Une courbe des taux alarmante aux Etats-Unis?

Marc Brütsch, Swiss Life Asset Managers

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Même si l’on parle beaucoup de l’inversion de la courbe des taux américaine, le risque de récession nous semble toujours faible.

© Keystone

Ces dernières semaines, l’actualité économique était dominée non par les publications conjoncturelles mais par l’inversion de la courbe des taux américaine. Pour la première fois depuis la crise financière, le rendement des bons du Trésor à 10 ans est passé en dessous de celui des titres à trois mois. Cette inversion, mais aussi les valorisations actuelles du marché monétaire, indiquent que les investisseurs s’attendent à une baisse des taux directeurs dans les deux ans, ce qui implique une récession, ou du moins un sérieux ralentissement de l’économie. De fait, l’inversion de la courbe a souvent annoncé une récession. Si nombre d’analystes soulignent que l’intervention massive des banques centrales sur le marché obligataire peut déformer le signal, nous conseillons de le prendre au sérieux. Rappelons toutefois deux décalages importants : durant les deux derniers cycles, deux ans et demi s’étaient écoulés entre la première inversion et le début de la récession, avec une solide croissance de l’économie et des cours des actions entre-temps. Et contrairement aux deux derniers cycles, la Fed semble consciente du risque et a annoncé une pause (la fin, selon nous) dans son cycle de hausse des taux, qui pourrait prolonger l’expansion encore davantage, comme l’atteste le léger relèvement de nos prévisions de PIB 2020 de 1,5% à 1,8%. Le risque de récession à court terme nous semble donc faible, en ligne avec les chiffres récents qui dénotent une activité soutenue et un bon moral des entreprises et les ménages.

La livre a peu de chances de retomber d’ici à la fin de l’année,
ce qui permettra de maîtriser les prix des importations.

Quoique l’inflation ait dernièrement surpris à la baisse, nous conservons notre prévision un peu supérieure au consensus de 1,9% pour 2019. La forte hausse des cours du pétrole n’a en effet pas encore affecté les statistiques des prix et l’inflation sous-jacente était bridée par des facteurs spécifiques (chute des prix des vêtements et des voitures d’occasion) sans doute temporaires.

Splendide isolement… temporaire au Royaume-Uni

Contrairement aux autres régions, les dynamiques économiques du Royaume-Uni n’ont pas faibli depuis début 2019. Les estimations mensuelles de PIB jusqu’en févier suggèrent une croissance de 0,3% au premier trimestre, un peu plus soutenue qu’au dernier trimestre 2018. Les derniers chiffres sont bons pour tous les secteurs, des ventes de détail à l’industrie, comme l’atteste toujours le raffermissement du marché du travail. A première vue, tout cela peut surprendre au vu de l’angoisse liée au Brexit. Or, il semblerait que ce dernier préserve l’économie britannique des difficultés du cycle mondial, qui pèsent sur les pays exportateurs européens. Ce bienfait pourrait toutefois se révéler temporaire: l’indice des directeurs d’achats montre que les stocks d’achats des entreprises manufacturières auraient atteint des sommets au premier trimestre en raison des mesures d’urgence pour parer à l’éventualité d’un Brexit «dur». Le plus probable sera selon nous un retournement au cours des prochains mois, qui modérera les dynamiques de l’activité manufacturière.

Le risque d’un Brexit sans accord nous semble toujours mineur, ce qui signifie que la livre a peu de chances de retomber d’ici à la fin de l’année, ce qui permettra de maîtriser les prix des importations. Ces trois derniers mois, nous avions surestimé les tendances de l’inflation totale. L’appréciation de la livre depuis le début de l’année, mais aussi la faculté limitée d’augmentation des prix dans la distribution sur fond d’incertitudes liées au Brexit pourraient expliquer la faible pression inflationniste en 2019. Avec la remontée des prix de l’énergie, l’inflation totale devrait tout juste dépasser 2% d’ici au milieu de l’année. Comme ailleurs, les chiffres de mars et d’avril seront déformés, la date tardive de Pâques devant se traduire par une inflation relativement faible en mars, suivie de fortes hausses de prix pour certaines prestations touristiques en avril.

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