Un accord commercial provisoire n'est pas la panacée

Philippe G. Müller, UBS

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La conclusion d'un accord provisoire entre les Etats-Unis et la Chine éliminerait une source de risque baissier.

© Keystone

Le président des Etats-Unis, Donald Trump, semble désormais davantage disposé à se contenter d'un accord partiel et – sous réserve que ce dernier repose sur le «respect mutuel» – la Chine pourrait l'accepter. Cela impliquerait certainement des mécanismes d'application bilatéraux et une réciprocité dans des domaines tels que la propriété intellectuelle et l'accès au marché.

Néanmoins, même si un accord provisoire ferait retomber temporairement les tensions commerciales, il n'est pas certain que cela suffise à calmer l'inquiétude suscitée par les frictions géopolitiques, la conjoncture économique, les résultats d'entreprises et le contexte politique.

Scepticisme sur l’accord commercial

Selon Donald Trump, la Chine s'est engagée à acheter 40 à 50 milliards de dollars de produits agricoles aux Etats-Unis, mais ce montant semble irréaliste. En effet, les exportations américaines vers la Chine ont culminé à seulement 26 milliards de dollars en 2012, alors qu'à l'époque les cours des produits agricoles étaient nettement plus élevés. Si jamais la Chine ne respecte pas ses engagements, la situation pourrait, dans la foulée, à nouveau s'envenimer.

L'incertitude sur le front du commerce
pèse sur l'investissement des entreprises.
Statistiques économiques en demi-teinte

L'incertitude sur le front du commerce pèse sur l'investissement des entreprises tandis que la consommation des ménages résiste bien. Récemment, il y a eu des premiers signes de stabilisation des dépenses d'investissement. Selon la Recherche d’UBS, ces dernières sont déjà tombées aux niveaux exigés par les impératifs de maintenance, ce qui suggère que le potentiel de baisse est désormais limité.

La croissance des dépenses d'investissement dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) est tombée d'un taux annuel de 5% à la mi-2017 à moins de 1% au premier trimestre 2019. Au deuxième trimestre (le dernier pour lequel des données sont disponibles), elle est néanmoins ressortie en hausse.

Cela dit, le chiffre des commandes de biens durables et d'équipement aux Etats-Unis en septembre, publié la semaine dernière, a mis en évidence une poursuite du déclin. Il est donc prématuré de tabler sur un vif rebond de l'investissement des entreprises, d'autant que les tensions sont susceptibles de resurgir.

Les indicateurs relatifs aux ménages et à l'emploi publiés dernièrement sont moins encourageants. En septembre, les ventes de détail aux Etats-Unis sont ressorties, contrairement aux attentes, en baisse pour la première fois depuis sept mois. Par ailleurs, la composante emploi de l'indice ISM non manufacturier est tombée à son plus bas niveau depuis 2014.

Les analystes sont peut-être trop optimistes quant à la croissance
des bénéfices dans les marchés émergents et dans la zone euro.
Résultats des entreprises probablement décevants

En 2020, à l'échelle mondiale, les bénéfices devraient rebondir. Le consensus table sur une croissance d'environ 10%. Les résultats des entreprises américaines ne devraient pas décevoir. Même si, la croissance du bénéfice par action (BPA) aux Etats-Unis devait probablement se limiter à 5% l'an prochain (contre 10% selon le consensus), cet écart est proche de la normale dans la mesure où les estimations «bottom-up» ont tendance à être revues à la baisse au fil des mois.

Au Japon, on peut tabler sur une croissance du BPA de 1%, tandis que le marché prévoit 6%. Mais, là encore, cet écart est relativement faible. Toutefois, les analystes sont peut-être trop optimistes quant à la croissance des bénéfices dans les marchés émergents et dans la zone euro.

C'est dans cette dernière que l'écart entre les estimations d’UBS et celles du consensus est le plus important: ici, on table sur une contraction du BPA de 3% en 2020, alors que le consensus anticipe une croissance de 10,5%. S'agissant des marchés émergents, une croissance du BPA de 6,5% est attendue l'an prochain, contre 14,1% selon le consensus.

Perspectives d’expansion économique modeste

Il y a toujours bon espoir que les politiques monétaires des banques centrales continueront de limiter le risque de récession aux Etats-Unis ou à l'échelle mondiale, mais aussi le risque d'une correction majeure des actifs risqués.

Néanmoins, quand bien même le président sortant de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, (entre autres personnalités) a plaidé pour une politique budgétaire plus expansionniste, il est difficile de croire en la capacité des responsables politiques à agir de manière préventive pour stimuler la croissance économique ou les cours des actifs risqués.

Mieux vaut se focaliser sur le rendement
plutôt que sur les plus-values.

Dans la zone euro, les Etats ont toujours les mains liées par les règles budgétaires. Aux Etats-Unis, le Congrès mettra son veto à de nouvelles mesures budgétaires pendant au moins une année encore. Enfin, la Chine devrait rester focalisée sur le risque lié à la hausse de sa dette.

Après une belle année pour les portefeuilles équilibrés, la prudence est de mise quant à l'évolution des valorisations, de la croissance économique et de la situation géopolitique. Il est fort possible que les actions finissent par sortir par le haut de la fourchette dans laquelle elles évoluent depuis six mois.

Par exemple, en cas de bonne surprise sur le front des relations commerciales sino-américaines qui verrait notamment la suspension sine die du relèvement des droits de douane prévu en décembre. Idem en cas de rebond plus net que prévu de l'activité manufacturière.

Mais dans l'ensemble, mieux vaut se focaliser sur le rendement plutôt que sur les plus-values. Une légère sous-pondération des actions dans leur ensemble, avec une surpondération des Etats-Unis et du Japon au détriment de la zone euro est à maintenir. Ces choix reflètent les prévisions de la Recherche d’UBS quant à l'évolution des bénéfices dans ces économies. Dans les marchés émergents, il est conseillé de privilégier les obligations souveraines libellées en dollar US aux actions.

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