Transformations et opportunités en immobilier

Maximilien Moris, Hermance Capital Partners

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La pandémie va-t-elle accélérer le passage vers un nouveau cycle immobilier sous le signe de la transformation?

Voilà plus d’un an que nos modes de vie et libertés sont impactés par la pandémie du Covid-19 avec des conséquences sanitaires, économiques et sociales sans précédent. Malgré les aides des gouvernements cela se traduit par un ralentissement économique avec une contraction du produit intérieur brut de 7% dans l’Union Européenne, et 3,5% aux Etats-Unis pour l’année 2020. L’immobilier n’a pas été épargné, et les secteurs impliquant des interactions comme les bureaux, commerces, ou hôtels ont été soumis à des fermetures, provoquant des baisses de valorisations allant jusqu’à 50% en début de crise. Notons l’impact plus brutal dans l’immobilier côté face aux marchés privés, reflétant la volatilité de l’univers listé et la défiance des investisseurs. Depuis, la situation tend à se normaliser et les valorisations sont en partie revenues à leur niveau pré-pandémique, mais des incertitudes subsistent et des situations de stress financier émergent. Par ailleurs, nos modes de consommation, ainsi que nos lieux de vie, travail ou loisirs ont été largement remis en question, soulevant des interrogations sur notre usage de l’immobilier. Malgré cela, la classe d’actif conserve la faveur des investisseurs, bien qu’après plus de dix ans de croissance, l’industrie soit confrontée à une incertitude sur les revenus futurs et un besoin de transformation.

Différents éléments laissent entrevoir un potentiel de repositionnement d’actifs ou développement de projets et une note optimiste sur l’horizon économique.

La décote des actifs liés au tourisme n’est pas encore évidente mais pourrait
dans certain cas permettre des acquisitions offrant un potentiel de gain.

D’un point de vue sectoriel, la pandémie parfois qualifiée d’accélérateur de tendance a favorisé notamment les investissements dans la logistique ou le stockage de données en lien avec la consommation en ligne ou d’autres secteurs niches comme les studios de production. En ce qui concerne les secteurs plus traditionnels, ces derniers ne sont pas voués à une mort complète mais plutôt à un besoin de repositionnement mettant en avant un déplacement de valeur et non une destruction stricte. A commencer par les commerces, qui ont subi de plein fouet les restrictions pour toutes les activités non essentielles. Déjà en difficultés pré-pandémie face la hausse des achats en ligne, le secteur nécessite une transformation pour offrir une expérience mixte à la clientèle incluant, achats, restauration, bien être ou autres lieux de vie. Le format obsolète du «department store» à l’Américaine a montré ses limites donnant lieu à des faillites d’acteurs majeurs en 2020 (J.C. Penney, Neiman Marcus...), sans compter toutes les fermetures de commerces de taille plus modeste. Côté hôtelier, le choc est conséquent et les taux d’occupation sont au plus bas depuis la crise de 2008, mais il faut s’attendre à une reprise du tourisme dès que les conditions pourront le permettre. La décote des actifs liés au tourisme n’est pas encore évidente mais pourrait dans certain cas permettre des acquisitions offrant un potentiel de gain. L’interrogation se porte plus sur les hôtels d’affaires dont l’activité devrait être revue à la baisse de façon plus durable mais où des actifs clés offriront des opportunités d’investissement. Dans ce tour d’horizon des secteurs, nous ne pourrions éluder la question de l’avenir des bureaux. Bien que la plupart des sociétés considèrent une réduction de 10% à 20% de leur espace physique, cela serait une ineptie de parler de la fin du bureau. Si l’efficacité du télétravail a fait ses preuves, il ne faut pas oublier les limitations que cela implique en termes d’interactions, d’intégration ou d’apprentissage et de culture d’entreprise qui sont des facteurs primordiaux dans le succès d’un groupe et le développement de ses employés. A court terme, la demande pour les actifs de bureaux risque cependant de se déplacer vers des marchés secondaires offrant une qualité de vie plus agréable que dans les grandes villes en surchauffe. A moyen terme la question de l’obsolescence des actifs au fur et à mesure de l’échéance des baux va se poser avec une demande qui privilégiera des actifs neufs et soucieux des aspects environnementaux. Enfin, ces périodes de confinement vont nécessairement impacter le rapport à notre résidence principale. Beaucoup d’entre nous ont dû travailler depuis l’habitation familiale, donnant lieu à des archives Zoom des plus cocasses, ce qui n’est pas idéal à terme. A cela s’ajoute souvent l’absence d’espace extérieur, rendant le quotidien parfois difficile. Dans ce contexte, le secteur résidentiel a malgré tout fait preuve d’une certaine résilience avec une demande soutenue et des niveaux de collecte des loyers que modérément affectés. Cela dit, l’offre doit s’adapter et intégrer cette évolution de nos modes de vie.

Cette crise comme celles passées
apportera son lot d’opportunités.

D’un point de vue économique, certains indicateurs soutiennent la thèse d’une reprise. Tout d’abord, les mesures de confinements ont limité les dépenses des ménages qui ont vu leur épargne augmenter (+ 2,900 milliards de dollars d’épargne supplémentaires début 2021 à l’échelle globale selon Bloomberg). Ce surcroît d’épargne devrait être injecté dans l’économie en sortie de crise, contribuant à un retour de la croissance. Deuxièmement, une part de l’incertitude géopolitique liée aux élections Américaines et au Brexit est maintenant passée, rassurant les investisseurs dans une optique de stabilité. De plus, malgré la récente hausse des taux d’intérêts, qui devrait être suivie de près par les banques centrales, les attentes d’inflation avec la reprise de la demande sont en faveur de la classe d’actifs. Enfin, dans un contexte de volatilité accrue des marchés actions, l’immobilier se veut plus rassurant.

L’incertitude actuelle rend néanmoins difficile de fixer le prix de ces actifs. Cependant, les investisseurs opportunistes se positionnent pour saisir les futures opportunités avec comme contrainte une polarisation accrue entre actifs de qualités et ceux de moins bonne qualité et le travail à entreprendre pour restructurer les actifs. Enfin, sans se réjouir d’une situation dont beaucoup pâtissent, cette crise comme celles passées apportera son lot d’opportunités, ou l’innovation et la gestion active des biens resteront les meilleurs outils de création de valeur.

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