S’exposer aux bons risques

Salima Barragan

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Notre métier n’est pas de les éviter, mais de sélectionner ceux que le marché comprend mal, estime Pierre Verlé de Carmignac.

Dépendants des politiques monétaires extraordinaires devenues ordinaires, les marchés de crédit inciteront leurs banquiers centraux à ne pas laisser les primes de risque filer. Une nouvelle saison de «Tapering» pourrait débuter à la fin de cette année et les premières hausses de taux d’intérêt sont attendues dès l’année prochaine. Selon Pierre Verlé, responsable du crédit chez Carmignac, les risques sont d’un côté la sensibilité au taux des obligations Investment Grade, et de l’autre la renormalisation des taux de défaut pour celles de qualité inférieure. Ces dernières offrent néanmoins un portage et une moindre sensibilité qui les protègent contre la remontée des taux d’intérêt.

Des taux bas encore persistants

Avec habilité, les banques centrales ont déjoué une débâcle sur le marché du crédit durant la pandémie grâce à des politiques monétaires non-conventionnelles. «Elles connaissent la recette depuis la grande crise financière, et l’ont appliquée d’autant plus vite et d’autant plus fort qu’il n’y avait, cette fois, pas d’aléa moral», relève Pierre Verlé. L’orage passé, les intervenants commencent à anticiper le dénouement de leurs programmes. «Les Etats comme les banques centrales sortiront le marché d’un état d’anesthésie générale de 18 mois qui conduira vers une normalisation du crédit. Ces politiques ont impacté les taux sans risque ainsi que les primes de risque», ajoute Pierre Verlé qui n’anticipe toutefois aucune précipitation dans le relèvement des taux et des primes de risque, car la répression financière demeura toujours d’actualité.

«Les injections de liquidité et mesures de soutien prises par les gouvernements ont gelé les défauts de paiement».
Normalisation des défauts de paiement

Rappelons que le maintien des primes de risques à des niveaux artificiellement bas a des effets pernicieux: «sans crainte du défaut, les marchés de crédit allouent le capital de la pire des manières, en se dirigeant vers les émetteurs les moins viables parce que ces derniers offrent une prime par rapport à ceux dont le modèle est profitable», explique Pierre Verlé.

D’ailleurs, malgré l’arrêt de certains pans de l’économie au cours de l’année 2020, les taux de défaut des obligations de qualité inférieures sont restés étonnamment stables. «Les injections de liquidité et mesures de soutien prises par les gouvernements ont gelé les défauts de paiement», estime Pierre Verlé. Ainsi, la normalisation d’un taux de défauts en ligne avec les fondamentaux des sociétés devrait assurer une meilleure répartition du capital. «Je m’attends à ce que les taux remontent sur des niveaux plus élevés, sans pour autant parler de vague de défaut», nuance-t-il.

L’énergie et les bancaires

Dans ce contexte, Pierre Verlé privilégiera des émetteurs de qualité qui offrent du portage et une protection contre une remontée des taux. Les nouveaux acteurs de la transition énergétique figurent en bonne place dans son portefeuille. «Le marché qui apprécie les émetteurs testés sur plusieurs cycles, sous-valorise ces nouveaux entrants pourtant solides», estime-t-il. La finance – un poids lourd de l’univers obligataire – comprend des banques qui sont devenues plus solides durant ces dernières années, mais aussi des nouveaux acteurs issus des marchés émergents. «Nous avons des titres dans des secteurs aussi diversifié que la gestion d’actifs, un secteur mal compris par le crédit, l’hôtellerie ou les infrastructures de télécommunication. Nous trouvons des émetteurs dont les risques sont surestimés par le marché», conclut-il.

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