Transférer la richesse de l’entreprise à la fortune personnelle

Sylvain Pichard, BNP Paribas Wealth Management

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Pour les entrepreneurs, le transfert vers la fortune personnelle est un sujet aux multiples enjeux. Analyse pour un arbitrage judicieux.

Pour un entrepreneur qui a généré de la valeur via son entreprise, il peut être tentant d’opter pour une distribution de dividendes plutôt qu’un salaire exceptionnel, ce d’autant plus qu’avec les réformes de l’imposition des entreprises (RIE et RFFA), le dispositif actuel comporte des mesures d’allègement du double niveau d’imposition des revenus distribués sous forme de dividendes. Mais ce n’est pas aussi simple, car comme souvent en matière de politique de rémunération, les effets de bord sont multiples en raison notamment des nombreux avantages liés à la prévoyance professionnelle. Il serait dès lors facile de céder directement à la pratique du «tout dividende» plutôt que de choisir la prime de fin d’année, sans tenir compte des effets additionnels en matière de prévoyance. Les entrepreneurs disposent donc de différentes options pour effectuer l’arbitrage le plus judicieux en fonction de leurs objectifs patrimoniaux.

Première option: versement d’une prime exceptionnelle sous forme de salaire

Dans le cas du versement d’une prime exceptionnelle sous forme de salaire, le dirigeant voit sa rémunération additionnelle imposée en tant que revenu. Pour l’entreprise, ce choix est plutôt avantageux puisque la rémunération versée en tant que salaire, ainsi que les cotisations associées, sont fiscalement déductibles, ce qui lui permet de réduire sa charge fiscale. Notons que la baisse récente de l’impôt sur le bénéfice relativise cet avantage pour l’entreprise. 

En pratique toutefois, l’arbitrage entre prime et dividende doit se faire à budget global équivalent, compte tenu de la trésorerie dont l’entreprise dispose. Il ne devrait donc pas y avoir d’effet majeur entre les deux options pour la société, hormis l’impact de cette décision sur ses ratios financiers (apparaître comme une entreprise ayant des coûts importants, ou une entreprise profitable qui distribue des dividendes). A noter également que si la prime peut ne concerner que le dirigeant, en cas de pluralité d’actionnaires, une distribution de dividende bénéficiera à l’intégralité de ceux-ci.

Pour l’entrepreneur, le choix d’un salaire est bénéfique sur le plan des prestations sociales car cette rémunération constitue la base pour les prestations d’assurance et de rente. Attention cependant, car à partir d’un certain seuil de revenu, les cotisations à l’AVS seront versées à titre de solidarité pure, sans effet positif sur la rente finale du dirigeant. Le salaire moyen assuré étant ainsi augmenté, une assiette de prévoyance professionnelle additionnelle (via un 2ème pilier ou un pilier 1E) apparaît avec ses avantages: à titre d’exemples, les primes d’épargne supplémentaires réduisent le revenu imposable, les prestations de prévoyance augmentent et avec elles, le potentiel de rachats.

Seconde option: la bonification sous forme de dividende

Le dividende est également imposé en tant que revenu pour son bénéficiaire, mais à des conditions plus favorables qu’un salaire. Pour l’entreprise, contrairement aux salaires, les dividendes ne viennent pas réduire la charge fiscale. Mais comme vu ci-dessus, le raisonnement est fait à iso-coût pour l’entreprise. Par ailleurs, les dividendes proviennent de bénéfices de la société déjà imposés, ce qui entraîne une double charge fiscale, pour la société et pour l’actionnaire.

Pour le dirigeant, cette double imposition a toutefois été atténuée avec la réforme de la fiscalité des entreprises. Désormais, une imposition partielle de 70% a été établie au niveau fédéral dès lors que le taux de participation du dirigeant dans l’entreprise dépasse les 10% du capital-actions. Certains cantons prévoient également une réduction d’assiette comparable. Enfin, et hors cas d’abus, le dividende est exonéré de cotisations sociales, d’où un allègement du frottement global lié à la perception de cette rémunération. En revanche, contrairement à une prime salariale, le dividende ne permet pas d’améliorer directement le niveau de la prévoyance professionnelle. 

En conclusion, l’arbitrage salaire-dividende réside donc davantage dans un triptyque salaire-dividende-prévoyance professionnelle, dans une optique de solutions complémentaires et non pas concurrentes. Chaque situation nécessite aussi une approche personnalisée, tenant compte des critères personnels et familiaux des entrepreneurs, ainsi que de leur éventuelle mobilité intra-suisse ou internationale. Il est donc crucial d’anticiper cette réflexion afin de faire les bons choix et planifier leur exécution en fonction des besoins et des objectifs professionnels et personnels de chacun. «Diriger, c’est prévoir»: l’adage reste donc plus que jamais de mise pour les entrepreneurs.

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