Une correction excessive, mais pas terminée

Philippe G. Müller, UBS

3 minutes de lecture

Les actions surmonteront probablement cette période mouvementée. Il peut valoir la peine de continuer à les surpondérer modestement.

Sur les principaux marchés des actions, les Etats-Unis ont été cette année les champions du monde. Alors que l'indice S&P 500 est désormais sous pression (-9% depuis son sommet de début octobre), s'agit-il d'une réédition de la correction intervenue en janvier qui, au final, s'est avérée ponctuelle? Ou le début de quelque chose de plus sérieux? En d'autres termes, la correction est-elle excessive ou est-ce la fin du marché haussier? A l’analyse, la première hypothèse semble la plus plausible.

Les deux corrections des marchés des actions intervenues cette année présentent des similitudes. Tout d'abord, elles ont été déclenchées par la hausse des rendements obligataires alimentée par les bonnes statistiques de l'économie américaine. Ces chiffres ont amené les investisseurs à redouter un resserrement plus rapide de la politique de la Réserve fédérale américaine. 

Les explications données la semaine dernière dans ces mêmes colonnes ont souligné pourquoi il paraît peu probable que la hausse des rendements obligataires suffise à faire dérailler le marché haussier des actions. Néanmoins, ce mois-ci, le repli des actions n'est pas uniquement imputable à la hausse des rendements. En janvier, les investisseurs s'inquiétaient de la vigueur de la croissance, supérieure à la tendance. A présent, ils redoutent l'impact du ralentissement de la croissance sur les actions.

La modération de la croissance
n'implique pas nécessairement la fin du marché haussier.

A la différence du premier semestre, les résultats publiés pour le troisième trimestre montrent que certaines entreprises américaines sont confrontées à un fléchissement de l'activité dans certains pans de l'économie mondiale. Notamment sur les marchés automobiles en Europe et en Chine et sur certains marchés industriels au cycle plus court. La performance des différents secteurs met également en évidence la crainte d'un ralentissement de la croissance. 

Lors de la correction intervenue en janvier, les valeurs cycliques de l'indice MSCI USA ont chuté de 9,7%, contre 10,8% pour les valeurs défensives. En revanche, depuis le pic du 3 octobre, les valeurs cycliques ont cédé 10,8%, contre seulement 6% pour les valeurs défensives.

La croissance économique devrait effectivement ralentir. La semaine dernière, la première estimation de la croissance du PIB des Etats-Unis au troisième trimestre est ressortie à 3,5% en rythme annualisé, en baisse par rapport aux 4,2% enregistrés au deuxième trimestre. Sur l'ensemble de l'année, UBS prévoit une croissance de 2,8%, qui fléchira à 2,3% l'an prochain. Néanmoins, la modération de la croissance n'implique pas nécessairement la fin du marché haussier.

Dans l'ensemble, la croissance des bénéfices reste solide

A mi-chemin de la saison des résultats du troisième trimestre, la croissance des bénéfices s'annonce dans une fourchette de 23 à 24% et celle des chiffres d'affaires de 7 à 8%. 84% des entreprises ont annoncé des bénéfices supérieurs aux attentes. Partant d’une base élevée, les bénéfices de l'indice S&P 500 vont subir l’impact des nouveaux droits de douane. 

L'an prochain, UBS table sur une croissance de 4%, un taux inférieur à la prévision bottom-up du consensus (+10%) et à la prévision top-down (+6%). Toutefois, après la récente baisse de l'indice S&P 500, les ratios cours/bénéfices basés sur les prévisions inférieures au consensus sont tombés non loin de leur niveau moyen de 16,3 sur les cinq dernières années.

Les indicateurs avancés de la croissance
des bénéfices sont également porteurs. 

Lors des deux premiers trimestres 2018, les investissements des entreprises aux Etats-Unis ont progressé de plus de 20%. Selon l'enquête de la Fed auprès des responsables de crédit, les banques continuent d'assouplir leurs conditions de crédit malgré le tour de vis donné par la Banque centrale. L'assouplissement des conditions de crédit est généralement suivi d'une croissance du bénéfice par action des entreprises.

Les mesures de relance en Chine n'ont pas encore fait sentir leurs effets 

Au troisième trimestre, l'économie chinoise a enregistré une croissance de 6,5% en glissement annuel, au plus bas depuis 2009 lors de la crise financière mondiale. Ce ralentissement a incité les autorités chinoises à infléchir leur politique économique pour la rendre plus accommodante. 

Cette année, la Banque centrale chinoise a déjà réduit le coefficient de réserves obligatoires imposé aux banques de 250 points de base et le gouvernement a autorisé les collectivités territoriales à émettre des obligations pour financer des projets d'infrastructure. Les récentes interventions de l'Etat sont remarquables par leur coordination et leur nature ciblée. 

Les valorisations semblent relativement intéressantes en Chine continentale.

En effet, les mesures prises sont concentrées, axées sur les pans de l'économie qui connaissent davantage de difficultés (le secteur privé et les PME). Ces mesures n'ont pas encore abouti à un redressement des indicateurs économiques, mais devraient commencer à faire sentir leurs effets dans les mois à venir. 

Les cours des actions chinoises reflètent déjà ce ralentissement. Les valorisations semblent relativement intéressantes en Chine continentale, avec un ratio cours/bénéfices de 11x prévus dans douze mois, inférieur à sa moyenne de 12x depuis 2011.

Une correction qui ne marque pas la fin du marché haussier

Ces facteurs mis bout à bout suggèrent que la correction actuelle ne marque pas la fin du marché haussier. Les fondamentaux de l'économie et des entreprises demeurent solides. C'est la dynamique qui est devenue négative. 

Un nouvel accès de volatilité à court terme ne saurait être exclu, mais il est probable que les actions surmonteront cette période mouvementée. Il peut dès lors être judicieux de continuer à surpondérer modestement les actions mondiales. 

Il serait envisageable d'accroître son exposition en cas de redressement des indicateurs économiques en Chine et dans le reste du monde et de catalyseurs favorables, comme un apaisement des tensions commerciales à l'issue du sommet du mois de novembre entre le président Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping.

A lire aussi...