Une révolution européenne – Prévisions de Saxo Bank

Communiqué, Saxo Bank

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«Le scrutin en Allemagne risque de fournir des indications aux nouvelles générations de politiciens sur les changements qu’ils doivent mettre en oeuvre», estime Steen Jakobsen.

Saxo Bank, le spécialiste du trading et de l'investissement en ligne, publie ses Perspectives des marchés mondiaux pour le troisième trimestre 2021. Cette étude inclut des informations sur les actions, les obligations, les matières premières et les devises, ainsi qu'une série de thèmes macroéconomiques ayant un impact sur les portefeuilles.

Un sentiment de «révolution européenne» semble émerger auprès des électeurs et notamment des jeunes générations, qui remettent de plus en plus en cause le statu quo. Tous les regards se tournent vers les élections allemandes du 26 septembre, dont le scénario le plus probable est une alliance «Noirs-Verts» et l’élection des Ecologistes à la Chancellerie.

D’après Steen Jakobsen, économiste en chef et directeur des investissements de Saxo Bank: «Ce serait une révolution. Le parti des Verts est pro-Europe, anti-Russie et anti-Chine, il s'oppose au projet Nordstream2, et il est favorable à la suppression du «Schuldenbremsen», ou «frein à l’endettement», pièce centrale de l’orthodoxie budgétaire allemande. Le scrutin en Allemagne risque également de fournir des indications aux nouvelles générations de politiciens sur les changements qu’ils doivent mettre en oeuvre. Angela Merkel, née en Allemagne de l’Est et russophone, s’est montrée frugale et patiente, et a souvent utilisé un modus operandi quasi scientifique, à laisser les faits et le temps dicter du rythme de son agenda politique plutôt que celui des médias sociaux. Angela Merkel a joué personnellement un rôle important dans le miracle des exportations allemandes mais elle n’a pas investi dans les infrastructures. En conséquence, l’Allemagne dispose d’un débit Internet très lent, d’un niveau particulièrement faible de digitalisation et d’une politique qui vise généralement à corriger les erreurs des années précédentes plutôt qu’à créer de nouvelles perspectives et aspirations. Elle s’est érigée en véritable maître du compromis. Mais la jeunesse européenne rêve du contraire, elle aspire à une Europe plus verte, au plein emploi, à l’accès à la propriété immobilière et non pas à la vision et à l’immobilisme de politiciens âgés. Ces perspectives mobilisent pleinement notre équipe sur l’impact d’une éventuelle victoire des Verts en Allemagne, sur la surabondance des obligations européennes, l’évolution démographique ou sur le Brexit.»

La décarbonation est la dernière chance qu’a l’Europe de prospérer

Les actions européennes ont constamment sous-performé les actions américaines depuis fin 2007, lorsque deux grands courants ont pris de l’ampleur. Alors que l’effet d’entraînement de la digitalisation portée par les entreprises américaines commençait à porter ses fruits, l’Europe a été plus durement touchée par la Grande Récession de 2008 qui a conduit à des années d’austérité budgétaire et à une grave crise de l’euro. Quatorze ans plus tard, le monde est arrivé à la croisée des chemins. Suite aux tergiversations sur les émissions de carbone et le changement climatique qui ont duré des décennies en raison d’incitations économiques, le monde entier est obligé d’accélérer fortement sa décarbonisation. C’est à la fois une opportunité et un défi, non seulement pour les sociétés, mais aussi pour les investisseurs en actions.

Selon Peter Garnry, responsable de la stratégie actions chez Saxo Bank: «L’accès aux opportunités dans le secteur des technologies vertes est encore limité pour les investisseurs, cependant, de nombreuses nouvelles entreprises font leur entrée en bourse dans le but de lever des capitaux propres et de développer ces technologies. Nous avons réussi à trouver 40 entreprises européennes des technologies vertes qui offrent une exposition aux politiques de décarbonation de l’UE à l’horizon 2050. Les entreprises couvrent les secteurs de l’éolien, du solaire, de l’hydroélectricité, des piles à combustible, du bioplastique, des services de partage de véhicules électriques et des stations de recharge, ainsi que des matériaux recyclés, des matériaux d’isolation pour une meilleure efficacité énergétique des logements, de l’extraction d’uranium (en pariant que l’UE désignera l’énergie nucléaire comme technologie verte) et du stockage de l’énergie. Nous n’avons pas d’opinion et ne fournissons aucune recommandation d’investissement en faveur des entreprises de notre liste sur la décarbonation. Nous indiquons plutôt la différence en termes de pourcentage par rapport à l’objectif du cours du consensus actuel; les investisseurs peuvent alors appliquer leur propre «due dilligence». Il est important de noter que les actions de la transition écologique ont connu une forte volatilité cette année et qu’il s’agit donc d’un thème d’investissement à long terme, où les investisseurs doivent être patients et préparés.»

Les obligations seront le moteur de la révolution européenne

L’univers des obligations sera le moteur de la révolution européenne L’harmonisation des coûts de financement dans la zone euro et l’uniformisation de la politique fiscale seront les vecteurs essentiels d’une union monétaire fortement améliorée. Le changement sera accéléré par un nouveau gouvernement allemand et l’émission d’obligations à responsabilité communautaire dans le cadre du fonds Next Generation EU (NGEU).

«La révolution avait déjà commencé l’année dernière avec l’accord des États membres sur le fonds NGEU. Dans le cadre de ce programme, l’Union européenne émet des obligations à responsabilité commune financées par des taxes prélevées dans toute l’Europe à grande échelle. Le programme contribuera à une meilleure union monétaire en nivelant les conditions de financement dans l’ensemble de la zone euro. explique Althea Spinozzi, Stratégiste obligataire chez Saxo Bank.

Les élections allemandes vont accélérer le changement profond que le fonds NGEU va provoquer. D’après les derniers sondages, il semble très probable que les Verts feront partie, sinon dirigeront le prochain gouvernement allemand. La campagne des Verts est centrée sur la nécessité d’augmenter les dépenses fiscales et d’améliorer l’intégration européenne. Ces politiques se traduisent directement par une hausse des rendements du Bund et d’une compression des spreads dans l’ensemble de la zone euro.

Un nouveau paradigme va apparaître dans l’espace souverain européen avec une plus forte émission d’obligations vertes à responsabilité conjointe. Mais jusqu’aux élections allemandes, on peut s’attendre à ce que les souverains européens continuent à se comporter comme ils l’ont fait depuis le début de l’année. Ils resteront sensibles à la hausse des rendements du Trésor américain et aux pourparlers sur la réduction des mesures d’assouplissement quantitatif des deux côtés de l’Atlantique.

D’ici là, nous nous attendons à ce que la BCE maintienne son attitude dovish jusqu’à l’automne car la demande de titres souverains européens reste faible malgré un soutien continu. La dernière émission de Bund à 15 ans s’est soldée par un échec technique. L’agence financière allemande n’a alloué que 1,7 milliard d’euros sur les 2,5 milliards d’euros ciblés. Placer son argent dans des Bund à rendement proche de zéro est dangereux dans un environnement inflationniste. Les investisseurs sont également découragés par le rendement supérieur des Treasuries à 10 ans (couverts en EUR avec une avance de trois mois) sur la la plupart des titres souverains.

Dans ce contexte, il n’est pas viable pour la BCE de retirer son soutien car cela pourrait entraîner de graves problèmes au sein des opérations régulières de refinancement de la dette des pays. Par conséquent, la banque centrale attendra très probablement les élections allemandes avant de modifier sa politique monétaire.

Pourtant, la tendance à long terme des rendements du Bund est de continuer à augmenter avec le renforcement des perspectives économiques et les pressions inflationnistes. Par conséquent, bien que la BCE maintienne sa position conciliante, il est peu probable que les rendements restent négatifs à long terme.»

Un été tendu avant les élections en Allemagne

Alors que le troisième trimestre avance, l’attention se portera probablement de plus en plus vers le risque de récession post-stimulation américaine, même si une certaine détente des consommateurs pourrait contribuer à stimuler une croissance raisonnable, quoique ralentie, au cours du trimestre. Ainsi, dans l’attente de ce que nous considérons comme l'évènement macro-économique de l’année – les élections allemandes du 26 septembre –, nous nous demandons si le dollar américain ne va pas repartir à la hausse, et rester obstinément fort après un deuxième trimestre faible. En résumé, les détenteurs de dollar pourraient connaître une traversée du désert jusqu’au quatrième trimestre si les choses évoluent selon les prévisions. Pendant ce temps, au fur et à mesure que le quatrième trimestre approche, l’anticipation de nouvelles mesures de relance se renforcera aux États-Unis et bien plus encore en Europe.

«Au cours du troisième trimestre, l’Europe surveillera nerveusement les sondages allemands à l’approche des élections du 26 septembre. Ces élections marqueront la fin de l’ère Merkel et le commencement d’une nouvelle ère qui verra soit l’Europe se diriger lentement vers une nouvelle crise, soit l’Allemagne pleinement s’engager dans le projet européen, avec un programme commun axé sur le climat et une relance budgétaire massive. L’enjeu pour l’Europe est fondamental puisque le «péché originel» de l’Union Européenne demeure fermement ancré, à avoir le défi posé par une devise unique et une unique banque centrale, précise John Hardy, Directeur de la stratégie FX chez Saxo Bank.

Rétrospectivement, il est tout simplement remarquable que le dollar américain n’ait pas chuté plus qu’il ne l’a fait au cours des derniers mois. Nous bénéficions de liquidités en dollar US sans précédent grâce aux mesures de relance et au Trésor américain qui a rapidement réduit le solde de son compte à la Fed, supprimant les rendements du Trésor américain, étant donné que la liquidité cherche un refuge lorsque les banques ne veulent pas gonfler leurs bilans.

Le troisième trimestre ne verra probablement pas de nouvelles mesures d'aide ni d’autres aides pécuniaires, le budget des dépenses dans les infrastructures semblant rapetisser à chaque cycle de négociations bipartites depuis que Biden a essayé d’impressionner avec le programme pour les familles américaines et le plan pour l’emploi de plusieurs milliards de dollars.»

Le rallye des matières premières n’est pas terminé; et attention particulière au carbone

Malgré cinq trimestres consécutifs de hausse, le secteur des matières premières semble poursuivre sa progression au cours du troisième trimestre, mais à un rythme plus lent. Parallèlement, une campagne agressive de réduction des émissions de carbone entraînera la hausse du coût des émissions, accompagnée d'une plus grande volatilité et de périodes de corrections.

L’indice Bloomberg Commodity Spot a bondi de 75% depuis mars 2019 et a atteint son plus haut niveau en 10 ans. Les super-cycles se caractérisent par des périodes prolongées de décalages entre une demande en hausse et une offre peu flexible. Nous estimons que les développements distincts dans les trois secteurs continueront d'apporter un soutien. Le marché pétrolier sera soutenu par une une croissance mondiale synchronisée, au cours de laquelle l’OPEC+ pourra de plus en plus contrôler les cours, alors que sur le marché des métaux, la conjonction de dépenses accrues du gouvernement dans les infrastructures et la décarbonation stimuleront une forte demande, en particulier pour le cuivre et le fer.

D’après Ole Hansen, responsable de la stratégie sur les matières premières de Saxo Bank: «Nous sommes d'avis que la hausse de l’inflation risque de se prolonger plutôt que d’être simplement transitoire, ce qui va créer une demande continue des investisseurs qui cherchent à couvrir leurs portefeuilles. Compte tenu de notre approche globalement négative du dollar, les métaux précieux devraient continuer d'attirer la demande, en particulier si la hausse prévue des taux du Trésor fait obstacle à une hausse trop marquée des rendements. Bien que la hausse de la demande physique soit considérée comme la principale raison de la hausse continue des cours des matières premières, les flux d'investissement des gestionnaires d'actifs et des fonds de couverture apportent un soutien supplémentaire. Le système européen d'échange de quotas d'émissions (SEQE-UE) couvre approximativement 40% des émissions de gaz à effet de serre (GES) en Europe, via notamment les secteurs des équipements et de l’industrie. Au cours de l’année passée, et plus particulièrement depuis novembre, dès les premières annonces sur la vaccination et l’élection du président Joe Biden, le contrat à terme ICE-EUA, qui représente une tonne d'émissions de carbone, a connu une forte reprise pour atteindre le cours de 40 euros, soit 300% de plus que le cours moyen des cinq années précédentes. Les politiciens ont enfin compris que des mesures plus agressives sont impératives pour parvenir, d’ici 2030, à une réduction des émissions de 55% et à un niveau inférieur à celui de 1990. Dans cette optique, le coût des émissions va sans doute continuer de progresser. Compte tenu de la forte dynamique observée l'année passée, un plus grand nombre de spéculateurs sera intéressé, ce qui garantit quasiment une plus forte volatilité et de nouvelles périodes de corrections. Les prévisions indiquent cependant que, dans l’ensemble, le mouvement continuera à la hausse et pourrait atteindre un cours de 100 euros la tonne avant 2030.»

L’Europe sera-t-elle le nouveau pôle des actifs numériques?

D’importantes mesures ont été prises en Europe au cours de l’année passée pour participer à la transition numérique des actifs et des services de paiement, tout en étant à l’avant-garde du minage d’une cryptomonnaie «verte». L’objectif de l’Union Européenne («UE») est d’être le chef de file du secteur des actifs numériques, tant en termes d’innovation que d'adoption de la technologie. L’UE a néanmoins noté la menace grandissante que posent les cryptomonnaies envers l’autonomie des banques centrales.

Pour Anders Nysteen, analyste quantitatif de Saxo Bank: «Le scénario idéal pour l’UE serait de créer une réglementation unifiée pour tous les pays de l’UE qui permettrait de favoriser l’innovation technologique pour la transition numérique, tout en protégeant ses ressortissants par l’emploi d'actifs numériques et l’investissement dans ces actifs. La Banque centrale européenne (BCE) a envoyé un message clair au début du mois de juin 2021 en identifiant un risque important de stabilité si une banque centrale décide de ne pas offrir de monnaie numérique. De nombreux pays ont mis en place des projets pilotes, comme la Riksbank en Suède avec l’e-krona et la Bundesbank allemande par l’émission d'une obligation fédérale à dix ans utilisant cette nouvelle technologie. L’UE avance progressivement dans sa réglementation uniforme des actifs numériques et les cryptomonnaies sont globalement considérées comme légales dans l’Union Européenne, bien qu’il existe encore de nettes lacunes lorsqu’il s’agit de protéger les investisseurs et éviter les fraudes. Le Forfait finance et numérique vise à renforcer la résilience numérique dans le secteur financier en stimulant l’innovation et la concurrence en Europe, tout en réduisant la fragmentation du marché et en laissant les entreprises de cryptomonnaies réaliser leurs services dans l’ensemble de l’union. L’Islande a été un point névralgique du minage de cryptomonnaies en Europe grâce à ses sources d'énergies hydroélectrique et géothermique, le premier site de minage du Bitcoin y a été ouvert en 2014. La Norvège a depuis pris le relais en termes de puissance de minage ainsi que la Suède qui présente un potentiel comparable. Toutefois, le minage de cryptomonnaies est en concurrence avec d'autres industries pour l’obtention de la production excédentaire d'énergie renouvelable, comme «l’acier écoresponsable». Les pays nordiques ne représentant ensemble que 2% du pouvoir de minage mondial (taux de hachage). La commission européenne veut faire de l’Union Européenne le chef de file de la technologie blockchain, à la fois en tant qu’innovateur qu’en tant que facilitateur pour les sociétés et les applications blockchain. Si l’industrie des cryptomonnaies continue à progresser rapidement, les initiatives réglementaires de l’UE sont beaucoup plus limitées dans le temps et permettront, si elles sont mises en oeuvre, un pas de géant pour la réglementation des cryptomonnaies, ouvrant ainsi la voie à l’Europe pour qu’elle devienne une référence capable de fixer des normes suivies à l'échelle mondiale.»

L’ère des Verts

Au niveau fédéral, la campagne électorale en Allemagne bat son plein et le changement est en marche. Au mois de septembre, une potentielle victoire du parti Vert ou une forte participation au gouvernement offrira la capacité de façonner radicalement le programme politique allemand et européen dans les années à venir, selon des critères environnementaux et économiques. Elle laisse présager l’émergence d’une nouvelle génération, désireuse d’atténuer les effets du changement climatique et à réduire les émissions dans une optique d’égalité et de justice sociale.

«Une forte participation au gouvernement avec pour scénario de base un appel à un gouvernement noir-vert, ou une victoire potentielle qui ferait d’Annalena Baerbock la première Chancelière Verte, serait un tournant historique pour l’Allemagne, selon Eleanor Creagh, Stratège marchés chez Saxo Bank. Et en quoi cela affecte-t-il les marchés? Le poids électoral des Verts devrait leur permettre d’être les précurseurs d’un certain nombre de changements structurels. Parmi les priorités politiques, figurent des engagements de réduction, d’ici 2030, de 70% des gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990, moyennant la suppression progressive des centrales au charbon, l’accélération de la transition vers les énergies renouvelables de l’Allemagne, les investissements dans des infrastructures écologiques et l'autorisation des seules voitures à zéro émission à partir de 2030.»

Les Verts sont clairement mondialistes et pro-Europe, leur but est d’étendre l’influence de l’UE en tant qu’«acteur mondial», tout en favorisant une intégration plus étroite dans l’Union Européenne et un état plus fort en augmentant les dépenses et mettant ainsi au défi l’orthodoxie budgétaire allemande. Ils sont en faveur d’une révision du «frein à l’endettement» constitutionnel allemand, qui limite le déficit structurel fédéral à 0,03% du PIB et d’une intensification des investissements à concurrence de 50 milliards d'euros par an.

Les Verts soutiennent un pouvoir européen centralisé et la fédéralisation de l’Europe, une mutation qui devrait précipiter le basculement des politiques post-pandémie vers la domination fiscale et, dans le cas de l’Europe, une politique budgétaire commune. Cela pourrait, au fil du temps, mettre en branle une future union fiscale issue du fonds de relance post-pandémie de l’Union Européenne, soulignant les incitations visant à donner la priorité à des objectifs sociaux généralisés et à la distribution des revenus et des richesses via des politiques fiscales avec, en parallèle, la transition écologique. Cette approche n’a rien à voir avec l’austérité des dernières années qui s’est avérée cruciale pour une croissance plus lente et restreinte, ce qui pourrait éventuellement être le signe d'une nouvelle ère pour l’Europe.»

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