Un équilibre précaire sur les marchés

Axel Botte, Ostrum AM

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Pas de bouleversement après les élections européennes. La prudence prévaut sur les actions.

©Keystone

Les élections européennes, la démission annoncée de Theresa May et le conflit commercial entre la Chine et les Etats-Unis continuent de figer les marchés. L’issue des élections ne dessine pas de changement majeur. Le Bund et le T-note s’échangent autour de -0,10% et 2,30%. Le Gilt a cassé le seuil de 1%. Les points morts d’inflation se compriment avec la rechute de l’or noir et les flux se repliant vers l’actif sans risque.  

Les spreads périphériques se sont légèrement détendus la semaine passée et les marchés d’actions étaient en légère baisse. Le S&P abandonne un peu plus d’1% sur cinq séances.  

La démission de Theresa May a favorisé les vendeurs.

Les marchés du crédit ont sous-performé l’emprunt allemand sans risque. Le spread dur l’IG euro ressort à 125pb. Le high yield s’avère plus résilient autour de 400pb avec un écartement de seulement 3pb sur la semaine. L’iTraxx XO se rapproche du niveau de 300pb. Le marché du crédit subit quelques flux sortants sur la classe d’actifs.  

Enfin, le sterling s’est déprécié vers 1,26 dollar. La démission de Theresa May a favorisé les vendeurs. La volatilité a disparu sur l’euro figé à 1,12 dollar.

Le graphique de la semaine
L’offensive de Donald Trump contre la Chine a laissé des traces sur les marchés d’actions américaines. 
Si la baisse du S&P500 est limitée à 4% depuis le sommet de début mai, les sociétés les plus exposées à l’international en termes de chiffres d’affaires sous-performent nettement les entreprises dont l’activité est centrée sur les Etats-Unis. La sous-performance est de 7% depuis mi-avril. 
La décote des entreprises les plus pénalisées par la guerre commerciale atteint 1,5 point de PER par rapport au marché.
Pas de bouleversement après les européennes 

Le paysage politique européen a été source de volatilité depuis quelque temps. L’issue des élections européennes ne modifie pas les grands équilibres, même si le PPE et les socio-démocrates ont perdu la majorité absolue au Parlement européen. Les verts et l’extrême droite se renforcent. La lecture des résultats britanniques est incertaine. Le Parti du Brexit arrive largement en tête, mais la rupture avec l’UE rassemble-t-elle une majorité? Après de multiples échecs à faire voter son projet d’accord de sortie, Theresa May a annoncé son départ le 7 juin prochain. May gèrera les affaires courantes jusqu’à la désignation de son successeur. Cette situation renforce à la fois la probabilité d’une sortie sans accord et celle d’une prolongation de l’indécision actuelle pouvant déboucher sur un second référendum. En Italie, la Lega s’installe comme le premier parti alors que le M5S perd du terrain y compris vis-à-vis du Parti démocrate. Des élections anticipées pourraient se tenir dès septembre en cas de désaccord au sein de la coalition gouvernementale. Une nouvelle confrontation avec la Commission Européenne sur la question budgétaire pourrait ainsi précipiter un nouveau scrutin en Italie. 

On redoute un embargo chinois sur les terres rares.

Au sujet du conflit commercial sino-américain, on n’observe aucune amélioration. Donald Trump se contente d’indiquer que Huawei, placée sur une liste noire d’entreprises interdites d’achats de technologie américaine, pourrait faire partie de l’accord. Les autorités chinoises n’ont pas encore répondu à l’offensive de Donald Trump. On redoute un embargo chinois sur les terres rares alors que les ventes de semi-conducteurs s’effondrent depuis six mois.  

Correction limitée sur le S&P 

Sur les marchés financiers, l’accalmie prévaut néanmoins. Les places de Londres et de New York étant fermées lundi, les volumes d’échange étaient réduits. La volatilité des actions a diminué pour s’établir à seulement 15% aux Etats-Unis (VIX). Le S&P traite environ 4,2% sous ses sommets du début du mois. Le marché reste toujours soutenu par les rachats d’actions qui s’élèvent à quelque 200 milliards de dollars par trimestre. Les investisseurs finaux restent pourtant largement vendeurs d’actions américaines mais les enquêtes indiquent des sorties limitées à 70 milliards de dollars en 2019. L’effet des rachats est donc beaucoup plus fort que les flux finaux vendeurs. La guerre commerciale réduit néanmoins la performance boursière des sociétés les plus exposées à l’international. Le recul des enquêtes manufacturières (PMI à 50,6 en mai) constitue un rappel brutal de l’effet des restrictions sur le commerce sur les grandes entreprises. Les services publics font naturellement figure de valeur refuge face à la chute de la technologie et des valeurs cycliques. L’énergie subit la baisse du brut sous 60 dollars après la publication des stocks américains en milieu de semaine. La correction limitée des indices boursiers se justifie aussi par l’anticipation de baisses des taux. Le marché intègre deux allégements de 25pb dans l’année à venir. Il est probable que la Fed craquera en cas de nouvel accès de faiblesse des marchés. L’inflation servira de prétexte mais la menace le plus prégnante concerne les tensions sur la liquidité des acteurs non bancaires du marché du crédit. Le consensus haussier sur le T-note (2,32%) est fragile compte tenu de la situation de portage négatif. Cela étant, les données pointent un ralentissement marqué au 2t 2019 entretenant ainsi la demande d’actif sans risque. Il convient de maintenir une surexposition en sensibilité sur les taux américains et un positionnement à l’élargissement du spread 10-30 ans. Ces flux compriment aussi les points morts d’inflation (177pb à 10 ans) par ailleurs réduits par la chute du pétrole. Cette classe d’actifs pourtant décotée reste boudée par les investisseurs.  

Les ressources de base et l’énergie décrochent en Europe.

En Europe, les actions subissent toujours des sorties nettes. Les ressources de base et l’énergie décrochent en Europe. L’automobile réagit timidement aux annonces de consolidation du secteur en raison de la menace de tarifs douaniers américains. Les petites capitalisations affichent aussi un léger retard de performance depuis le début de l’année. Les valorisations restent un soutien aux actions. Les PER 2020 se situent entre 12 et 13x avec un rendement des dividendes proche de 3,5%. Les risques conjoncturels sont sans doute un frein d’autant que le rebond probable de l’euro au second semestre (valorisation, fin de la réduction du bilan de la Fed) pourrait peser sur les résultats. Il manque un catalyseur à une nouvelle hausse des actions. Le risque politique italien reste l’une des principales préoccupations. Le déficit prévu pour 2020 par la Commission Européenne (3,5%) pourrait aboutir à une amende en absence de mesures correctives, comme une hausse de TVA. Le spread italien reste le plus volatile (280pb à 10 ans) même si les maturités courtes (2 ans) seront protégées par les prochains TLTROs. L’Espagne (95pb à 10 ans) et le Portugal (110pb) continuent en revanche de se resserrer face au Bund. Fitch a relevé à positive la perspective de notation au Portugal (BBB). Les PGBs sont toutefois chères par rapport aux Bonos sur les maturités inferieures à 5 ans.

Sur les marchés du crédit, l’équilibre des flux est devenu moins favorable depuis quelques semaines. Les spreads IG euro ressortent à 125pb. Le high yield résiste davantage cette semaine et se maintient autour de 400pb contre Bund. Les indices synthétiques corrigent cependant. L’iTraxx Crossover traite au-delà de 290pb, ce qui pourrait préfigurer un élargissement des spreads sur le marché des obligations privées.  

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