Une lecture de la dette record des entreprises françaises

S&P Global Ratings

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La dette des entreprises françaises représente 175 % du PIB, alors que celle des autres entreprises européennes a diminué.

L'endettement des entreprises françaises ne cesse d'augmenter depuis la crise de 2008, contrairement à celui de leurs consœurs européennes.  Mi-2018, cette dette dépassait 4000 milliards d'euros, soit près de 175 % du PIB français.  Net des prêts intragroupes, cet endettement était toutefois inférieur à 90% du PIB (fin 2017)1.

A ce stade, S&P Global Ratings ne considère pas cela comme alarmant, au regard des stratégies d'investissement mondiales des entreprises françaises. Ces dernières n’ont pas seulement bénéficié de financements à faibles coûts pour constituer de solides réserves de liquidités et investir en France. Elles ont également obtenu des rendements plus élevés à l'étranger, tirant parti d'une monnaie internationale pour y investir dans des actifs à haut rendement. Les stratégies d'investissement des entreprises françaises s’apparentent de plus en plus au capital-risque et s’avèrent payantes. Les investissements français à l'étranger rapportent plus que les investissements étrangers en France, et font plus que compenser le déficit commercial du pays.

Certes, la hausse des coûts d'emprunt finira par tester la solidité des entreprises endettées. Mais la baisse du ratio paiements d'intérêts/valeur ajoutée brute, ainsi que l'allongement des maturités, suggèrent des défauts de paiement limités si les taux d'intérêt augmentent progressivement. Néanmoins, les stratégies d'investissement des entreprises françaises à l'étranger les exposent aux évolutions de l'environnement extérieur (écarts de taux d'intérêt, fluctuations des taux de change).

Le cas des entreprises que nous notons conforte notre constat macroéconomique. L'augmentation de leur endettement est principalement le fait des multinationales françaises et des entreprises publiques. Elles ont utilisé les liquidités levées pour réaliser des fusions et acquisitions, financer leurs besoins d'investissement (capex) ou des acquisitions futures, ou encore repousser d’éventuelles tentatives de reprise. Pour l’heure, les coûts de détention de ces liquidités sont faibles.

Les banques ont joué un rôle clé dans la croissance du crédit aux entreprises françaises, par une offre de taux d'intérêt bas aux entreprises de toutes tailles. Certes, une accumulation de dette bien plus rapide que la croissance du PIB français n’est pas soutenable dans le temps, mais nous ne voyons pas dans l’immédiat de risque de bulle de crédit pour les banques françaises. Leurs activités sont diversifiées, leurs actifs de qualité et les risques de concentrations sont finalement bien gérés. Cela étant, la  tarification des prêts par les banques dans un marché compétitif est très clairement à l’avantage des emprunteurs, et reste un point de vigilance. L’augmentation depuis fin 2018 du coût du financement obligataire ne s’est pas encore traduite par un mouvement similaire dans la tarification du crédit bancaire. Si ce décalage persistait, cela pourrait signifier une mauvaise appréciation dans le temps des risques et de la rentabilité de ces nouveaux crédits par les banques.

Finalement, notre analyse suggère qu'il est peu probable que la dynamique de l'augmentation de la dette des entreprises ait dans un avenir proche une incidence sur la notation souveraine de la France ("AA").  En effet, la croissance économique du pays n’est pas selon nous alimentée par le crédit, et la situation du pays sur le plan de la dette extérieure n’est pas problématique. Certes, la prise en charge par l’Etat de la dette de certaines entreprises publiques (dont récemment celle de SNCF Réseau) s'est traduite par une augmentation du ratio dette publique nette/PIB. Néanmoins, nous estimons actuellement que ce ratio devrait demeurer relativement stable au cours des prochaines années, bien qu'à un niveau légèrement plus élevé.

 

1 Données BCE, et Eurostat pour la dette consolidée.

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