Vers une meilleure intelligence client

Harry Haller

2 minutes de lecture

Le compte à rebours de la révolution de l’intelligence artificielle a démarré. En dépit de son appétit pour la donnée, la finance tarde à s’adapter.


 

Le récent accident impliquant une voiture autonome aux Etats-Unis met cruellement à l’ordre du jour la question de la responsabilité des «automates». Dans un secteur moins immédiatement «visible», celui de la finance où l’intelligence artificielle gagne chaque jour du terrain et ou les «robo-advisors» se multiplient, cette question de responsabilité ne pourra pas non plus être éludée. Or, comme le constatait récemment Thierry Lorho, les entreprises paraissent mal préparées à relever les défis de la 4ème révolution industrielle. Alors que l’on peut déjà anticiper qu’un tiers des tâches qui composent six métiers sur dix pourraient être assumées par des robots, 60% des dirigeants d’entreprise estiment qu’ils sont en retard sur la transformation digitale. Entretien avec Thierry Lohro, concepteur et utilisateur de la plateforme d’intelligence artificielle avancée Mileva qui utilise des modèles basés sur une approche quantique de l’information

Lors de vos différents séminaires, vous êtes également intervenu dans le secteur financier. Par rapport aux autres secteurs de l’économie, vous paraît-il mieux ou moins bien préparé?

Il se situe globalement au même niveau que les autres secteurs d’activité. Ses cadres dirigeants savent qu’une révolution arrive mais ils ne sont pas préparés et ils ne mesurent absolument pas les conséquences de la digitalisation sur les activités de leurs entreprises. Cette digitalisation est d’abord abordée comme une réécriture des interfaces, une approche de type UX/UI (User Interface/User Experience) et une occasion pour remettre à plat certains modèles de management avec l’introduction de méthodes agiles et de «lean management». Mais l’arrivée de l’IA, elle, n’est pas véritablement comprise. 

Cette automatisation n’est que la toute petite partie émergée
de la révolution qui se prépare.
Pensez-vous que cette loi générale qui veut que 50% des activités professionnelles actuelles soient automatisables s’applique également au secteur des services financiers?

Là encore, il ne faut pas confondre automatisation et intelligence artificielle. 50% de certaines activités sont automatisables, en fait toutes les activités où il n’y a aucun apport de valeur ajoutée: copier un fichier, modifier de manière répétitive des documents par exemple. Mais cette automatisation n’est que la toute petite partie émergée de la révolution qui se prépare. Avec les intelligences artificielles – car il n’y a pas une IA mais de multiples typologies d’IA – ce sont des métiers entiers qui disparaîtront, non par automatisation, mais par le remplacement de l’acteur humain par l’acteur IA.

Et s’il fallait faire un peu de prospective, lorsque vous affirmez que 60% des métiers que nos enfants exerceront n’existent pas encore. Pourriez-vous nous dessiner les contours de «nouveaux métiers» que l’on pourrait voir se développer dans le domaine des services financiers?

L’exercice de prospective est toujours périlleux. Le chiffre de 60% a d’abord une valeur symbolique. Il faut bien comprendre que nous apprenons aujourd’hui en marchant et que nous ne savons pas encore très bien où cette révolution va nous conduire. Cependant, dans les métiers financiers, comme dans les autres secteurs, l’homme va devoir réoccuper des fonctions qu’il avait oubliées, focalisé qu’il était sur des tâches administratives ou purement techniques. Il n’y aura peut-être pas de nouveaux métiers financiers, mais des métiers recentrés sur la relation à l’autre, une expérience client renforcée. Les nouveaux métiers, on les trouvera principalement autour des intelligences artificielles pour les accompagner, les réparer, les créer, les aider dans leurs fonctions: des fonctions de construction, de modélisation, de décision mais aussi certainement, de direction ! Puisqu’il faut faire un peu de prospective, pourquoi ne pas imaginer des coaches d’IA, des psys d’IA, car c’est bien dans cette direction que nous allons, avec des IA apprenantes, intelligentes voire supra intelligentes.

Les seuls nouveaux métiers apparus pour gérer
et manipuler les données sont ceux liés aux «data scientists».
Lors de votre prochain séminaire d’exploration en intelligence artificielle, vous allez interagir avec des universitaires aux compétences très diverses qui vont de la théorie des jeux, en passant par l’interface entre management des technologies et intelligence artificielle pour aller jusqu’à l’épistémologie. Toutes ces spécialités devront-elles être intégrées lors de mise en œuvre des intelligences artificielles dans les entreprises? 

Aujourd’hui, les seuls nouveaux métiers apparus pour gérer et manipuler les données sont ceux liés aux «data scientists». Cependant il ne s’agit pas vraiment de nouveaux métiers, mais d’un emballage marketing de fonctions qui existaient déjà. Demain, les IA vont nous remplacer et aucune fonction, même les plus hautes fonctions, ne seront épargnées. Pour accompagner ce changement, nous devons, nous simples humains, nous remettre en mouvement. A l’échelle de l’homme, la dernière grande révolution majeure, épistémè selon Michel Foucault, l’imprimerie, s’est déroulée sur deux siècles. L’homme a eu le temps de s’adapter. La révolution artificielle ne nous laisse aucun sursis: elle est déjà là et va balayer tous les métiers. La force de l’homme réside encore dans sa capacité à pouvoir embrasser tous les champs de la connaissance et faire des synthèses qui restent remarquables, ce sont en quelque sorte des «fulgurances» qui représentent une capacité décisionnelle unique. Comment les IA vont-elles nous accompagner à l’avenir dans nos décisions? Seuls des spécialistes venus d’horizons très divers peuvent répondre à cette question.