Trouver le prochain Google?

Yves Hulmann

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Selon Carmine de Franco d’Ossiam, la sélection systématique des secteurs les moins chers a permis d’obtenir une surperformance d’environ 3% par an comparé au benchmark.

A mi-parcours de l’exercice 2023, beaucoup d’investisseurs s’interrogent à propos des titres ou secteurs qui seront susceptibles d’offrir le meilleur potentiel durant la seconde moitié de l’année. Comme le rappelle toutefois Carmine de Franco, responsable de la recherche chez Ossiam, tenter de générer une performance supérieure à l’indice de référence en sélectionnant des titres de façon individuelle est le plus souvent voué à l’échec. «Au bout de cinq ans, les stratégies de gestion active ont 80% de chances de faire moins bien que l’indice de référence», rappelle l’expert qui s’exprimait lors d’une présentation à Genève en juin. Selon l’expert, aussi bien la gestion passive – en raison de la surexposition à certains secteurs qu’elle implique –, que la gestion active – à cause de la difficulté à générer une surperformance par rapport à l’indice –, présentent toutefois également des inconvénients. La gestion factorielle représente à cet égard une alternative.

Un modèle basé sur les travaux du professeur Robert Shiller

Au lieu d’essayer d’identifier la prochaine société ou tendance qui sortira du lot, le responsable de la recherche d’Ossiam pense qu’il y a davantage de chance de générer de l’alpha, soit une surperformance par rapport à celle du marché, en procédant à des rotations sectorielles au moment opportun. Pour évaluer quels secteurs ou styles d’investissement sont les plus attrayants à un moment donné, Ossiam, en coopération avec le professeur Shiller et Barclays, a mis sur pied une stratégie d’investissement qui offre une exposition aux actions américaines au travers des secteurs. Celle-ci se base sur les travaux réalisés par le professeur de finance Robert Shiller, prix Nobel d’économie en 2013 avec Eugene Fama et Lars Peter Hansen. La sélection des secteurs est effectuée à partir du concept de ratio cours/bénéfice ajusté des cycles, ou «Cyclically Adjusted Price-to-Earnings (CAPE) ratio», tel qu’il a été conçu et développé ultérieurement par le professeur américain.

Tenter de générer une performance supérieure à l’indice de référence en sélectionnant des titres de façon individuelle est le plus souvent voué à l’échec.
Evaluer la cherté d’un secteur dans sa perspective historique

«Plutôt que chercher à savoir qui sera le prochain Amazon, Google ou Nvidia, il vaut peut-être mieux la peine de s’interroger sur les facteurs qui sont les plus déterminants pour la performance obtenue dans un secteur donné. Et on va tenter de le faire avec le modèle de Shiller», poursuit-il. Un des avantages de ce modèle est précisément qu’il analyse la capacité d’un secteur à générer des bénéfices sur la durée, pas uniquement à un instant donné. «Les bénéfices sont évalués d’après leur moyenne sur dix ans, pas seulement sur un an. Cela permet de mieux apprécier comment un secteur évolue et comment le marché des actions va fonctionner sur la durée», ajoute-t-il.

Un autre aspect clé du modèle développé par Shiller est le «relative CAPE»: l'indicateur CAPE relatif est le rapport entre le ratio CAPE actuel d'un secteur et sa moyenne historique sur une période de vingt ans. «Ce ratio permet d’évaluer si un secteur est cher ou non par rapport à sa propre cherté historique», résume Carmine de Franco.

Identifier le moment opportun pour entrer ou sortir d’un secteur

Pratiquement, quel est l’usage qui peut être fait de cette approche? Le responsable évoque par exemple la situation des valeurs technologiques il y a un peu plus dix ans. «A partir de 2012, on a constaté que le secteur de la technologie n’était pas cher par rapport à sa propre valorisation historique. On a donc augmenté sa part au cours des années qui ont suivi», illustre-t-il. Autre exemple plus récent: «Au deuxième trimestre 2020, le modèle indiquait qu’il valait mieux sortir des secteurs de la technologie et de la santé. Cela nous paraissait difficile à croire. Pourtant, au final, le modèle avait quand même raison. Nous sommes sortis de ces secteurs pour n’y revenir qu’en octobre 2022», relate-t-il.

3% de mieux par an que l’indice

Au final, quelle est la performance additionnelle qui peut être espérée en appliquant le modèle CAPE? «Le fait de sélectionner systématiquement les secteurs les moins chers nous a permis d’obtenir une performance additionnelle d’environ 3% supplémentaire par rapport à l’indice de référence», estime le responsable de la recherche. «Si l’on prend l’exemple du S&P 500, on a obtenu assez régulièrement la performance de l’indice, plus environ 3% sur les dix dernières années», observe-t-il.

Pourrait-on utiliser la même grille d’analyse pour comparer les marchés de différents pays plutôt que seulement des secteurs? Carmine de Franco se montre plus réservé à ce sujet: «Je crois beaucoup à la théorie du retour à la moyenne pour les secteurs. S’agissant de pays, utiliser un tel modèle pour comparer entre eux différents marchés ne me paraît pas aussi évident», met-il en perspective.

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