La valorisation de Nvidia est-elle hors sol à 131x les bénéfices 2022 ou logique si on considère que ce ratio sera descendu à 36x en 2026 si le consensus des analystes se réalise?
La révolution liée au progrès de l’intelligence artificielle semble être en cours si on se réfère aux bénéfices et perspectives que la société Nvidia a publié au mois de mai! Une hausse de 25% en une journée pour une société de plus de 700 milliards de capitalisation est un évènement pour le moins rare et a contribué de manière très significative à la très large sur performance des valeurs technologique, une fois encore, au cours du dernier mois écoulé.
La santé insolente des plus grandes valeurs technologiques permet aux indices américains d’afficher des performances positives cette année en dépit de performances négatives pour plus de la moitié des sociétés. Le différentiel de performance entre le Russell 2000 et le Nasdaq ou entre le S&P équipondéré ou pondéré par les capitalisations boursières illustre bien la concentration grandissante des indices et rappelle pour les plus anciens les abus de la fin des années 1990. Mais peut-on parler d’abus aujourd’hui alors même que ces sociétés affichent des taux de marge extrêmement élevés et ressortent comme les grands gagnants des 20 dernières années? La valorisation de Nvidia est-elle hors sol à 131x les bénéfices 2022 ou logique si on considère que ce ratio sera descendu à 36x en 2026 si le consensus des analystes se réalise?
L’intelligence artificielle a le potentiel pour devenir une technologie avec un impact substantiel sur la société de manière générale. Les études menées au cours des dernières années font état de gains de productivité et de croissance potentielle non nuls:
- Mc Kinsey en 2017 estime que l’IA pourrait potentiellement augmenter le PIB mondial de 1,2% / an à horizon 2030.
- PwC en 2018 publiait des estimations comparables, autour de 1,3% / an.
- L’OCDE a publié une étude en 2018 stipulant que la productivité au travail pourrait augmenter de 15 à 40% dans les pays développés à horizon là encore 2030)
- Les chercheurs de Stanford (Brynjolfsson et McAfee) ont des conclusions similaires dans leur étude de 2017 avec une augmentation de la productivité de 1,4% / an dans les secteurs qui utilisent de grandes quantités de données.
C’est d’ailleurs une intelligence artificielle qui m’a aidé à recenser ces différentes études ! Mais cette frénésie actuelle, si elle est porteuse d’espoir à terme, ne doit toutefois pas nous faire oublier ce qui devrait faire évoluer les marchés dans les mois qui viennent.
La baisse des matières premières est à ce titre une fois encore l’un des faits marquant du mois écoulé avec une baisse de -5,74% de l’indice Bloomberg Commodity (BCOM Index), avec des baisses beaucoup plus importantes pour certaines d’entre elles, en particulier sur le secteur de l’énergie: -23% pour les contrats sur le gaz européen à 1 an et -8,45% pour le pétrole.
Au-delà de la conjoncture incertaine pour les mois à venir en lien avec la dichotomie toujours très importante entre «soft data» qui indiquent pour la plupart une récession à venir (Sentix, Fed de NY, etc…) et des indicateurs d’activité réel qui eux sont très résilients, la baisse massive des matières premières va avoir un impact direct sur les prochains chiffres d’inflation et aussi, peut-être, sur les chiffres d’inflation «core» si des effets de second rang finissent par se faire sentir. Ça n’est pas le cas jusqu’ici et les pressions salariales persistantes en zone Euro laissent à penser que cela va prendre du temps, mais il est intéressant de noter que si les prévisions des différentes banques d’investissement sont très proches en ce qui concerne l’inflation au global, elles diffèrent de manière significative en ce qui concerne l’inflation «core».
La dichotomie entre secteur manufacturier et service reste très forte, comme celle entre «soft data» et «hard data», ce qui brouille la lisibilité à horizon quelques mois. A moyen terme, les risques pesant sur l’activité nous semblent toutefois prépondérants: épargne excédentaire qui se tarit graduellement, durcissement des conditions de crédit, impulse budgétaire négatif ou encore redémarrage poussif en Chine. Tout cela nous amène à conserver des portefeuilles peu risqués.