«Nous recherchons une corrélation basse avec l’industrie des hedge funds», déclare Cédric Vuignier, de SYZ AM.
Durant une décennie, l’industrie des Hedge Funds a été pénalisée par les politiques monétaires complaisantes des banques centrales. Pourtant, depuis 2018, malgré des performances globales mitigées, les investisseurs institutionnels ont augmenté leur allocation sur cette classe d’actifs. Avec les taux d’intérêts et la volatilité qui se normalisent, ces investissements alternatifs se retrouvent dans un contexte d’avant-crise. Le point avec Cédric Vuignier, responsable des investissements alternatifs chez SYZ Asset Management. Son produit «Uncorrelated» a été un des rares investissements en hausse en 2018.
De 2010 à 2016, l’indice HFRI Fund Weighted a affiché une performance de 58%, soit environ quatre fois moins que celle du S&P 500 sur la même période (205%). Comment expliquer une telle sous-performance vis-à-vis d’une simple stratégie indicielle?
Il faut retourner aux suites de la crise financière globale de 2008, où les politiques monétaires conciliantes des banques centrales ont pris le relais des fondamentaux. Ces derniers ne guident plus les marchés comme ils le devraient. Cette «anomalie» explique en partie pourquoi les performances des Hedge Funds ne se sont pas distinguées des actions, en particulier sur les stratégies Long-Short:«les politiques monétaires ont drainé des flux d’investissement sur des sociétés dont les résultats étaient mauvais», affirme Cédric Vuignier. Donc, dans un environnement de normalisation des taux d’intérêts, ces sociétés médiocres survivront difficilement sans la manne des liquidités bon marché.
De plus, le changement de réglementation radical des Hedge Funds (aux États-Unis et en Europe), ainsi que l’apparition des fonds UCITS, qui visent à renforcer le transparence, limite les gérants dans la gestion de leurs stratégies. «Avec le format UCITS, les possibilités de trading sur certaines classes d’actifs sont restreintes, les exigences de liquidités pèsent sur les performances. De plus, l’obligation de divulguer le positionnement des fonds diminue leur plus-value», commente Cédric Vuignier.
Mise à part cette évolution réglementaire, les Hedge Funds se retrouvent à nouveau dans le contexte d’avant-crise. Premièrement, parce que les marchés sont à nouveau déterminés par les fondamentaux, comme en témoigne l'amélioration de la dispersion intra-stock. Mais aussi, parce qu’avec le rehaussement des taux d’intérêt, le règne de l’argent facile s’achève. Les taux d'intérêt à court terme en dollar US ont déjà augmenté. Pour 2019, le consensus du marché table sur deux hausses de taux de la Fed, puis une en 2020, avec un objectif des Fed Funds à 3,25%. Selon une recherche de SYZ Asset Management, les fonds alternatifs ont surperformé les actions et les obligations lors des cycles de resserrement antérieurs. «Les stratégies de Hedge Funds sont liées aux taux d’intérêt. Un niveau bas pénalise certaines stratégies comme celles sur les dérivés comportant des liquidités en portefeuille», explique Cédric Vuignier.
Les mouvements de marché d’octobre 2018 ont souligné la vulnérabilité des stratégies à effet de levier saturées. «Il y a eu un ‘deleveraging’ très fort durant le dernier trimestre 2018. Etant donné que la plupart des gérants de portefeuille utilisent les mêmes processus d’investissement et de risk management, ils subissent l‘effet boule de neige lorsque les marchés deviennent très tendus comme cela a été le cas en octobre 2018. Lorsque la volatilité des marchés augmente, certains gros acteurs, comme les fonds quantitatifs, sont très vifs et réduisent rapidement leur risque, déclenchant de ce fait le processus pour réduire le levier», souligne Cédric Vuignier. Contenir ses pertes dans ces mouvements accélérés devient difficile car tous les gérants de fonds n’ont pas le temps de se retourner. «Nous avons réduit nos stratégies de type Market Neutral, car elles sont les premières impactées lors de rotation sectorielle ou factorielle courante en fin de cycle», poursuit-il.
une plus grande agilité face aux aléas boursiers.
Similairement, les stratégies moins surachetées permettent des performances non-corrélées: «depuis 2012, nous utilisons un puissant système quantitatif développé à l’interne pour déceler les facteurs qui influencent notre portefeuille ‘uncorrelated’. Lorsqu’un de ces facteurs apparaît, nous ajustons mensuellement nos portefeuilles. Nous cherchons aussi une corrélation basse avec l’industrie des hedge funds». La corrélation de notre portefeuille est actuellement inférieure à 0,3 sur les 5 dernières années et d’environ 0,10 avec les marchés des actions et obligataires.
La fin du QE (Quantitative Easing) et la réduction du bilan de la Fed vont amener davantage de volatilité sur les marché. Pour y parer, certains investisseurs réduisent leurs investissements traditionnels. La volatilité profite aux stratégies à revenu fixe. En revanche, elle pénalise les stratégies bêta alors que les stratégies «low beta» permettent de contrebalancer les portefeuilles. «Depuis 2018, nous avons remarqué un intérêt croissant pour nos stratégies non corrélées», déclare Cédric Vuignier qui recommande d’augmenter les stratégies d’arbitrage (volatility arbitrage ou fixed income arbitrage). De même, les stratégies à court terme (Quantitative short term players) permettront une plus grande agilité face aux aléas boursiers mais la vigilance sur la liquidité du marché reste de mise, particulièrement, sur le segment du crédit.
Enfin, notons que certaines politiques imprévisibles compliqueront la vie des gérants de hedge funds. «Les décisions rapides de Trump sont difficiles à lire; ses tweets font bouger les marchés», regrette le spécialiste. L’achat de NXP, dans le cadre d’une stratégie de Merger Arbitrage, est un cas reconnu de transaction avortée par un gouvernement (chinois en l’occurrence).