Reprise en Suisse: quête de rendements dans l’obligataire et l’immobilier

Stéphane Monier, Lombard Odier

4 minutes de lecture

Le marché suisse des fonds immobiliers se redresse grâce à des valorisations plus attrayantes.

Points clés:
  • La BNS prévoit une contraction de l’économie suisse de 6% en 2020 en raison du COVID-19
  • Face à de faibles rendements obligataires, l’immobilier constitue une option intéressante
  • Le marché suisse des fonds immobiliers se redresse grâce à des valorisations plus attrayantes
  • Nous détenons une exposition à l’immobilier suisse depuis novembre 2018. La classe d’actifs devrait continuer à offrir un profil de risque/rendement intéressant.

À l’instar des autres pays avancés, la Suisse connaît un recul de sa croissance économique et un taux de chômage record en raison de la pandémie. Cependant, contrairement à d’autres, son économie tournée vers l’exportation doit en outre répondre à des défis posés par une monnaie forte et des taux d’intérêt négatifs, deux éléments qui rendent la tâche des investisseurs en francs suisses particulièrement ardue.

Début 2020, l’économie suisse affichait déjà un faible taux de croissance et une inflation atone tandis que ses exportations souffraient de surcroît des tensions qui pesaient sur le commerce mondial. La semaine dernière, la Banque nationale suisse (BNS) a déclaré que le PIB pourrait se contracter d’environ 6% cette année, la chute la plus rapide depuis la crise pétrolière des années 1970, et que l’économie ne se rétablirait pas avant 2021.

L’économie suisse traverse «une forte récession», a indiqué Thomas Jordan, le président de la BNS. Le PIB avait déjà reculé de 2,6 % au premier trimestre 2020 par rapport au dernier trimestre 2019. Un chiffre qui ne reflète pas la phase la plus sévère du confinement. Le chômage s’inscrivait à 3,4% en mai, un taux relativement faible mais qui représente une augmentation record. La banque centrale a maintenu son taux directeur à -0,75% et ses prévisions d'inflation à -0,7% pour 2020. Elle a aussi augmenté les lignes de crédit accordées aux banques commerciales afin de soutenir les prêts aux entreprises. 

Nous avions écrit début mars que les décisions de la BNS allaient devenir de plus en plus compliquées. Ses outils de politique monétaire – les interventions sur le marché des changes et les taux d'intérêt négatifs – perdent de leur efficacité tandis que l’inflation ne montre aucun signe de redressement.

Thomas Jordan a renforcé le message de l’autorité monétaire la semaine dernière. «Nous restons prêts à intervenir plus vigoureusement sur le marché des changes» a-t-il déclaré. La vigueur du franc suisse reste soutenue par la conjoncture mondiale car il continue à faire office de monnaie refuge. Suite aux interventions de la BNS pour limiter la hausse de la monnaie helvétique pendant la crise sanitaire, son bilan a atteint fin avril le montant record de 903,5 milliards CHF, dépassant le record précédent enregistré en novembre 2019. 

Même si les interventions de la BNS ont ralenti ces dernières semaines, le franc restera probablement à un niveau élevé aussi longtemps que la demande d’actifs refuges perdurera. Par ailleurs, la banque centrale n’a aucune raison d’arrêter d’intervenir sur le marché des changes tant que cela ne déstabilise pas l’économie.

La BNS joue un rôle important pour stimuler l’économie en fournissant des liquidités aux banques commerciales. Il paraît peu probable cependant que les injections de liquidités conduisent à une poussée inflationniste à moyen terme. 

Soutenu par la BNS, le crédit jouera un rôle essentiel dans le redressement de l’économie suisse. Les émissions d’obligations d’entreprise sont montées en flèche, même si les prix reflètent davantage le manque de liquidité que les fondamentaux des émetteurs (voir graphique 1).

Nous notons également de grandes disparités entre les secteurs. Ainsi, les biens et services essentiels, tels que les télécommunications, la distribution alimentaire, les produits pharmaceutiques et le bâtiment, ont été moins touchés ces derniers mois que l’industrie du voyage, les transports ou les distributeurs hors alimentation. Nous continuons à suivre de très près les risques de crédit, l’évolution des notations et les différences sectorielles afin d’identifier les modèles d’affaires les plus résilients. 

Le marché obligataire coté en francs suisses représentait environ 500 milliards l’an dernier, les trois quarts provenant d’émetteurs suisses. Plus de 20% du marché en volume affiche une duration d’au moins 10 ans. Celle-ci a progressé au cours des dix dernières années (voir graphique 2). Il s’agit d’un marché principalement orienté vers des émetteurs de qualité, dont la dette souveraine, ce qui peut conduire à des rendements moins élevés. Pour améliorer les performances, il est possible de se tourner vers des émetteurs offrant un rendement plus élevé ou d’allonger l’exposition à la duration dans les portefeuilles. Par conséquent, la gestion active demeure essentielle dans le segment obligataire car elle permet de parvenir à un équilibre optimal entre duration et rendement.

Dans l’environnement actuel de taux négatifs, qui selon la BNS devrait perdurer encore deux ans, les investisseurs en francs suisses doivent identifier de nouvelles sources de revenu. L’immobilier représente une alternative intéressante et nous avons commencé à constituer une exposition à l’immobilier suisse dans nos portefeuilles en novembre 2018. En effet, cette classe d’actifs a montré un profil de risque/rendement attrayant. En janvier 2020, après avoir enregistré une performance exceptionnelle de 20% en 2019, nous avons réorienté une partie de cette allocation sur le marché immobilier européen, de manière à améliorer la diversification géographique et sectorielle. 

Comme la plupart des autres marchés, il ne fait aucun doute que le marché immobilier va évoluer en raison de la pandémie du COVID-19. De nombreux propriétaires et locataires, dans le secteur résidentiel comme dans le secteur commercial, pourraient être amenés à repenser leurs lieux de vie et de travail. Le nombre de locaux vacants pourrait ainsi augmenter, les loyers baisser et la demande refléter un intérêt croissant pour les espaces extérieurs, suscité par les craintes liées à de nouvelles mesures de confinement. 

D’un point de vue sectoriel, la pandémie a amplifié des tendances existantes. Tout comme le secteur des voyages au sens large, durement touché par la crise sanitaire, les hôtels ont constaté une diminution de moitié du nombre des visiteurs étrangers au premier trimestre, un recul qui s’est ajouté aux pressions exercées sur le tourisme ces dernières années par le franc fort. 

Deuxièmement, les locaux réservés au commerce de détail ont souffert. Le prix demandé pour les loyers des commerces a diminué de 2,1% au premier trimestre, alors qu’il avait augmenté de 2,8% sur la même période en 2019. Les distributeurs alimentaires qui sont restés ouverts pendant la pandémie font toutefois exception. Troisièmement, il est difficile d’estimer l’évolution de la demande de bureaux après la crise car les entreprises permettent à davantage d’employés de travailler depuis chez eux. Quant au secteur de la logistique, il s’est révélé l’un des plus résistants pendant la crise grâce à la progression du volume des achats effectués en ligne ces dernières années. 

Enfin, le marché résidentiel apparaît comme le segment le plus résilient en cette période post-COVID. Toutefois, l’offre dépasse toujours la demande. Ce déséquilibre ne transparaît pas nécessairement dans les valorisations puisque la demande ne cesse de croître sur les marchés les plus dynamiques, tels que les immeubles et les marchés présentant des caractéristiques précises, comme un jardin ou de vastes pièces à vivre, des espaces particulièrement appréciés pendant le confinement. Cela soutiendrait bien évidemment les prix des logements familiaux par rapport aux appartements. 

La pandémie a entraîné des niveaux de volatilité historiques sur le marché suisse des fonds immobiliers, qui était exposé à 53,7% au secteur résidentiel en décembre 2019. L’indice SXI Real Estate, qui mesure le rendement total de cette classe d’actifs, a perdu 19,92% entre le 24 février et le 17 mars, une chute record. À court terme, nous avons constaté que quelques fonds immobiliers ont suspendu ou différé les loyers afin d’aider les locataires à traverser la pandémie et à conserver leurs locaux. Plus récemment, le marché s’est redressé grâce à des valorisations plus attractives. 

Nous estimons que les fonds immobiliers suisses, en tant que classe d’actifs, continueront à générer des rendements intéressants par rapport à d’autres investissements en francs suisses. Le rendement généré actuellement par les dividendes des fonds immobiliers se situe aux alentours de 2,7%, avec un spread de plus de 300 points de base par rapport aux obligations à 10 ans émises par la Confédération. Alors que la volatilité des cours boursiers continue, le rôle de la gestion active reste clair : continuer à créer de la valeur en saisissant les opportunités d’investissement qui se présentent et en procédant aux prises de profits au moment opportun.

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