Trouver le point d’équilibre

James Beaumont, Natixis Investment Managers

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S’attaquer à l’inflation liée à l'offre en resserrant les conditions financières serait contre-productif.

© Keystone

L'inflation américaine a, une fois de plus, augmenté en janvier avec un indice global et un indice de référence qui ont respectivement bondi de 7,5% et de 6% en glissement annuel. Si les acteurs du marché sont inquiets de ces chiffres, qui sont les plus élevés depuis 1982, il y a de fortes chances qu’il s’agisse là des effets à retardement de la pandémie.

Hausse des prix et des salaires

Bien que la consommation de biens durables ait ralenti récemment, elle reste sensiblement supérieure à sa tendance prépandémique, ce qui maintient la pression sur les chaînes d'approvisionnement. Cette forte demande en biens devrait continuer à diminuer à mesure que les restrictions et les craintes liées au Covid s'atténuent, entraînant une reprise de la consommation de services. Le Bureau fédéral des statistiques du travail a, par ailleurs, décidé de ne pas tenir compte des modèles de dépenses atypiques de la pandémie dans sa révision biannuelle de la pondération des différentes catégories de dépenses de l’indice américain des prix à la consommation. Une décision qui a probablement accru la pertinence des prix des biens. Tout ceci laisse présager un ralentissement de l'inflation dès que les effets de base commenceront à se faire

Même si une spirale salaires-prix est peu probable, les risques d'une flambée de l’inflation causée par une hausse des salaires ont augmenté en raison de la vigueur et de la tension des marchés du travail. Selon le dernier rapport sur l’emploi aux Etats-Unis, les salaires ont augmenté de 5,7% en glissement annuel en janvier. Et, si l’évolution salariale en Europe n’est pas encore évidente, un nombre croissant d'entreprises font déjà état de difficultés de recrutement. En outre, plus les prix de l'énergie restent élevés, un facteur auquel les ménages européens sont particulièrement sensibles, plus ils sont susceptibles de déclencher de nouveaux effets secondaires qui pourraient, eux, impacter la demande. La politique monétaire aurait, dans ce cas, un rôle plus important à jouer. La réaction des banques centrales devrait cependant considérablement varier selon les régions.

Il est fort probable que le nombre de relèvements effectivement mis en œuvre en 2022 soit inférieur aux attentes des marchés.
Un exercice d’équilibrisme

Depuis décembre dernier, la Banque d'Angleterre a déjà procédé à deux relèvements de ses taux et les prévisions de la Réserve fédérale ont laissé entrevoir une accélération de son cycle de resserrement. Les marchés s'attendent à ce que la Fed procède à plus de six relèvements de ses taux en 2022, la première étant prévue en mars. Même la Banque centrale européenne a récemment adopté un ton plus ferme en matière d'inflation, ouvrant la voie à un relèvement des taux fin 2022. Cependant, les attentes du marché ont déjà pleinement intégré une première hausse dès juillet, de même que le passage en positif du taux directeur d’ici un an.

Malgré cela, il est fort probable que le nombre de relèvements effectivement mis en œuvre en 2022 soit inférieur aux attentes des marchés. Ces dernières tendent à surréagir et paraissent aujourd’hui bien trop élevées, surtout si l’on considère que la croissance devrait ralentir au courant de l’année et que les décisions des autorités reposent, avant tout, sur les données économiques. Il faudra donc s’attendre à ce que les banques centrales reconnaissent, après avoir procédé à un ou deux relèvements, que s'attaquer à une inflation liée à l'offre en resserrant agressivement les conditions financières pourrait être contre-productif et freiner aussi bien la demande que la croissance. La politique monétaire n’a que peu d’effet sur les deux principaux moteurs de l'inflation actuelle, à savoir les déséquilibres énergétiques et les goulets d'étranglement de l'offre. De plus, les décideurs des banques centrales seraient probablement enclins à attendre la publication de données économiques supplémentaires afin de calibrer correctement leurs politiques.

Dans ce contexte, le risque d'une fausse manœuvre – avec un resserrement trop important qui ralentirait excessivement la croissance ou un resserrement trop faible qui ancrerait les anticipations de hausse des prix - reste élevé. Aucune banque centrale ne veut être perçue comme étant en retard sur l'inflation. Ces dernières seront ainsi confrontées à un difficile exercice d'équilibrisme dans les mois à venir.

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