique monétaire reste accommodante, quoique moins que par le passé, et la relance budgétaire dans une économie qui tourne déjà à plein régime annonce une hausse de l’inflation. Enfin, les surtaxes sur l’acier et l’aluminium augmenteront les prix dans certains secteurs. Il y a dès lors fort à parier que lorsque la confiance en les perspectives de croissance sera pleinement de retour, l’attention des investisseurs basculera vers le risque d’une accélération de l’inflation, prolongeant ainsi le mouvement de balancier. Cette oscillation est caractéristique d’un cycle conjoncturel mature, ce qui est le cas du cycle américain puisque l’économie y croît depuis l’été 2009.