Rendements obligataires négatifs: nouvelle norme?

Nick Hayes, AXA Investment Managers

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«Afin de mieux gérer cet environnement de taux négatifs, les investisseurs feraient bien de réévaluer leur portefeuille», affirme Nick Hayes de AXA WF Global Strategic Bonds.

Il peut sembler étrange que des épargnants paient un établissement bancaire pour garder leurs fonds. Voilà pourtant ce qui pourrait arriver dans certains Etats de la zone euro. Les investisseurs obligataires y sont même déjà confrontés: nombre d’obligations gouvernementales de pays comme l’Allemagne ou le Japon affichent des rendements négatifs. Le volume global de ces emprunts rémunérés négativement a récemment dépassé les 15 milliards de dollars US.1 Les emprunts d’entreprise prennent progressivement le même chemin: certains sont d’ores et déjà rémunérés négativement. Des scénarios qui paraissaient encore récemment improbables. Mais qui sont de plus en plus normaux. «Afin de mieux gérer cet environnement de taux négatifs, les investisseurs feraient bien de réévaluer leur portefeuille», affirme Nick Hayes, gestionnaire de portefeuille pour AXA Investment Managers. Face à une politique mondiale en constante mutation, à une démographie en plein bouleversement et à une conjoncture mondiale faiblissante, les investisseurs obligataires doivent faire preuve de souplesse comme jamais auparavant.

«Nous estimons qu’ils ont tout intérêt à s’ouvrir à la nouveauté», ajoute Hayes. Pour nombre d’investisseurs comme les caisses de pension, les emprunts obligataires restent indispensables à titre de couverture. Notre expert renvoie aux emprunts chinois, qui ont pour la première fois été intégrés au Bloomberg Barclays Global Aggregate Bond Index en avril. D’autres indices pourraient suivre. «Cela pourrait déclencher de forts afflux vers le marché chinois des emprunts obligataires et étayer le Renminbi. Et donc avoir des répercussions importantes sur les marchés obligataires internationaux également», poursuit Hayes. La structure de propriété des emprunts d’Etat dans le monde entier pourrait connaître de profonds changements au cours des dix prochaines années. «La Chine pourrait devenir un marché offrant des rémunérations plus élevées aux investisseurs prêts à prendre davantage de risque. Mais les emprunts chinois pourraient aussi devenir des havres. Pour l’instant, je n’exclus aucun scénario», précise l’expert.

La guerre commerciale laisse des traces

Le conflit commercial entre les USA et la Chine, soit les deux plus grandes économies mondiales, prouve en ce moment de manière éclatante à quel point la Chine est devenue un acteur incontournable pour le monde entier. La croissance économique chinoise commence déjà à en ressentir les effets: au deuxième trimestre 2019, elle a enregistré son plus faible résultat sur 30 ans ou presque.2 Les conséquences sont globales, car la Chine est le plus grand exportateur au monde et le deuxième plus grand importateur derrière les USA.3 D’autres marchés émergents et pays asiatiques devraient cependant bénéficier des frais de douane imposés par les USA sur les marchandises chinoises. L’Indonésie par exemple pourrait reprendre une partie de la production chinoise.

«Les craintes de voir cette guerre commerciale devenir une sorte de nouvelle guerre froide semblent un peu exagérées. Il se peut toutefois que l’économie mondiale ne revienne pas au libre échange couramment pratiqué auparavant», déclare Hayes. Des conflits en droits de la propriété intellectuelle entre les USA et la Chine ont conduit à un nouveau protectionnisme, qui pourrait perdurer et avoir des conséquences durables sur les marchés mondiaux. Si l’intensité de cette guerre commerciale augmente encore, il n’est pas exclu que les rendements des emprunts d’Etat américains virent eux aussi au négatif. «Nous considérons cependant également les opportunités qu’offrent d’autres marchés, justement si les investisseurs qui cherchent des titres de qualité s’ouvrent à l’international», conclut l’expert.

 

1 Bloomberg, 6 août 2019.
2 Au deuxième trimestre 2019, le PIB chinois a enregistré une hausse de 6,2% (annualisée), soit la plus faible hausse depuis 1992.
3 Banque mondiale, donnée 2018 en dollar US.

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