Relance massive et risques de surchauffe: quelle stratégie privilégier?

Lars Kalbreier, Edmond de Rothschild

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Le déploiement des campagnes de vaccination et les programmes de relance stimulent les prévisions de croissance aux Etats-Unis.

©Keystone

Il y a quelques mois, la principale préoccupation des investisseurs était que l’économie américaine, ralentie par la pandémie, n’aurait pas une croissance suffisante. Depuis, l’ambiance a considérablement changé. 

Tout d’abord, alors que les Etats-Unis étaient en retard sur les autres pays dans leur réponse à la pandémie de COVID-19, le président américain Joe Biden a clairement changé de cap. Début janvier, il a promis de fournir «100 millions de doses de vaccins au cours de ses 100 premiers jours». Le mois dernier, cette promesse a été portée à 200 millions de doses et Joe Biden a déclaré solennellement que le 4 juillet serait également le «jour de l’indépendance vis-à-vis du virus». Ce résultat a été obtenu grâce à la création d’un partenariat public-privé pour la production de nouveaux vaccins, à l’accélération des processus d’approbation des vaccins, à la réduction de la bureaucratie et à la création de centres de vaccination, même dans des supermarchés comme Walmart. 

En outre, Joe Biden a annoncé en janvier dernier des programmes de relance supplémentaires, tels qu’un programme de 1’900 milliards de dollars comprenant des chèques de 1’400 dollars pour la plupart des Américains et des investissements substantiels visant à transformer l’économie américaine en une économie plus verte. Plus récemment, Joe Biden a même dépassé ce montant en proposant un nouveau paquet de 2’250 milliards de dollars destiné à renouveler l’infrastructure américaine en lambeaux, qui souffre d’un sous-investissement chronique. Tout cela a contribué à améliorer considérablement les perspectives de l’économie américaine, qui devrait connaitre une croissance de plus de 6% cette année, et à soutenir le sentiment des investisseurs en actions du monde entier. La plupart des indices ont atteint les niveaux d’avant la crise et le marché américain a même atteint un nouveau sommet historique.

Les bonnes nouvelles pour les investisseurs en actions
sont devenues de mauvaises nouvelles pour les marchés obligataires.

En revanche, les bonnes nouvelles pour les investisseurs en actions sont devenues de mauvaises nouvelles pour les investisseurs obligataires. En effet, les marchés obligataires du monde entier ont connu leur pire début d’année depuis des décennies. Les investisseurs craignaient en effet que la combinaison d’une forte croissance économique, d’une demande de consommation latente due à l’augmentation de l’épargne pendant le confinement et à l’arrivée des chèques aux particuliers, ainsi que de nouveaux programmes de relance gouvernementaux, ne conduise à une forte reprise de l’inflation. Tout cela les a incités à vendre des obligations à échéance plus longue et à demander des rendements plus élevés sur les obligations existantes et nouvellement émises. 

Le retour de la forte inflation des années 1970?

La question-clé est donc : allons-nous assister à un retour de l’inflation comme dans les années 1970 ou au début des années 1980 et devons-nous nous en inquiéter? 

La réponse est non. Il y a trois raisons à cela: 

  • Premièrement, un rebond de l’inflation à court terme est absolument normal et même bienvenu, car les consommateurs recommenceront à dépenser après cette longue période de confinement. 
  • Deuxièmement, les taux de chômage devraient baisser considérablement par rapport aux niveaux actuels pour que l’inflation augmente. De plus, l’utilisation des capacités des entreprises reste inférieure à son niveau d’avant COVID et peut ainsi répondre à une demande plus importante. 
  • Troisièmement, et surtout, la pandémie a stimulé l’adoption d’outils numériques. Nous avons vu par le passé qu’une augmentation de la numérisation va de pair avec une réduction des prix de détail et donc de l’inflation. C’est pourquoi, dans l’histoire récente, l’inflation a toujours été plus faible que prévu. Si la combinaison d’une réouverture de l’économie et de programmes de relance vigoureux est susceptible de stimuler l’inflation à court terme, un retour structurel d’une inflation élevée est peu probable. Cependant, une normalisation de l’économie aux niveaux d’avant la pandémie signifie également que les taux d’intérêt à long terme se réajusteront aux niveaux d’avant la crise. Nous prévoyons donc que les obligations de long terme continueront d’être sous pression jusqu’à ce que ce réajustement soit achevé. 
Le principal risque pour les investisseurs
reste la rapidité de mise en œuvre des campagnes de vaccination.
Que cela signifie-t-il pour notre stratégie d’investissement? 

Nous continuons à préférer les actions aux obligations. Cette préférence s’explique par la politique monétaire de soutien menée par les banques centrales, les vastes programmes de relance des gouvernements et la probabilité d’un rebond de la croissance économique mondiale au second semestre de l’année. Cependant, les valorisations sont devenues de plus en plus un défi, car de nombreux marchés actions ont atteint de nouveaux sommets et ont dépassé leurs niveaux d’avant la crise.

Au sein des actions, nous privilégions les Etats-Unis et l’Asie, car l’Europe est à la traîne dans ses programmes de vaccination et devrait donc tarder à rouvrir son économie. Nous continuons à investir dans les grandes tendances à long terme telles que les soins de santé numériques, l’agriculture intelligente et les entreprises à gouvernance responsable. 

Au sein des obligations, nous maintenons notre préférence pour les obligations à plus courte échéance, les poches de crédit d’entreprise telles que la dette subordonnée et financière et le crédit des marchés émergents, qui offrent des rendements plus élevés que de nombreuses obligations d’Etats développés. 

Le principal risque pour les investisseurs reste la rapidité de mise en œuvre des campagnes de vaccination. Il s’agit essentiellement d’une course contre la montre. En effet, si de nouvelles mutations du virus s’avéraient être résistantes aux vaccins actuels, cela renouvellerait les confinements et nuirait à la croissance économique sur le court terme. Ce qui impacterait les actifs plus risqués comme les actions à court terme et favoriserait les actifs plus sûrs comme les obligations et l’or. 

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