Scary monsters (saison 2)… Trump, la Chine, la Fed

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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Donald Trump est un problème sérieux. Le sort de l’économie mondiale ne dépend heureusement pas d’un seul homme.

© Keystone

C’est la première fois depuis 2016 qu’un début d’année est marqué par autant de craintes sur l’économie mondiale. Non sans raison. Les marchés ne sont pas loin de penser qu’une récession est inexorable aux États-Unis, que la Chine, mise sous pression par l’offensive commerciale de Donald Trump, ne pourra pas échapper cette fois-ci au hard landing et qu’il n’y a aucun secours à attendre des banques centrales. Tout cela est possible, mais pas certain, loin s’en faut. Trump, en donnant un caractère inconsistant et erratique au policy-mix américain, est un problème sérieux. Le sort de l’économie mondiale heureusement ne dépend pas d’un seul homme, fût-il le plus grand président américain. Voyons pourquoi…

Tout d’abord, il est utile de tracer l’état des lieux. A l’échelon mondial, la croissance du PIB réel est passée selon nos estimations de 4.1% sur un an fin 2017 à 3.6% fin 2018, c’est-à-dire qu’on est revenu sur la moyenne post-crise. Cela appelle deux remarques. Primo, l’ajustement est pour l’instant graduel. Secundo, comme on part de haut, la zone de calage, qu’on estime aux environs de 2.5%, reste lointaine. On en était bien plus proche début 2016 et pourtant le scénario du pire ne s’était pas réalisé. Une croissance mondiale se rapprochant de 3% en 2020 est un scénario raisonnable selon nous (3.3% en 2019e). A ce stade du cycle, il n’est ni étonnant, ni alarmant, que la croissance se tasse vers sa tendance ou même passe au-dessous. Aux États-Unis, par exemple, l’écart de production est comblé, le chômage a presque disparu, la stimulation fiscale va peu à peu s’estomper, et l’économie va subir l’effet décalé du resserrement des conditions monétaires.

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Mais alors, la récession américaine, on va l’éviter? L’expérience montre qu’on passe plus de temps à guetter les récessions qu’à les vivre (elles durent deux-trois trimestres en moyenne). Si l’on se réfère à leurs causes immédiates, beaucoup d’entre elles sont absentes aujourd’hui. Le risque de choc pétrolier a nettement reflué ces derniers mois. Le risque de voir la politique monétaire aborder un territoire restrictif a baissé ces dernières semaines. Les hausses de taux automatiques d’une par trimestre ne sont plus à l’ordre du jour. La Fed est en mode pause pour six mois, au moins. Il n’y a pas eu d’excès généralisé d’endettement, en tout cas pas chez les ménages, ce qui avait été à l’origine du repli massif de la demande intérieure lors de la dernière récession, il y a dix ans. Le début d’inversion de la courbe des taux montre que le risque de récession est significatif, mais il nous semble plus faible en 2019 que celui d’un soft landing. Sans surchauffe, on réduit les chances de récession.

D’où peuvent venir les risques baissiers? Un problème considérable, et inédit, ce qui n’arrange rien, est la remise en cause des règles du libre-échange par le président américain. Le protectionnisme est une idée profondément ancrée dans la tête de Donald Trump, qui pense ainsi relocaliser des emplois. Sa base électorale y est favorable (tant qu’elle n’en paye pas le prix) et tous les conseillers réputés "globalistes" ont quitté son administration. Il ne reste que les faucons. Cette guerre commerciale, comme il est convenu de l’appeler, est mutuellement couteuse pour tous les belligérants. Quand on déstabilise la Chine, il y a des effets de ricochet un peu partout dans le monde, y compris pour l’économie américaine. Les droits de douane sont une forme de taxation, supportée au bout du compte par le consommateur. Donald Trump est familier des volte-face en de nombreux domaines, ce qui ouvre peut-être la voie à un apaisement dans les relations sinoaméricaines. La prudence reste de mise. Il ne faudrait pas que la fureur protectionniste du président américain se déplace vers l’Europe.

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